Les outils de participation du public : déclencheur ou réponse aux conflits liés au bruit ?

          ECHAHID Samira (2009), "Les outils de participation du public : déclencheur ou réponse aux conflits liés au bruit ?", communication aux premières journées doctorales sur la participation du public et la démocratie participative, Ecole Normale Supérieure de Lyon, 27-28 novembre 2009.

 


 

Télécharger

Télécharger

   

Extrait de l'article

    Introduction   Le silence total est insupportable, peut-être autant que le vacarme. Le bruit est une manifestation de la vie qui devient nuisance, gêne ou pollution lorsqu’il n’est pas désiré. 54% des ménages français se disent gênés des nuisances sonores à leur domicile, devant la pollution atmosphérique et la délinquance, selon une enquête de l’INSEE réalisée fin 2002. Le bruit constitue alors la première source de détérioration de la qualité de vie tant dans des contextes centraux, suburbains et périurbains. Eu égard à ces chiffres, il n’est en rien surprenant que les nuisances sonores soient sources de mobilisations de la part des riverains et de collectifs d’habitants. En effet, la question du bruit et ce qu’elle véhicule comme considérations sur le bien-être et la satisfaction environnementale génèrent de nombreux conflits locaux entre les riverains, les opérateurs (émetteurs) et les élus. Depuis la fin des années 1980, on observe une inflation des formes de participation dans un contexte de délégitimation croissante de l’action publique et de multiplication des conflits et controverses. L’objectif affiché de cet élargissement participatif est clairement la production de l’acceptabilité sociale des projets.

Le bruit en tant qu’élément objectif influant sur la qualité de vie et la santé de chaque individu constitue un problème d’ordre environnemental, il fait en effet partie des missions du Ministère de l’Écologie du Développement et de l’Aménagement Durables. Cependant, il demeure encore le parent pauvre des dépenses publiques en matière d’environnement. Or depuis peu, le gouvernement semble prendre conscience de l’ampleur du problème, la lutte contre le bruit se hisse petit à petit au rang des préoccupations gouvernementales majeures et ambitionne de devenir un des objectifs à part entière de différentes modalités d’action publique. Désormais la question du bruit est inscrite sur l’agenda politique et devient un sujet d’actualité. En outre, la loi Grenelle I du 3 août 2009 renforce les législations existantes de lutte contre le bruit et le rapport Stiglitz remis début septembre 2009, au président de la République, préconise de compléter le produit intérieur brut par d'autres indicateurs tels que des niveaux de bruit, afin de mesurer le progrès social et le bien-être des individus dans chaque pays.

Hormis la taxe imposée aux grandes infrastructures aéroportuaires, la lutte contre le bruit peine à appliquer le concept de pollueur-payeur. Le bruit induit des coûts sociaux lorsque ceux-ci ne sont pas supportés par les agents responsables (coûts médicaux et d’insonorisation des logements, éventuelle dépréciation immobilière (Faburel, 2001, 2006). Ainsi, le bruit est la seule nuisance dont la victime soit le payeur, on parle alors de pollué-payeur. Après le bruit de voisinage qui collecte le plus de plaintes, le bruit des transports est considéré par les Français comme la première cause de dégradation du cadre de vie. Détenant l’empreinte acoustique la plus importante d’une ville de par son caractère omniprésent, la circulation automobile constitue la principale source de nuisances sonores, mais c’est le trafic aérien qui constitue le générateur absolu de gêne sonore en raison des crêtes ponctuelles de bruit et des intrusions intempestives générées par le passage des avions.

Ma communication s’intéresse à l’analyse de situations conflictuelles inhérentes au bruit pour lesquelles des dispositifs participatifs spécifiques ont été mis en place. Globalement, je m’interroge sur le problème posé en quelques mots par Cécile Blatrix (2002 : p. 82) : « le potentiel protestataire est-il soluble dans la "démocratie participative" ?» Et plus précisément mes interrogations portent sur les effets produits par les tentatives de résolution de conflits liés au bruit : je postule que les dispositifs participatifs ont des répercussions paradoxales : initialement conçus pour calmer les mécontentements, les instruments de participation du public peuvent constituer des déclencheurs de conflit. Ce papier envisage donc d’analyser les relations entre démocratie participative et conflits liés aux bruits de la ville à partir des dispositifs de participation existants dans deux cas d’étude, par l’intermédiaire de cette question duale : la concertation épuise-t-elle la contestation (Rui, 2004) ou est-ce qu’elle la génère voire l’alimente ?
   

Plan de l'article

  Préambule : intérêts de ma recherche et cas d’études
Les dispositifs participatifs comme réponse aux conflits
  • Territorialisation du bruit
  • Une administration collégiale du bruit des avions
Les outils de participation comme source de conflictualité
  • Impossibilité de redéfinir l’intérêt général
  • Une cartographie du bruit biaisée par les indices de mesure
  • Échec de la CCE : des cadres trop stricts
Conclusion