Résumés des communications des Journées doctorales 2015

Quatrièmes journées doctorales sur la participation du public et la démocratie participative

Université Lille 2 – 13 et 14 novembre 2015

 

Premier jour : vendredi 13 novembre

Atelier 1 : Facteurs de l’engagement participatif et représentations de la démocratie

  • Présidente : Marion Paoletti (Centre Émile Durkheim, Université de Bordeaux)
  • Discutants : JulienTalpin (Ceraps, Lille 2), Rémi Barbier (Gestion territoriale de l’eau et de l’environnement, ENGEES)

 

Cadel Cynthia (GRePS, Université Lyon 2), « Regard psychosocial sur la participation citoyenne du point de vue des habitant‐e‐s »

Face au constat d’une désaffection politique des citoyens, ou tout du moins d’une mutation des engagements, notre objectif est de questionner ce que la participation citoyenne signifie pour les premiers concernés : les citoyens, et ce que cela révèle de leur lien aux politiques publiques, et au politique plus largement. L’enjeu de cette communication est de présenter et de mettre en discussion une proposition épistémologique et méthodologique pour analyser les phénomènes participatifs du côté des citoyens interpellés : de leurs motivations, aux effets de la participation en passant par le vécu de l’engagement et les positions de retrait. Le choix d’une approche territoriale qui confronte les invitations à participer (émanant tant de l’action publique que d’acteurs associatifs ou de collectifs informels) aux attentes et usages des personnes visées permet d’interroger les perceptions mais également les projections des individus qui s’engagent ou non. Les premiers résultats de la phase qualitative de notre recherche seront ainsi discutés, notamment à travers le prisme du concept d’espace psychologique (Lewin, 1939, 1943) ; puis nous ouvrirons les perspectives sur la suite de la recherche, et plus largement sur l’appréhension des enjeux psychosociaux de la participation.

 

Jacquet Vincent (ISPOLE, Université catholique de Louvain (UCL)), « Accepter ou refuser de participer à un mini-public tiré au sort »

Ce papier propose une analyse empirique de la participation et de la non-participation dans deux mini-publics belges, le G1000 et le G100. Ces deux expériences délibératives étaient basées sur le présupposé que les citoyens souhaitent être associés à des délibérations concernant l’espace publique. Cependant, ceci pose une question importante : pourquoi certains acceptent et d’autres refusent de venir délibérer dans des mini-publics ? En effet, moins de trois pour cent des personnes sélectionnées par tirage au sort ont accepté de se rendre aux deux évènements. En analysant trente-huit entretiens compréhensifs avec des participants, mais aussi des personnes qui ont refusé l’invitation, ce papier montre que les motifs d’action sont toujours reliés à l’évaluation du contexte politique et de ses acteurs. Cinq discours sur le processus politique ont été distingués (discours suspicieux, discours professionnel, discours postélectoral, discours partisan, discours représentatif perdu). Ceux-ci cadrent l’interprétation que font les acteurs des mini-publics. Le sens de l’engagement et du non-engagement diffère en fonction de ces discours et ceci résulte en différentes formes de participation et de non-participation.

 

Petit Guillaume (CESSP-CRPS, Paris 1), « Le sens de l’engagement participatif : parcours de participants et espace social de la participation »

L’engagement participatif se comprend dans le contexte d’une offre de participation comme l’ajustement entre des possibilités objectives et des appropriations et appréciations subjectives. A partir d’une série de questions simples - qui participe ? A quoi ? Et pourquoi ? - nous proposons trois niveaux d’analyse pour une sociologie de l’engagement participatif : cadrage, facteurs sociaux et motifs de la participation. 

Pour interroger en contexte les effets du cadrage sur les facteurs sociaux de la participation, nous comparons dans trois municipalités différentes possibilités d’engagement participatif, qui se distinguent par le choix « d’instances pérennes de quartier » ou d’une « participation par projet ». Ce papier s’appuie sur la représentation d’un espace social de la participation, illustrant des appropriations socialement situées et dans lequel s’inscrivent des parcours de participation.

Notre enquête confirme les biais de sélectivité sociale, mais souligne la forte structuration de la participation par l’autochtonie. Dans le pôle le plus investi de l’espace social de la participation, les carrières citoyennes et leurs fortunes diverses rappellent l’importance des facteurs sociaux mais aussi différents effets induits par le cadrage de la participation.

 

 

Atelier 2 : Démocratie sociale et médiations participatives

  • Présidente de séance : Marion Carrel (CeRIES Lille 3, CEMS-EHESS)
  • Discutants : Martine Legris-Revel (Ceraps, Lille 2), Loïc Blondiaux (CESSP, Université Paris 1)

 

Haute Tristan (CERAPS, Université Lille 2), « Participation électorale et conflictualité gréviste en entreprise : premiers résultats d’une étude des comportements électoraux des salariés aux élections professionnelles »

Nous nous proposons, dans cette communication, d’étudier les liens entre les mobilisations sociales en entreprise, et plus particulièrement les grèves, et les comportements électoraux des salariés aux élections professionnelles, 2 types participation conventionnelle et non conventionnelle. Cette communication s’inscrit dans un travail de thèse autour des variables explicatives des comportements électoraux des salariés aux élections professionnelles. Alors que la loi du 20 août 2008 institue l’audience électorale comme mesure de la représentativité syndicale, les « conflits du travail » évoluent avec de nouvelles modalités d’action. On assiste à une légitimation et à une institutionnalisation croissante d’une « démocratie sociale » basée sur l’élection et la négociation. Si les conflits du travail sont délégitimés et présentés comme en déclin, d’autres auteurs ont observé une imbrication voire une corrélation positive entre la conflictualité et la dynamique de négociation dans l’entreprise. Qu’en est-il au niveau des élections professionnelles, second aspect de la « démocratie sociale » ?

 

Leclercq Benjamin (CRH-LAVUE, Université Paris 8), « L’externalisation de la participation par les organismes HLM comme instrument de régulation des rapports sociaux : le cas des réseaux de “locataires-référents” »

Devant l’éloignement croissant entre institutions et populations dans les quartiers populaires, le recours à des professionnels de la participation pour « renouer » le dialogue, s’est imposé comme un impératif de la politique de la ville. Face à la crise des finances publiques, les bailleurs sociaux se positionnent comme les principaux financeurs de ces intermédiaires, et se retrouvent de fait à occuper une place centrale dans le Développement Social Urbain, le volet opératoire de la politique de la ville. Pourtant, les organismes HLM tendent à adopter une conception utilitaire de la participation qu’ils envisagent comme un instrument de gestion au service du développement de leur entreprise.
Cette communication se focalise sur un dispositif phare des démarches de Développement Social Urbain : la constitution et l’animation d’un réseau de « locataires référents ». Au-delà de la dimension purement instrumentale du dispositif au service de l’amélioration de la gestion patrimoniale, il s’agit de montrer en quoi la démarche de développement de la participation par un tiers tend à contribuer au renouvellement des relations entre les acteurs dans certains grands ensembles d’habitat social.

