Sur l’usage des « valeurs » en science politique

Conçu dans le cadre du projet Sciences Po ‘The Politics of Common Values’, le séminaire « Valeurs & Politique » a pour objet d’interroger, sous des angles divers et complémentaires, la signification, la place et la portée que recouvrent actuellement les « valeurs » dans le domaine politique (politics, polity et policy). 

Abondamment mobilisé et pourtant flou, le langage des « valeurs » donne lieu, en effet, à des usages politiques et scientifiques aussi multiples que divergents. Principes, normes, convictions : quel sens et quel statut donner aux « valeurs » dès lors qu’il est question de politique ? Entre privé et public, entre morale et droit, entre individu et communauté : quel espace politique faut-il leur accorder dans les sociétés pluralistes d’aujourd’hui ? Homogénéisation ou fragmentation, consensus ou clivage, inclusion ou exclusion : qu’implique leur entrée en politique ? Telles sont les questions que nous proposons d’explorer dans ce séminaire interdisciplinaire, destiné à croiser les thématiques et les approches autour de cette problématique d’ensemble qu’est le rapport contemporain des « valeurs » au politique, et réciproquement. 

Au fil des séances, nous chercherons à clarifier ce qui se joue dans l’usage des « valeurs », d’une part, au sein de la sphère politique et, d’autre part, pour penser le politique. 

Conformément au diagnostic critique d’une « perte des repères » et d’une « crise morale », les « valeurs » informent puissamment les discours publics sur l’intégration, la cohésion sociale ou l’ethos du « bon citoyen ». L’appel à des « valeurs » qui « nous » singulariseraient vis-à-vis d’« autres » est également au cœur des visions du peuple et de la « communauté politique », telles qu’elles émergent des programmes et projets politiques soumis au débat public. La référence à des « valeurs » imprègne aussi les mouvements d’opinion et de contestation concourant à publiciser certaines controverses éthiques (euthanasie, genre, etc.). On la retrouve encore dans de nombreux secteurs des politiques publiques (éducation, immigration, gestion de la diversité religieuse, etc.). 

Par ailleurs, la notion de « valeurs » participe largement de la connaissance du fait politique. C’est le cas des analyses consacrées aux expériences vécues de la citoyenneté ou aux identités politiques individuelles ou collectives, nationales ou supranationales. Ainsi les Values Survey constituent-elles désormais un outil central de l’étude des comportements politiques et du rapport des citoyens à des « systèmes de valeurs » particuliers (par exemple, culturels ou religieux). Aux questions épistémologiques soulevées par ces usages scientifiques s’ajoutent des débats théorico-normatifs ayant trait à l’importance des « valeurs » pour comprendre la légitimité des institutions publiques, leurs fondements axiologiques (dignité, reconnaissance, autonomie mais aussi liberté, égalité, laïcité, etc.) ainsi que les moyens, finalités et limites de l’action de l’État, avec notamment la question de savoir si le pouvoir politique peut et doit rester « neutre » en matière de « valeurs ». 

http://www.cevipof.com/fr/les-rencontres/les-seminaires-du-cevipof/