Zones de développement indigène au Chili : Étude sur un dispositif de participation ambigu

          MAILLET Antoine et AVENDAÑO Sergio (2009), "Zones de développement indigène au Chili : Étude sur un dispositif de participation ambigu", communication aux premières journées doctorales sur la participation du public et la démocratie participative, Ecole Normale Supérieure de Lyon, 27-28 novembre 2009.

 


 

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Extrait de l'article

  Introduction   Comparé avec ses voisins latino-américains, le Chili montre un certain retard en termes de reconnaissance de la diversité de la population et de la mise en place de ce que certains auteurs appellent un « multiculturalisme d’Etat » (Gundermann, 2003), consolidé dans les pays andins voisins par exemple. Cependant, le retour à la démocratie au début des années 1990 a aussi été l’occasion d’approfondir le dialogue entre les groupes indigènes et les pouvoirs publics (Assies, 1999). On s’intéressera dans cette communication aux « Zones de développement indigène » (Areas de desarrollo indigena, ADI), un dispositif d’action publique local qui inclut des composantes mettant en jeu la participation. Ce dispositif prend place dans le cadre plus large d’une politique indigène marquée par les relations asymétriques entre l’Etat et les mouvements indigènes.

Ce texte est le fruit d’un travail commun entre un politologue dont les thèmes de recherche concernent les politiques publiques, et spécialement l’articulation entre politics et policies, et d’un anthropologue doté d’une expérience professionnelle dans l’action publique, dont la réflexion, initialement ancrée dans l’étude des populations indigènes face à la modernité, porte de plus en plus sur les évolutions des politiques publiques. Ces cheminements convergent à l’occasion de la participation commune au programme de recherche « Citoyenneté et Gestion Publique » de l’Université Los Lagos. Dans le cadre de ces journées doctorales du GIS, nous présentons une réflexion encore en phase de maturation, qui tourne principalement autour d’un questionnement sur les interactions politiques qui s’établissent autour et au sein d’un dispositif naissant, les ADIs.

Notre ligne directrice est donc l’observation et l’analyse de la mise en place et mise en oeuvre d’un dispositif administratif innovant, ainsi que de ses effets sur les acteurs concernés. Nous sommes donc amenés à considérer les institutions gouvernementales comme des acteurs, à partir d’une vision qui considère l’Etat comme un champ où les institutions peuvent autant être en situation de rivalité que se coordonner. Du côté de la société, on prendra en compte les
acteurs dans une même perspective d’attention à leur diversité. Au contraire d’une réification du mouvement indigène, on observera les stratégies différentes de acteurs selon les ressources qu’ils peuvent mobiliser et les contextes institutionnels dans lesquels ils évoluent. Dans cette étude, la variable idées est importante, dans la mesure où s’établir une « lutte de sens » ou d’interprétation autour d’un dispositif finalement assez malléable, qui devient donc par là un espace de confrontation de conceptions différentes portant en général sur la place des groupes indigènes dans la société, et plus spécifiquement sur les finalités et modalités de la participation.

Au coeur de ce processus dynamique de recomposition des relations entre les acteurs se trouve l’enjeu de la définition de la participation elle-même. Nous verrons que, derrière le même terme, présent tant dans le vocabulaire des acteurs publics que sociaux, se retrouvent des conceptions concurrentes de la participation, qui illustrent bien la polysémie de la notion. Cette multitude de sens est appréhendée ici plus du point de vue des acteurs que dans une perspective analytique, c'est-à-dire aue nous cherchons prioritairement à repérer les conceptions défendues qu’à établir ou évaluer ce que serait la participation « réelle ».

Il existe actuellement huit ADIs sur le territoire chilien. Cette communication s’appuie sur un travail de terrain réalisé dans deux ADIs du Nord du Chili. La première, Atacama la Grande, a été constituée en 1997. La seconde, Alto el Loa, a été établie en 2003. Elles couvrent respectivement 23 438 et 12716 km² et regroupent 2862 et 1210 habitants, issus des ethnies Atacameña et Quechua.

Les ADIs se caractérisent par un cadre légal assez flou, qui laisse les objectifs et instruments de la mise en oeuvre relativement indéfinis. Elles sont dirigées par un « conseil directif », ayant de droit à sa tête l’« intendant régional ». Les fonctionnaires de la CONADI (corporation nationale de développement indigène) assurent le secrétariat technique de cette instance formelle où siègent, outre les fonctionnaires de la CONADI (pour lesquels il s’agit d’une politique sectorielle), les représentants des communautés indigènes, des organismes publics spécialisés (services de l’agriculture, de la forêt, du tourisme…) et parfois du secteur privé. Il est déjà intéressant de prendre note du fait que, dans le cas d’Atacama la Grande, les limites administratives de l’ADI recoupent celles de la municipalité, alors que pour Alto el Loa est constituée de fait une division administrative supplémentaire.

Les données empiriques mobilisées ont été recueillies lors de terrains réalisés au cours de deux séjours dans le Nord du Chili en février et avril 2009, lors desquels on a pu réaliser une observation participante, en assistant à des réunions du Conseil directif de chacune des deux ADIs étudiés. 12 entretiens ont été menés avec des dirigeants de communauté indigène, et 9 avec des fonctionnaires de divers organismes publics participant aux ADIs. Ces entretiens ont porté principalement sur l’expérience des dynamiques de participation de ces acteurs. Par ailleurs, ce travail repose aussi sur les observations réalisées au cours d’une année (2006) passée en tant que représentant de la Fondation pour la sortie de la pauvreté, délégué auprès des communautés de Alto El Loa.

La communication filera la comparaison entre les deux ADIs, en confrontant leurs dynamiques d’évolution, fortement influencés par les conditions respectives de leur constitution, avec des conséquences notables sur la manière dont elles sont investies par les publics. Avant cela, nous nous intéresserons aux dynamiques nationales de constitution des ADIs, posant ainsi le cadre des relations entre les mouvements indigènes et les acteurs et structures politiques et administratifs. Nous étudierons donc dans un premier temps la formation des ADIs en général en tant que dispositif d’action publique. Puis nous nous intéresserons à la mise en oeuvre de ces dispositifs, et aux dynamiques d’investissement des acteurs concernés.
   

Plan de l'article

  La constitution d'un dispositif, objet et fruit de la négociation
  • Les ADIs dans le contexte de la politique indigène
  • L'insertion des ADIs au sein d'un cadre institutionnel dense et compétitif
  • La formation des deux ADIs
Perception des ADIs de la part des communautés indigènes : Entre revendication frustrée et résignation accomodante
  • L'influence du contexte
  • Deux positionnements "idéaux-typiques"
Conclusion