 

Lhopital Fabien (Centre Max Weber, Université Lyon 2), « La coopération entre salariés associés dans deux Scop de la Région Rhône-Alpes »

Les Sociétés coopératives et participatives (SCOP), et plus généralement le mouvement coopératif et l’Économie sociale et solidaire (ESS) sont devenus une véritable troisième voie proposant une alternative aux deux blocs principaux, l’économie de marché et l’économie publique. Les valeurs défendues par ce mouvement sont nombreuses : la participation démocratique, le partage des richesses, la propriété de l’outil de production, la santé au travail, la prise en compte de la territorialisation, l’usage raisonné des ressources de la planète... De nombreux articles et ouvrages notamment en sociologie, en sciences de gestion, en économie, en histoire et en géographie ont déjà analysé le phénomène SCOP. L’originalité de cette recherche présentée ici est de proposer un angle sociologique allant au plus près des interactions professionnelles par une approche micro-sociale. Des observations participantes et des entretiens dans deux SCOP de la région Rhône-Alpes me permettent d’apporter une analyse sur la coopération entre associés en répondant à la question suivante : la participation des associés dans les SCOP est-elle démocratique comme l’indiquent les statuts coopératifs ?

 

Atelier 3 : Les mobilisations face à l’institutionnalisation de la participation

  • Président de séance : Pieter Leroy (Université de Nimègue)
  • Discutants : Marie-Gabrielle Suraud (Certop, Toulouse 3), Jean-Gabriel Contamin (Ceraps, Université Lille 2)

 

Carlino Vincent (CREM, Université de Lorraine), « Influences des formes instituées de participation dans les arènes publiques : informer ou contre-informer pour s’opposer à Cigéo (Bure) ? »

La communication met en tension les espaces institutionnels de débat et les mobilisations collectives. L’hypothèse avancée est que l’opposition entre les promoteurs et les opposants aux projets d’aménagement du territoire structure le débat dans l’espace public. À partir du cas de l’implantation d’un centre de stockage de déchets nucléaires dans l’est de la France (Cigéo), nous montrons que les controverses sont cadrées dans des arènes politique, médiatique, et militante. Jusque dans les années 1990, la contestation de Cigéo s’est principalement développée dans l’arène militante, puisant dans le répertoire d’action des premières contestations antinucléaires. Depuis, les discours critiques gagnent d’autres arènes et ne s’expriment plus seulement par des manifestations. Les militants investissent des espaces institutionnels de participation pour faire entendre leurs discours. Si l’objectif demeure de contester et de livrer une information alternative, l’opposition s’exerce à travers des formes plus complexes. Promoteurs comme opposants se trouvent pris dans un jeu d’interactions pour affirmer leurs représentations et leurs visions des problèmes. Ils développent des actions et des discours en confrontation à destination de publics en demande d’information.

 

Khallouki Dounia (LET, ENTPE), « Mobilisations autour du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes : structures et impacts sur les processus décisionnels »

Ces dernières années, les projets de création ou d’agrandissement d’aéroport ont été sources de nombreux conflits et tensions. Dans le cas de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, le conflit a entraîné des retards certains dans l’avancement du projet, l’issue concernant sa réalisation restant encore incertaine. Les conflits aéroportuaires posent donc de nombreuses questions, notamment sur l’impact de la mobilisation sur les porteurs de projet.

Cette communication a pour but de présenter les premiers résultats autour de l’étude du cas de Notre-Dame-des-Landes. Ainsi, nous nous proposons de discuter dans un premier temps la littérature existante sur la question des conflits aéroportuaires, et de passer en revue un certain nombre de travaux sur ce sujet. Puis, dans un second temps, nous allons retracer les grandes étapes du projet de Notre-Dame-des-Landes depuis sa genèse afin d’identifier les phases de tension les plus importantes et nous nous arrêterons sur les relations que les acteurs associatifs entretiennent avec les occupants du site du projet.

 

Mabi Clément (Costech, Université de Compiègne), « La démocratie participative à l’épreuve des “GP2I” »

Depuis quelques années on voit apparaître chez les opposants le concept de lutte contre les « Grands Projets Inutiles et Imposés » (GPII) pour qualifier leurs oppositions aux projets d’aménagements du territoire. Par cette dénomination il s’agit d’opérer une forme de montée en généralité, d’imposer un cadrage particulier à ces mouvements en les inscrivant dans une dynamique collective de remise en cause des valeurs associées aux projets. Ainsi, s’opposer localement à des projets participerait d’une lutte contre un modèle de développement et des choix de société plus larges. Le succès du concept a été fulgurant, repris par les médias et popularisé par quelques dossiers phares (Notre Dame des Landes, Sivens, CIGEO…).

Le travail proposé, à la croisée des sciences de l’information et de la communication, de la sociologie des controverses et de la science politique propose de s’appuyer sur une enquête de terrain en cours (entretiens, observation, analyses de contenus…) pour interroger plus particulièrement le rapport qu’entretiennent les « GPII » avec la démocratie participative. Nous proposerons l’hypothèse que leur émergence rend compte des limites des « solutions participatives » proposées et oblige le « dialogue environnemental » à se réinventer.

 

Tindon Cécile (UMR GESTE, Strasbourg), « Les mobilisations pour l’eau potable : institutionnalisation et contre-institutionnalisation d’une régulation civique du secteur »

La communication propose de s’intéresser à la mobilisation d’associations pour l’eau potable et à leur contribution à la régulation du secteur de l’eau. Constituées à partir des années 1990, suite à des augmentations de prix de l’eau et d’ « affaires de l’eau » dans un secteur considéré comme opaque, elles se sont impliquées dans l’organisation d’une participation des usagers à la gestion de l’eau. Intégrées dans des espaces de participation comme les Commissions Consultatives des Services Publics Locaux, les associations ont cependant remis en cause les rôles de représentants de consommateurs d’eau et la technicisation des débats, qui leur étaient proposés. Au contraire, revendiquant des statuts de « citoyens de l’eau » et une approche éclairée, vigilante et critique, elles ont préféré se constituer en contre-pouvoirs citoyens. Ces contre-pouvoirs, pour exister et se pérenniser dans des formes politiques et contestataires sont entrés en résistance aux diverses formes d’institutionnalisation de la participation et de la spécialisation. Les associations produisent, à travers un système de négociations, d’épreuves et de gardes fous, mais aussi grâce aux compétences et appétences des militants, les conditions d’une contre institutionnalisation d’une régulation civique du secteur de l’eau.

