Richesse : les nouveaux indicateurs [Projet N°393]

Les conditions sont aujourd’hui réunies pour s’affranchir du produit intérieur brut (PIB), ce fameux indicateur aveugle aux limites de la planète, mais tout-puissant aux yeux des dirigeants. Cette conviction se dégage de la seconde édition du Forum international pour le bien-vivre qui se tenait sur le campus grenoblois en juin dernier.

Trois jours durant, près de 1 000 personnes ont vécu au rythme de tables rondes, ateliers et conférences… Des acteurs politiques, associatifs, économiques et académiques soucieux de penser une autre vision du monde et de partager les leçons que l’on peut tirer de la mise en œuvre de nouveaux indicateurs de richesse.

« Les indicateurs sont des boussoles nécessaires pour orienter nos actions et nos politiques vers le bien-vivre pour tous et pour la planète. Ils ne peuvent être le seul fondement du projet de société, mais ils peuvent contribuer à le dessiner. Outils d’information et de pilotage, ils façonnent le réel et structurent notre vision du monde en nous montrant la direction à regarder », souligne le manifeste du 1er juillet 2022.

Le champ des indicateurs de richesse n’est pas une planète de doux rêveurs. La Revue Projet propose dans ce dossier de revenir plus spécialement sur deux expériences : les Indicateurs de bien-être soutenable territorialisés (Ibest) sur le territoire de la Métropole grenobloise, et le Donut à l’échelle de la région Bruxelles-capitale. Élaboré par l’économiste britannique Kate Raworth, ce modèle du Donut était déjà exploré dans la première édition du Forum de 2018 ; quatre ans plus tard, une cinquantaine de municipalités européennes sont engagées dans cette dynamique !

Cet indicateur aux vertus pédagogiques remplace la croissance du PIB par un autre objectif : stabiliser l’activité économique entre deux « frontières », celle des besoins humains de base comme « plancher » et celle de la préservation de l’environnement comme « plafond ». Une manière d’allier les enjeux de justice sociale aux enjeux environnementaux.

La question des indicateurs, certes ambitieuse et parfois technique, ne conduit pas seulement à repenser l’économie, mais à sortir du dualisme humain/non humain. Deux auteurs nous encouragent à imaginer la nature comme sujet de droit : Alberto Acosta, économiste équatorien et l’un des premiers théoriciens du « buen vivir », puis l’urbaniste Pascal Ferren, qui revient sur l’expérience inédite du Parlement de Loire.

La prise en compte du vivant ne peut plus se limiter à l’espèce humaine. Si le contrat social de Jean-Jacques Rousseau se fait exclusivement d’homme à homme, le contrat naturel du philosophe Michel Serres appelle à une nouvelle coexistence entre les humains et les autres vivants pour réapprendre à habiter la Terre. Construire des indicateurs, ce n’est pas seulement choisir des outils de mesure et de pilotage ; c’est fondamentalement un choix de société.

Voir le site de la revue Projet.

Pliés-dépliés

Sommaire du dossier

« Bruxelles à l’heure du Donut » par Géraldine Thiry, Tristan Dissaux, Fanny Dethier, Philippe Roman, membres du Brussels Project

« Grenoble fait ses gammes » Entretien avec Antoine Back, adjoint au maire.

« Devant le PIB, l’indice panier » par Vivian Labrie, chercheuse en socio-économie

« Ibest, indicateur de bien-être » par Annabelle Berthaud, de Grenoble-Alpes Métropole.

« Matérialiser les interdépendances » par Fiona Ottaviani, docteur en économie & et Eléonore Lavoine, doctorante en gestion

« Le grand décentrement » par Alberto Acosta, économiste et homme politique équatorien

« Reflet d’un possible » Entretien avec Pascal Ferren, philosophe et urbaniste

« Du pouvoir d’achat au pouvoir de vivre » par Patrick Viveret, philosophe

« De la parole aux actes. Points saillants » par Célina Whitaker,
cofondatrice du Forum pour d’autres indicateurs de richesse