Recherches participatives, croisement des savoirs

Les expérimentations démocratiques questionnent les modes de production des connaissances. Avec le numérique, l’essor de la recherche participative ou coopérative ou des sciences participatives — pratiques qui se sont largement diffusées en seulement quelques années — signale le bouleversement des possibilités de production et de collecte de données pour la recherche, et ouvre à de nouvelles formes de production et de circulation des connaissances.

Produire des savoirs en commun…

Partant du principe que les formes de savoirs et d’expérience sont plurielles, le premier enjeu consiste à concevoir la recherche autrement. Il s’agit de produire des savoirs en commun tout au long du processus de recherche, de l’élaboration des questions de recherche à l’analyse et à la diffusion des résultats, en passant par le choix des objets d’étude, des hypothèses et méthodes d’enquête. La participation des citoyen·ne·s ordinaires à la science est, autant que la participation politique, une question de démocratie : elle touche au caractère public et ouvert de la science comme (bien) commun. Car, dans le même temps où foisonnent des initiatives citoyennes, des offensives agressives des majors du numérique, de la santé, de l’édition scientifique, etc., façonnent des modes de vie, des manières de travailler et, avec l’appropriation privative des données moissonnées notamment, redéfinissent les manières de produire la connaissance et ses finalités.

…Un enjeu démocratique…

Pourtant, la question de la participation des citoyen·e·s à la science reste une question controversée, bien plus encore que celle de la participation politique au sens large. Car elle met en cause une frontière, voire une hiérarchie, entre les « citoyen·ne·s ordinaires » et les expert·e·s, donc le monopole de la production de la connaissance par les scientifiques professionnels. Elle interroge les rapports sociaux inégalitaires en jeu dans la reconnaissance de savoirs de types différents. Quelles transformations des rapports entre autorité des connaissances scientifiques et ouverture du débat démocratique s’opèrent quand les politiques publiques (environnement, santé, social, éducation…) entendent s’ancrer dans une citoyenneté renouvelée (démocratie écologique, démocratie sanitaire, pouvoir d’agir, etc.) ? Quelles relations entre les divers savoirs, connaissances, expertises et normes dans ces politiques et dans la production scientifique ? La mise à distance de la traditionnelle démarche positiviste en science risque-t-elle d’aboutir à du pur relativisme, à l’érosion de l’expertise et du savoir scientifique ? Quelles exigences fait-elle peser sur l’exercice de la recherche ? À quelles conditions la confrontation de connaissances plurielles et la co-production de la recherche entre chercheur·e·s, professionnel·le·s, militant·e·s et profanes apporte-t-elle des connaissances nouvelles ? produit-elle de la connaissance nouvelle ?

…au cœur de l’activité du Gis Démocratie et Participation

Si les recherches participatives se développent dans de nombreuses disciplines, rares sont les lieux institutionnels ou les programmes qui organisent concrètement la participation des non-scientifiques tout au long du processus de recherche. Si la dimension démocratique, émancipatrice d’une plus grande réflexivité de l’ensemble des acteur·rice·s de la participation sur leurs formes d’implication et d’engagement est largement reconnue, sa dimension épistémologique doit être consolidée. Le Gis entend porter cette question dans les recherches sur les expérimentations démocratiques et la participation, et a fait des recherches participatives un axe central de son nouveau programme scientifique (2018-2022).

Dans le cadre de ce programme, trois actions sont conduites :

- L’Espace collaboratif Croiser les savoirs avec tou·te·s avec ATD Quart Monde et le CNAM

Le Cnam, ATD Quart Monde, le CNRS, via le Gis Démocratie et Participation et le laboratoire Ceraps (CNRS/ULille) ont signé une convention de partenariat. Celle-ci à pour objectif la mise en place d’un "Espace collaboratif" visant à soutenir les réflexions, expérimentations, évaluations relatives aux pratiques de recherches participatives en croisement des savoirs avec les personnes en situation de pauvreté et à susciter l’émergence de projets de recherches de ce type au sein de la communauté scientifique.

- Le Prix de la recherche participative avec la Fondation de France

Les recherches réellement participatives, qui associent chercheurs académiques, associatifs et professionnels dans toutes les étapes de la recherche, sont en cours de développement en France et méritent d’être mieux valorisées, publicisées et diffusées, tant auprès des scientifiques que de la société. C’est pourquoi, à l’occasion de son 50ème anniversaire la Fondation de France crée un prix de la recherche participative dont elle a confié le pilotage scientifique et la mise en œuvre au Gis Démocratie et Participation.

- Le séminaire Recherches actions et recherches collaboratives avec la Maison des sciences de l’Homme Paris Nord, le Lavue et le Lisra

La MSH Paris Nord, le Gis Démocratie et Participation, le Lisra, le Lavue (UMR 7218) ont mis en place, à partir du mois d’avril 2019, un séminaire mensuel sur les recherches-actions et les recherches collaboratives. Son objectif est de faire un descriptif raisonné des expériences dans ce champ, dans le département de Seine-Saint-Denis, avec l’enjeu de faire ressortir, à travers la diversité des pratiques, ce qui différencie, mais surtout ce qui relie. L’exposé des expériences a également pour ambition d’avancer sur deux questions épistémologiques : Quels critères de validation de ce que l’on produit ? Comment le valider comme connaissance ? Les séances croiseront la présentation d’une expérience de recherche-action dans le 93 avec l’intervention d’un chercheur ayant une expertise sur les recherches-actions.