 

Atelier 4 : Institutionnalisation de la participation et fabrique des territoires

  • Président de séance : Corinne Larrue (Lab’Urba, École d’urbanisme de Paris)
  • Discutants : Mario Gauthier (Université du Québec en Outaouais), Ludivine Damay (Université Saint-Louis - Bruxelles (USL-B))

 

Bally Frédéric (LLSETI, Université Savoie Mont-Blanc), « Faire la ville sans l’institution : une réalité citoyenne en devenir ? »

Malgré la force de la mondialisation aujourd’hui, et ses multiples externalités autant positives que négatives, la ville, la politique et l’économie locale sont le théâtre d’action principal de changements de pratiques et de vision de la démocratie. Au delà des différentes incarnations de la démocratie participative par dispositifs, la ville est aussi le cadre privilégié pour des actions cherchant à remettre la nature et les droits des citoyens au centre des préoccupations. En effet, nous voyons émerger depuis quelques années maintenant, ce que nous qualifierons dans cette communication d’initiatives citoyennes, sur le territoire lyonnais. Ces dernières cherchent à prendre en charge des domaines délaissés par l’action publique et à incarner des solutions concrètes pour réinventer le territoire, voire le vivre ensemble. Nous définirons donc, au travers de ce temps de parole, ces initiatives citoyennes, sous le regard de la sociologie du risque, tout en précisant les rapports qu’elles entretiennent avec la métropole Grand Lyon, ceci afin de mettre potentiellement en exergue la force bottom-up de ces initiatives.

 

Deprez Paul et Yann Bertacchini (Laboratoire DeViSu, Université de Valenciennes et du Hainaut-Cambrésis, et i3M, Université de Toulon),« Du projet de territoire durable au territoire du projet de développement durable : les nouvelles approches de la participation dans les collectivités locales »

L’objet de cette communication consiste à étudier les potentialités offertes par le « territoire-réseau », c’est-à-dire le déploiement des technologies de l’information, et de la communication, pour faire émerger virtuellement le jeu des intervenants aux projets territoriaux. Ainsi, nous avons choisi les projets territoriaux de développement durable pour comprendre comment les intervenants aux projets constituent le « territoire-réseau » : d’une part selon leur positionnement sur les évolutions du web 2.0 et, d’autre part, en fonction de leur alignement sur les usages du web par les internautes dans leurs stratégies de recherche d’information et création de contenu. Il s’agira donc d’analyser la conquête du cyberespace par les collectivités territoriales à l’heure ou le join prime désormais sur le search. Autrement dit, un comportement d’usage du web désormais communautaire où l’appartenance à une communauté se substitue à la recherche d’information « classique ».

 

Diana Iacopo Luca (Università degli studi di Cagliari), « Démocratie participative en Italie : propositions pour une institutionnalisation intelligente et l’exemple du règlement pour les biens communs »

Avec cet article le but est d’offrir une analyse critique de la situation particulière de la démocratie participative en Italie. Liée aux expériences uniques, principalement dispersées dans le territoire national, cette participation souffre d’un manque de vue d’ensemble et de règles claires.

Ces faiblesses et incertitudes peuvent se contraster en adoptant une règlementation de niveau national concernant la participation des citoyens aux processus décisionnels publics, laquelle permet un développement unifié des droits participatifs. Ainsi cela permettra d’une part d’établir des principes à suivre pour les niveaux inférieurs, consentant une stabilité et continuité des processus dans les institutions territoriales ; d’autre part, cela permettra une certaine flexibilité quant au développement de la mobilisation et des propositions de participation bottom-up. Face à la manque d’une culture participative, qui n’est pas encore bien enracinée en Italie, on soutien alors la valeur positive d’un processus d’institutionnalisation au niveau national.

 

Montrieux Gabriel (Triangle, Université Lyon 2), « La mise en norme de la participation écocitoyenne, entre légitimation d’un ordre social et subversion négociée »

Cette contribution a pour objectif de venir interroger le rapport au politique au sein d’espaces collectifs de consommation alternative au prisme du décalage entre revendications et organisations effectives de ces pratiques. Alors que la multiplication des initiatives locales de consommation est principalement pensée sous l’angle de la participation éco-citoyenne et d’une politisation par le bas, l’étude des interactions au sein de structures de paniers en circuits-courts met en évidence un processus d’évacuation ou de confiscation du débat politique. D’une part, l’évacuation du conflit qui en résulte induit la formulation d’une norme tacite du « bon » comportement à tenir et se traduit par le recours à des mécanismes informels de domination et des tentatives de disqualification face aux écarts à cette norme. D’autre part, les rapports entre organisateurs et publics de ces structures ne se limitent pas à une imposition unilatérale, mais s’organisent autour d’un rapport constamment ajusté et négocié à cette norme, face aux débordements et aux formes de subversion de certains adhérents.

 

Atelier 5 : Instruments participatifs innovants et théorie de la démocratie

  • Président de séance : Stéphane Guérard (Ceraps, Lille 2)
  • Discutants : Samuel Hayat (Ceraps, Lille 2), Luigi Bobbio (Université de Turin)

 

Aras Melis (Centre européen de recherche sur le droit des accidents collectifs et des catastrophes (CERDACC), Université de Haute-Alsace), « La participation du public par voie électronique au processus décisionnel : La “démocratie expérimentale” entre simplification et démocratisation »

La démocratie, dans le but d’actualisation et de reconstruction, doit être revue en continu. Ce besoin d’actualisation est développé par la philosophie pragmatique sous la notion d’« expérimentation ». À l’heure actuelle, on dispose d’assez d’éléments techniques et juridiques pour « mettre en expérimentation » la démocratie, notamment à la lumière des communications électroniques. Il existe différents dispositifs juridiques pour la mise en oeuvre de la participation du public par voie électronique au processus décisionnel. Ces dispositifs prennent leurs sources dans différents régimes juridiques. De même, ils ont des finalités différentes : simplification ou démocratisation. La différenciation des finalités, malgré l’utilisation des mêmes outils techniques, permet de poser une question : a-t-on recours aux outils des communications électroniques pour simplifier et moderniser les procédures classiques, ou pour démocratiser davantage les procédures participatives ? Deux possibilités peuvent, bien évidemment, coexister. En pratique, on constate également le déplacement de ces finalités. Le travail consistera, au premier plan, en une approche comparative des dispositifs juridiques ayant recours aux communications électroniques, et en arrière plan, en une remise en question conceptuelle des finalités.

