Le pluralisme démotique. Contribution au concept juridique de peuple

CUVELIER Claire, Le pluralisme démotique. Contribution au concept juridique de peuple, thèse pour le doctorat de Droit public, Université de Lille 2, 2014.


 

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Résumé

La thèse est une recherche de droit constitutionnel comparé. Les séjours de recherche effectués au Royaume-Uni (Écosse), en Allemagne, en Espagne et en Suisse, ont permis d’avoir un accès direct à des sources de première main, indispensables pour le travail de comparaison. À travers une étude comparée du principe d’unicité du peuple français, la thèse que je présente au prix du Sénat, propose une analyse des conséquences du renforcement de l’autonomie locale sur la définition du concept juridique de peuple en France, et à l’étranger. Elle propose de décrire le phénomène de la pluralité de peuples que l’on propose de désigner « pluralisme démotique ».

L’introduction rappelle la domination dans la doctrine française d’une conception moniste du peuple français, fondée sur le principe d’unicité du peuple français consacré par le Conseil constitutionnel en 1991. Cette conception moniste défend l’exclusivité du peuple français en droit constitutionnel positif. Pourtant, les vagues successives de transfert de pouvoirs de l’État-nation vers le haut (l’Europe) et le bas (les collectivités territoriales) ont profondément transformé la physionomie non seulement de l’État nation, mais aussi de la démocratie. À la démocratie nationale s’est substituée une « démocratie à plusieurs niveaux ». Cette démultiplication des espaces de la démocratie soulève la question de la démultiplication de son sujet, le peuple. C’est ainsi que l’idée d’une recherche sur les transformations de la définition du concept juridique du peuple français a été envisagée.

Constatant le peu d’intérêt pour cette question en France en comparaison avec la littérature étrangère, un détour à l’étranger a été envisagé. L’analyse comparée a permis de rechercher une grille de lecture pluraliste du peuple, une conception qui conçoit la pluralité de peuples dans un système juridique. Cette recherche d’une théorie du pluralisme démotique doit permettre de voir, d’observer et de comprendre l’existence des électeurs des collectivités territoriales, des populations d’outre-mer et des populations de la Nouvelle-Calédonie au sein du peuple français.

La clarté de la démonstration a conduit à construire la thèse en trois mouvements.

Le premier mouvement de la thèse explore à l’étranger d’autres manières de concevoir le peuple que celle qui domine en France. La recherche s’est orientée vers des systèmes fédéraux. À ce titre sont étudiés les systèmes fédéraux centralisés indien et allemand (Chapitres I et II), ainsi que les systèmes fédéraux formés par l’agrégation d’États indépendants préexistants des États-Unis et de la Suisse (Chapitres III et IV). De plus, l’actualité juridique relative au référendum d’autodétermination en Écosse, et au projet de référendum de sécession en Catalogne a orienté la recherche vers les systèmes régionaux. Sont, à ce titre, étudiées les entités régionales en Espagne (Chapitre V) et les nations écossaise, galloise et nord-irlandaise au sein du Royaume-Uni (Chapitre VI).

S’appuyant sur les éléments de droit constitutionnel positif et des conceptions doctrinales étrangers, le second mouvement de la thèse élabore une théorie du pluralisme démotique multiniveaux. L’ambition du comparatiste consiste ici à identifier l’ossature conceptuelle du pluralisme démotique multiniveaux, tout en rendant justice à la diversité de ses formes. Dans cette perspective, deux critères majeurs de définition du phénomène du pluralisme démotique ont été identifiés : la coexistence d’un peuple composite au sommet du système et de peuples composants en bas du système, et l’enchevêtrement des peuples qui sont liés (Chapitre I). Est, ensuite, présenté le régime juridique de la coexistence des peuples. À ce titre, les règles juridiques régissant les relations verticales entre le peuple composite et les peuples composants (principe de médiation), et les relations horizontales entre les peuples composants sont analysées (intercitoyenneté) (Chapitre II).

Le troisième mouvement est une application de la théorie du pluralisme démotique à deux systèmes en particulier : la France et l’Union européenne. Elle a permis de mettre au jour la coexistence, au sein du peuple français, des peuples composants que sont notamment les populations de la Nouvelle-Calédonie, et les populations d’outre-mer (Chapitre I). De plus, appliquée à l’Union européenne, la théorie du pluralisme démotique contribue, sur un terrain strictement juridique, au débat relatif à l’existence d’un demos européen et permet de décrire ses relations juridiques avec les peuples des États membres (Chapitre II).

Thèse soutenue le 11 décembre 2014 à la Faculté de Droit de Lille devant un jury composé comme suit :

Membres du Jury :

Mme Constance GREWE : Professeure de droit public émérite, Université de Strasbourg, Juge à la Cour constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine, présidente du jury
M. Julien BOUDON : Professeur de droit public, Université de Reims Champagne-Ardennes
M. Luc HEUSCHLING : Professeur de droit public, Université Lille II, en détachement à l’Université du Luxembourg, directeur de thèse
M. Stéphane PIERRÉ-CAPS : Professeur de droit public, Université de Lorraine, rapporteur
M. Otto PFERSMANN : Professeur de droit public, Directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences
sociales, rapporteur