 

Courant Dimitri (LAGAPE (UNIL) et CRESPPA (Paris 8)), « Penser le tirage au sort. Modes de sélection, cadres et principes »

Si l’idéal démocratique abstrait est devenu hégémonique, ses prétendues formes institutionnelles concrètes subissent une violente « crise de la représentation ». De nombreuses expérimentations démocratiques basées sur le tirage au sort (ou sortition) des participants se développent, accompagnées de divers travaux académiques et revendications militantes. Mais chaque penseur, dispositif ou activiste semble donner une définition différente du tirage au sort ainsi que de pourquoi et comment il devrait être utilisé.
Nous proposons de construire une théorie plus générale des divers usages de la sélection aléatoire dans une approche comparative ; de penser le tirage au sort à travers un regard croisé pour mieux comprendre les constantes théoriques malgré la diversité empirique d’usages concrets selon les institutions et les contextes au sein desquels la sortition s’insère.

Quelles sont les formes de représentation, de délibération et de participation produites par le tirage au sort, comparativement à celles produites par les autres modes de sélection ?
Nous comparerons la sortition aux trois autres modes de sélection : l’élection, la nomination et la certification. Ensuite, nous analyserons les cadres de la participation délibérative. Enfin, nous distinguerons les quatre principes du tirage au sort : égalité, impartialité, représentativité et la légitimité-humilité opposée à la légitimité-supériorité.

 

Danner Fernando (Phico, Paris 1 et Universidade Federal de Rondônia (Brésil)), « Démocratie délibérative, raison publique et légitimité politique chez Rawls »

Dans cet article, je voundrais réfléchir sur le concept de la démocratie délibérative chez Rawls. Certains auteurs de la démocratie délibértive ont affirmé que le principal problème de la Théorie de la Justice est le problème de la justice sociale et non de la légitimité du pouvoir politique et que la procédure théorique établie par elle - la position originelle (original position) - ne permet pas un véritable débat public et informé entre les citoyens. Selon moi, il y a, dans la Théorie de la Justice, au moins deux idées constitutives de l’idéal de démocratie délibérativel: la premier est que la position originelle est considéré comme un système équitable de justification public ; la deuxième est que la position originelle est basée sur les exigences de impartialité, de réciprocité et de rationalité (ou d’avantage mutuel), des idées constitutifs d’une conception démocratique de la justice politique. Dans le Libéralisme Politique (1993), avec l’introduction de l’idée de « raison publique », le but de Rawls a été d’offrir une procédure complète de la justification de sa conception de justice politique. Le problème principal de le Libéralisme Politique est le problème de la stabilité politique dans une société démocratique constitutionnelle marquée par le fait du pluralisme raisonnable. Quel genre de raisons les citoyens raisonnables et rationnels pourraient appliquer dans la justification publique? Tel est le rôle de la raison publique. La délimitation qu’elle propose indique que les politiques et les décisions sur thèmes de justice fondamentale doivent être traitées sur la base de valeurs politiques et donc pas à partir de doctrines compréhensives raisonnables. Une telle définition ne exclut pas les arguments compréhensives de la délibération publique (par exemple, un argument religieux); cependant, les questions politiques fondamentales doivent être prises à partir de valeurs (politiques) communes à tous les individus.

 

Vandamme Pierre-Étienne (Chaire Hoover d’éthique économique et sociale-ISP, Université catholique de Louvain (UCL)), « Le vote justifié : outil d’articulation entre vote et délibération »

Une des questions négligées par la littérature contemporaine sur la participation délibérative concerne l’articulation entre les pratiques du vote et de la délibération. En comparaison avec la « force non coercitive de l’argument meilleur » régissant les discussions visant l’entente, le vote sanctionne un rapport de force : la loi du plus grand nombre. En outre, le vote est une action généralement réalisée en secret et possède un caractère fortement monologique. Or, les principales vertus des délibérations semblent découler de leur caractère public – encourageant à prendre en considération l’intérêt général – et dialogique – stimulant la remise en question de ses opinions et l’ouverture à autrui. Dans une perspective délibérative, la pratique du bulletin secret a de quoi laisser insatisfait. L’idée d’un vote justifié entend combiner les avantages respectifs du secret et de la publicité, en promouvant une attitude plus délibérative dans l’isoloir.

 

Atelier 6 : Design de la participation et expérimentations informelles

  • Présidente de séance : Rémi Barbier (Gestion territoriale de l’eau et de l’environnement, ENGEES)
  • Discutants : Clément Mabi (Costech et Gis D&P), Paula Cossart (Ceries, Lille 3)

 

Alauzen Marie (CSI, Mines ParisTech), « Séduction, design et expérience ludique de la participation : Enquête sur la nouvelle ergonomie informatique de l’État »

À partir d’une analyse de la mise en œuvre de la politique de simplification sur un site gouvernemental de consultation, ce papier propose de caractériser en termes ergonomiques une transformation peu visible de l’État et de ses relations à la population. L’intérêt de ce cas est qu’on y observe d’une part, des manifestations d’un souci ergonomique de l’État dans la saisine de l’usager et le déploiement d’une ingénierie de la visualisation, et d’autre part, la transformation des formes traditionnelles de participation vers la production de récits personnels, que j’ai appelé retours d’expérience de l’État. L’enquête a permis de reconstituer par quelles dispositions techniques, l’État amène les usagers à énoncer de tels récits, et souligne la politique de la réforme par le retour d’expérience.

 

Ferchaud Flavie (Umr ESO, Université Rennes 2), « L’entrée du hacking dans les dispositifs de participation citoyenne. L’exemple de Gare Remix (Lyon, France) »

Au croisement entre l’analyse de pratiques démocratiques formelles et informelles, il s’agit ici d’interroger ce que le numérique fait à l’espace et à la participation. On observe avec la « mise en lieux » des réseaux (Beaude, 2012) des pratiques de coopération « fortes » (Cardon, 2010). A l’ère du numérique, du bricolage et du do-it-yourself, le mouvement « faire » (Lallement, 2015) irrigue désormais l’aménagement urbain, de pair avec les notions d’innovation ouverte (Von Hippel, 2005) et d’expérimentation. Le dispositif Gare Remix, enquêté dans le cadre d’une recherche doctorale en cours, est révélateur de la convergence de ces phénomènes, ayant à la fois trait au développement des pratiques numériques et à la mutation de la participation. Au final, Gare Remix apparaît comme un dispositif hybride, entre institutionnalisation et hacking, dispositif participatif et démarche d’innovation ouverte.

 

Juan Maïté (LISE (CNAM) et IFRIS), « La gouvernance participative au sein de l’action collective, de la dynamique d’émancipation à la force de proposition politique. Analyse comparée de deux initiatives culturelles citoyennes, l’Ateneo Popular Nou Barris à Barcelone et les Tètes de l’art à Marseille »

Cette communication propose d’analyser comment des initiatives culturelles citoyennes ancrées dans les quartiers populaires de Barcelone et Marseille tendent à faire coïncider un projet de démocratie artistique et culturelle, selon lequel la culture doit être construite collectivement depuis le tissu social des territoires et une gouvernance participative. Après avoir exposé la genèse historique de ces initiatives citoyennes, depuis la mobilisation informelle à l’institutionnalisation, il s’agira d’étudier comment ces initiatives constituent des « espaces publics de proximité » qui ont la capacité de s’articuler à des « espaces publics intermédiaires » afin de peser sur les politiques publiques. Nous analyserons les apports et limites des différents modes de démocratisation de la gouvernance associative, qui tendent à favoriser des processus d’apprentissage collectif et une égalité de participation des parties-prenantes à la prise de décision mais peuvent se heurter à des logiques de segmentation, de cooptation et d’accaparement du pouvoir. Nous observerons ensuite comment les pouvoirs publics tendent à façonner les initiatives citoyennes et comment celles-ci peuvent déborder ce cadrage institutionnel en devenant une force de proposition politique voire de changement institutionnel.

 

Landon Aurélie (CRH-LAVUE, Université Paris 8), « De la participation au design thinking, la participation saisie par la nébuleuse des “entrepreneurs militants” »

Ma recherche porte sur une nouvelle catégorie d’acteurs du processus de fabrique de la ville, les « entrepreneurs militants ». Ils ont en commun d’à la fois mobiliser un certain nombre de revendications issues des mouvements sociaux tout en inscrivant leur registre d’action dans une activité entrepreneuriale. Dans le cadre de ma thèse en contrat CIFRE à la Fabrique des Territoires Innovants, j’ai eu l’occasion de participer à la première phase du concours Réinventer Paris. Dans cet article, j’aborderai donc à travers ce cas la façon dont les entrepreneurs militants se saisissent de la participation. Je proposerai tout d’abord de s’intéresser au cadre du concours qui articule les notions d’innovation et de participation à la fois comme vecteur d’amélioration des politiques publiques, mais également d’encouragement à l’entrée de ces entrepreneurs militants dans le projet urbain. Par ailleurs, la littérature sur la participation ne s’est pas beaucoup intéressée jusqu’à présent à la figure de l’acteur entrepreneurial. J’aborderai donc dans un deuxième temps, le dispositif de design thinking de conduite de projet mis en place par la Fabrique, prise comme exemple d’entrepreneur militant en proposant une exploration d’une grille d’analyse sur la participation comme instrument d’action publique.

 

Atelier 7 : Les figures du peuple en démocratie

  • Présidente de séance : Samuel Hayat (Ceraps, Lille 2)
  • Discutants : Marion Paoletti (Centre Émile Durkheim, Université de Bordeaux), Jean-Michel Fourniau (Dest-Ifsttar et GSPR-EHESS)

 

Bonnaz François (PACTE, Université de Grenoble),« Théorie politique des mouvements du pouvoir en démocratie directe »

En partant de l’hypothèse selon laquelle la démocratie est continuellement en mouvement, nous nous proposons d’étudier les dynamiques du pouvoir qui composent ses évolutions permanentes. Notre volonté est de faire discuter quatre œuvres de quatre auteurs différents, à savoir, Thomas Hobbes, Jean-Jacques Rousseau, Montesquieu et Alexis de Tocqueville. Nous identifions quatre mouvements du pouvoir pouvant expliquer les variations de la démocratie dans chacun de leurs écrits : la concentration, l’égalisation, la dissolution et la disparition. Chaque dynamique du pouvoir a ses caractéristiques, ses cas pratiques, mais au-delà du mode descriptif, l’intérêt de notre réflexion réside dans la compréhension du continuum du pouvoir : comment passer d’un mouvement à un autre ? Comment cohabitent plusieurs mouvements dans un même fait démocratique ? Quel mouvement est souhaitable pour une démocratie directe « pure et parfaite » ? Quel mouvement peut mettre en danger l’équilibre démocratique ?

 

Cuvelier Claire (CERAPS, Université de Lille 2), « Le pluralisme démotique : une définition pluraliste du concept juridique de peuple au soutien de la compréhension des transformations de la démocratie »

Par « pluralisme démotique » nous proposons de désigner la pluralité de peuples dans un système à plusieurs niveaux. Le pluralisme démotique s’inscrit à rebours de la conception moniste du peuple français majoritaire dans la doctrine française. L’ambition de l’article est de démontrer qu’il est possible de concevoir plusieurs peuples dans un système juridique à plusieurs niveaux. L’exploration d’autres manières de concevoir le peuple à travers une étude de systèmes à plusieurs niveaux de type fédéral (Inde, Allemagne, Etats-Unis, Suisse) et de type régional (Espagne, Royaume-Uni) permet d’en prendre la mesure. Cette étude comparée contribue à un essai d’une théorie du pluralisme démotique multiniveaux, qui permet d’observer la démocratie à plusieurs niveaux. 

 

Rabieb Prangtip (École de droit de la Sorbonne, Université Paris 1), « La controverse du concept et de l’effectivité du droit à la participation des personnes et des personnes rassemblées en communautés locales traditionnelles dans la gestion et l’exploitation des ressources naturelles en Thaïlande »

Cette communication porte sur une avancée juridique importante en droit de l’environnement en Thaïlande. En droit français, la participation du public environnementale est composée de trois axes : l’information du public, la participation du public au processus décisionnel, et l’accès à la justice en matière d’environnement. Dans la pratique, la participation se réduit à la consultation, au stade de la préparation de la décision publique. En Thaïlande, nous avons un axe supplémentaire qui est celui de la participation à la gestion, à l’exploitation, à la préservation des ressources naturelles et environnementales. Ce droit est reconnu aux individus et aussi aux « communautés locales traditionnelles » par la Constitution de 1997. Il s’agit d’un droit à une participation plus active mais aussi plus concrète de par un engagement sur le terrain. Ce droit couvre par exemple la possibilité d’empêcher des activités attentatoires à l’environnement, ou l’accès aux ressources naturelles de proximité, voire même une cogestion des ressources avec l’Etat. Le contenu de ce droit est en constante évolution. Par ailleurs, l’application de la garantie constitutionnelle de ce droit est controversée, surtout sur les effets qu’elle peut produire sur l’environnement.

 

Spoerer Matilde (CESSP, Université Paris 1), « La construction de nouvelles pratiques participatives : réglementer le droit des peuples autochtones au Chili »

Cette communication analyse un dispositif institutionnel de participation vis-à-vis des peuples autochtones instauré en 2013 au Chili : la dénommée Table de consensus. Cette initiative réunit des représentants du gouvernement et des peuples autochtones dans l’objectif de coproduire avec les populations concernées la réglementation de la Convention nº 169 de l’OIT. Les normes, procédures et savoirs mobilisés en son sein relèvent d’une combinaison d’emprunts de modèles participatifs différents. Comment et sur quelles références les participants construisent la participation institutionnelle ? Est-ce que la table de consensus permet-elle d’instaurer un nouveau rapport de pouvoir et une démocratisation des décisions publiques multiculturelles ? Nous montrerons que la Table de consensus est traversée par des tendances et des styles de fonctionnement qui peuvent converger dans un même discours participatif mais qui demeurent différents, voire antagonistes, dans leur nature et objectifs. Sa portée démocratisante reste limitée dans la mesure où les rapports de force ne sont pas profondément modifiés et que la prise de décision demeure confinée.

 

Atelier 8 : Les formes de lacoproduction participative de l’espace public

  • Présidente : Agnès Deboulet (Lavue, Université Paris 8)
  • Discutants : Rémi Lefebvre (Ceraps, Lille 2), Mario Gauthier (Université du Québec en Outaouais)

 

Gallart Romain et Boulanger Gabrielle (Laboratoire Mosaïques-LAVUE, Univ. Paris Ouest Nanterre, et Laboratoire ArchAologie), « De l’interpellation à l’action : la construction d’une dynamique collective des “acteurs” d’un projet de renouvellement urbain »

Cette communication s’inscrit dans une thèse portant sur la thématique de la participation des habitants dans les quartiers populaires en France et au Brésil. Elle se focalise sur le terrain français en s’appuyant sur une expérience participative que le doctorant et l’association « Laboratoire archAologie » ont établie dans le cadre d’un projet de renouvellement urbain. À partir de l’étude des conditions d’émergence et d’extinction de cette démarche en faveur du développement du pouvoir d’agir des habitants, les auteurs vont s’intéresser à l’examen du jeu d’acteurs pour mettre en avant le caractère obsolète des catégories classiques d’analyses et interroger les échelles de la citoyenneté. En effet, l’ethnographie de cette expérimentation participative nécessite de se défaire du triptyque élu-technicien-habitant, tout du moins le temps de l’expérience, pour mobiliser de nouvelles catégories plus dynamiques et poreuses. L’utilisation du concept de « sans part », est un outil d’analyse fécond de mise en valeur des « relations de pouvoir » en place au sein de catégories parfois considérées comme homogènes.

 

Mouhoubi Nedjima (LAVMF, Université de Constantine 3, Algérie), « Les effets de la “non-participation du public” dans les grands projets urbains. Cas du projet de modernisation de Constantine »

Un des instruments de l’action publique les plus reconnus aujourd’hui est le projet urbain. Ses principes se partagent entre le développement durable et la bonne gouvernance. Ceci ne peut être concrétisé sans la participation du public dans la prise de décision. Cependant, rares sont les projets urbains qui intègre la participation dans leur processus ; tel est le cas du Projet de Modernisation de Constantine (PMMC), un des projets urbains pionniers en Algérie doté d’une grande ambition et un grand portage politique, où l’Habitant est mis à l’écart.

Dans cette communication, il est question des effets de cette non-participation du public aux projets urbains. Ils se déclinent en : « ignorance », qui amène à parler de l’habitant spectateur ; « non appropriation » qui revient à discuter la séparation de l’habitant de son rôle d’usager ; « colère » qui se manifeste par des contestations de pouvoir, des manifestations citoyennes.

Enfin, les résultats de l’évaluation de ces effets qui s’intègrent dans les piliers décisionnels, organisationnels et culturels de l’urbain, s’appuient sur les résultats d’enquêtes et exploitation de contenus effectués dans le cadre d’une thèse sur « les outils de management de projets urbains en faveurs de la durabilité »

 

Tendero Marjorie (GRANEM, Université d’Angers), « Initier une démarche participative intégrant bénéfices individuels et intérêts collectifs dans le cas de la reconversion de friches urbaines polluées »

La reconversion de friches urbaines représente une opportunité foncière pour construire et aménager la ville durable de demain. Cependant, en raison de leurs activités passées, les friches urbaines sont des sites pollués. Leur reconversion se justifie à partir d’une analyse coûts-bénéfices réalisée dans le cadre du plan de gestion du site. Ainsi, la réussite d’un projet de reconversion nécessite non seulement d’anticiper correctement les contraintes, et les bénéfices associés à la mise en œuvre d’un tel projet, mais aussi d’initier une démarche participative entre les différentes parties prenantes du projet. Nous proposons une démarche méthodologique participative ex-ante visant à améliorer l’implication des parties prenantes, et l’acceptabilité des projets d’aménagement territorial dans le cas de la reconversion de friches urbaines polluées. Nous présentons les trois étapes sur lesquelles repose la démarche. Nous montrons comment cette approche sera appliquée dans le cadre de la thèse à partir d’un exemple de projet de reconversion de friche urbaine polluée en Pays de la Loire afin de proposer, dans une visée normative, des recommandations d’action à destination des porteurs de projets.

 

Vigne Margaux (CRENAU, ENSA Nantes), « “Expérimentations institutionnelles” : décrire les dynamiques “d’ensauvagement” à l’œuvre dans un dispositif d’implication des habitants »

De nombreuses recherches montrent comment les dispositifs participatifs sont devenus de véritables outils d’action publique, et, au-delà, des outils de « gouvernementalité ». Ceux-ci sont plus rarement analysés comme des opportunités dont se saisissent les participants au-delà des objectifs déterminés. C’est cet angle de vue qui est choisi ici, faire le récit des « usages de la participation » (Rui, 2006), des aventures d’un dispositif participatif et des processus de débordement qui le travaillent de l’intérieur. Ceci sans pour autant faire l’économie d’un double regard, nécessaire à propos de ces dynamiques paradoxales : cette communication mobilise ainsi les termes « d’ensauvagement » et de « domestication », que Catherine Neveu (2011) reprend elle-même au Groupe de Recherche Action (GRAC, 2010). Ce texte s’inscrit dans le domaine de recherche, « contrasté et relativement peu exploré » (Neveu, 2011), sur les tensions entre institutionnalisation de la participation et dynamiques des pratiques informelles et des mobilisations (Bacqué, 2006), mais avec un angle d’approche spécifique, affilié au champ de l’aménagement et de l’urbanisme. Cette communication développe une description des phénomènes observés dans le cadre d’une enquête ethnographique en cours sur un terrain à Bruxelles : l’occupation temporaire de l’Allée du Kaai.

 

Deuxième jour : Samedi 14 novembre

Atelier 9 : Acteurs et savoirs ordinaires dans les controverses sociotechniques

  • Président de séance : Julien Talpin (Ceraps, Lille 2)
  • Discutants : Pieter Leroy (Université de Nimègue), Jean-Michel Fourniau (Dest-Ifsttar et GSPR-EHESS)

 

Bagnolini Guillaume (Centre d’éthique contemporaine-Laboratoire Epsylon, Université de Montpellier), « Le biohacking comme participation à la science ? »

Le mouvement des biohackers et le Do-it-Yourself biology (DIYbio) est un mouvement assez récent pouvant être décrit comme la réalisation d’études scientifiques en biologie en dehors des institutions. Le “hacking“ est défini par Mitch Altman comme le fait de « prendre ce qui existe, l’améliorer du mieux que l’on peut et ensuite le partager ». Le biohacking défend donc l’idée du partage gratuit des informations mais aussi des techniques en cela il se rapproche des hackers informatiques. Comme ces derniers, les biohackers sont politiquement engagés et considèrent le biohacking comme une réaction contre la société néocapitaliste et la science institutionnalisée. Ils veulent que le citoyen se réapproprie la recherche scientifique. Comment procédent-ils ? Avec quelles politiques et modes d’organisation ? Je propose dans cet article de donner les principaux fondements moraux et é pistémologiques dans le cas particulier des laboratoires communautaires. D’autre part, je montrerai comment s’opérationnalise ces valeurs morales dans le cas concret de projets scientifiques à l’intérieur de ces laboratoires communautaires. Enfin, je caractériserai la participation et la légitimité dans l’activité scientifique au sein du réseau français “La paillasse”.

 

Lerosier Thomas (Philosophie, pratiques, langages (PPL), Université Grenoble-Alpes), « “Les publics grenoblois peuvent-ils participer ?” La démocratie technique à l’épreuve des cultures politiques »

Fin 2005, alors que depuis près de 5 ans un petit collectif grenoblois s’emploie à réactiver la critique sociale des sciences autour de la question des nanotechnologies, la communauté d’agglomérations Grenoble-Alpes Métropole reçoit un rapport, intitulé « Les publics grenoblois peuvent-ils participer aux choix scientifiques et techniques ? » Dix ans après, la question ne semble pas résolue dans la mesure où les recommandations du rapport en matière de démocratie technique n’ont pas été suivies. Les différents instruments de participation qui ont été mis en place depuis ont été boudés et ouvertement contestés. Cet article entend revenir sur ces différents épisodes afin d’en proposer quelques éléments de contextualisation. L’article montre que le rapport que les militants entretiennent avec les institutions ne va pas de soi. Il est lui-même au cœur de la constitution des cultures politiques et le fruit d’une histoire dont la mémoire est encore vive.

 

Osadtchy Clara (Umr ESO, Université du Maine), « Des formes et des effets de la participation en territoire industriel conflictuel : une possible conciliation ? L’exemple de Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhone) »

Cette communication propose d’interroger la participation environnementale institutionnalisée sur un territoire industriel connaissant d’importants conflits portant sur l’aménagement du territoire. Nous constatons, dans un premier temps, l’existence parallèle de nombreux dispositifs de concertation qui coexistent, davantage qu’ils ne s’articulent. Ces instances cloisonnent l’information et le débat et semblent faire abstraction de la conflictualité locale et des représentations sociales des risques. Alors que la demande se généralise, du côté des acteurs locaux, d’une concertation continue et globale portant sur les projets de développement à l’échelle de la zone industrialo-portuaire, l’ensemble des dispositifs existants compartimente, sur le plan spatial et thématique, les objets de la concertation. L’analyse de leur mise à l’épreuve des conflits permet ensuite de mettre en évidence des effets de « contamination par le local », notamment dans le cas des débats publics, qui se font largement dépasser par les configurations socio-politiques, forçant à leur décloisonnement et reformulant les enjeux et l’objet de ces débats.

 

Atelier 10 : Évaluer les effets de la participation

  • Présidente de séance : Luigi Bobbio (Université de Turin)
  • Discutants : Corinne Larrue (Lab’Urba, École d’urbanisme de Paris), Patrice Duran (ISP, ENS Cachan)

 

El Mnasfi Mustapha (Centre Jacques Berque CNRS, Maroc), « Les effets des dispositifs institutionnels dans les politiques de lutte contre l’exclusion urbaine au Maroc : le cas des dispositifs participatifs de l’INDH »

L’objectif de ce travail est de chercher à comprendre comment des dispositifs participatifs génèrent des effets au niveau de la relation entre les représentants des pouvoirs publics et les représentants associatifs mobilisés autour des dispositifs mis en place dans le cadre de l’« Initiative nationale pour le développement humain en milieu urbain » au Maroc. 
Cette recherche s’appuie sur le recueil d’environ 40 entretiens semi-directifs. Ceux-ci ont été réalisés avec des acteurs publics et associatifs impliqués dans l’« INDH en milieu urbain » au Maroc.

Cette recherche montre que les dispositifs participatifs mis en œuvre dans le cadre de l’INDH en milieu urbain, contribuent à transformer la relation entre les représentants des pouvoirs publics et les représentants associatifs. L’enquête montre par ailleurs que les pouvoirs publics utilisent les ressources associatives pour produire de l’action publique dans les quartiers populaires. Dans ce cadre, les acteurs associatifs accomplissent des actions qui devraient être réalisées par des agents publics.

 

Hassenforder Émeline (G-EAU, Irstéa Montpellier), « Une catégorisation des huit effets institutionnels de la participation du public aux processus décisionnels et identification de leurs facteurs »

Cette communication propose de catégoriser les effets institutionnels de la participation en huit effets institutionnels. Cette catégorisation est basée sur la distinction entre six termes : formel et informel; institutions et organisations; et émergence et changement. Cette catégorisation permet aux acteurs de la participation de mieux identifier les effets institutionnels résultant de la participation du public aux processus décisionnels ainsi que d’analyser les facteurs causant ces effets. Afin de démontrer comment cette catégorisation peut être utilisée, je prends l’exemple de deux cas, dans la région Rwenzori en Ouganda et le district de Fogera en Ethiopie, où des dispositifs de planification participative pour la gestion des ressources naturelles ont été mis en place dans le cadre d’un projet de développement financé par la commission européenne. L’identification des facteurs causant des effets institutionnels est basée sur la méthode de « processus de traçage » (George and Bennett 2005) couplée à une approche par « groupements causaux » (Young 2008). J’argue que les facteurs procéduraux identifiés dans les cas ougandais et éthiopiens peuvent être utilisés comme « leviers » par les facilitateurs de la participation pour favoriser des effets institutionnels. Je détaillerai plusieurs de ces leviers dans ma communication.

 

Pommerieux Mélanie (CEPEL, Université de Montpellier), « Les effets de dispositifs participatifs sur l’action publique. Le cas de la participation du public à l’élaboration de plans de gestion de l’environnement en Afrique du Sud »

Les décisions autoritaires, tournées vers le développement, prises pendant l’apartheid ont légué à l’Afrique du Sud contemporaine une lourde dette environnementale. Depuis, le principe de participation a été institué dans les lois environnementales sud-africaines. Suivre l’évolution dans le temps des dispositifs participatifs dans ce domaine, depuis la fin de l’apartheid à nous jours, tant au niveau national que local, nous permettra de mettre en évidence la façon dont l’offre participative contraint les effets de ces dispositifs. En étudiant l’influence des sphères internationale, nationale et locale sur ces dispositifs, nous montrerons tout d’abord comment l’institutionnalisation de la participation dans le domaine de l’environnement s’est faite avec l’appui de la sphère internationale, dans un contexte où le nouveau gouvernement n’accordait que peu d’intérêt à ces questions environnementales. Puis nous expliquerons comment l’orientation développementaliste de la nouvelle démocratie sud-africaine tend à minimiser l’importance dédiée à la participation du public, avant de souligner comment quelques acteurs cherchent au contraire à s’appuyer sur le public pour montrer l’importance de certains enjeux environnementaux.

 

Atelier 11 : Le devenir contrarié des printemps démocratiques

  • Président : Luc Picot (Décider ensemble)
  • Discutants : Agnès Deboulet (Lavue, Université Paris 8), Loïc Blondiaux (CESSP, Université Paris 1)

 

Belhadj Aymen (IRMC (Tunis) et PRODIG, Paris 1), « La Transition démocratique : mais vers quelle démocratie ? De l’exception arabe à l’exception tunisienne ! »

L’objectif de ce papier est de revenir sur les formes de participation des jeunes au processus électoral, placé au centre du projet transitionnel, en Tunisie. Il s’agit d’essayer de rendre compte de la variété de cette participation principalement pendant les élections de l’assemblée constituante de 2011 et celles des législatives et présidentielles de 2014. La question est de savoir dans quelle mesure ce processus a réussi ou pas à inclure les jeunes dans la construction démocratique à l’œuvre dans le pays et dans quelle mesure la construction démocratique correspond ou pas aux projections et aux attentes de ces derniers, si l’on tient compte des problèmes d’intégration socioéconomiques et politique qu’ont été relevées par leur forte implication pendant la révolution de l’hiver 2010/2011.

 

Naimi Mohamed (Centre d’études et de recherches en sciences sociales (Cerss), Université Mohamed V, Rabat), « La participation entre sphère instituée et espace non institué dans le sillage des “Printemps arabes” : Cas des mobilisations au Maroc »

À travers une étude de cas du Mouvement du 20 février (ci-après, M20F) au Maroc, la présente communication vise à mettre en évidence le fait que la participation politique va au-delà de la forme électorale et partisane, et intègre progressivement l’action collective protestataire se déployant dans un espace public en transformation. En fait, cette vérité est confortée par les révolutions et soulèvements populaires du « Printemps arabe » : les mouvements sociaux sont devenus des acteurs politiques incontournables dans la société civile d’aujourd’hui notamment dans le monde arabe depuis 2011.

Au Maroc cela s’est traduit par l’émergence du M20F. Certes, la constitution marocaine de 2011, comme principale réponse aux revendications du M20F, élargit le champ de la participation politique en attribuant aux associations et ONG de la société civile des rôles politiques nouveaux dans le cadre d’une démocratie participative. Néanmoins, elle a négligé le rôle des mouvements sociaux en tant que composante agissante au sein d’une nouvelle société civile non instituée.

 

Yilmaz Zulfiye (Université Galatasaray (Istanbul) et CRDT, Université de Reims), « Les référendums locaux en Turquie : entre démocratie participative et contrôle des opinions minoritaires ? »

La Constitution turque de 1982 ouvre la seule possibilité d’organiser des référendums au niveau national pour l’adoption des textes de révision constitutionnelle dans des cas bien précis. Cependant, les référendums locaux n’existent en Turquie que pour la fusion des villages et de petites communes rurales et la détermination de leurs limites territoriales conformément à la loi relative aux communes de 2005. Par conséquent, la consultation des habitants par les collectivités locales ne revêt pas un caractère obligatoire. Les référendums locaux, même s’ils n’existent que pour des décisions locales à portée limitée, sont promus toutefois par le pouvoir central et même par les collectivités locales en Turquie quand il s’agit de la légitimité des projets locaux. La question des référendums locaux en Turquie met en évidence le déficit démocratique représentatif au plan national et encore le besoin de reformer l’administration décentralisée au local.

 

Atelier 12 : De la parole ordinaire au pouvoir d’agir

  • Président : Patrice Duran (ISP, ENS Cachan)
  • Discutantes : Marion Carrel (Ceries, Lille 3),Jeanne Demoulin  (Mosaïques-LAVUE)

 

Dufournet Tanguy (Centre Max Weber, Université Lyon 2), « Quartiers en politique de la ville et action sociale : le rapport entre discrimination et participation des habitant.e.s »

Mon analyse vise à étudier le degré de mixité social et ethnique du quartier et à le comparer à la fréquentation de la structure afin de réfléchir aux conséquences que pouvaient avoir les discriminations liées à l’appartenance sociale, religieuse, ethnique et de genre dans les pratiques, conscientes ou inconscientes, des travailleurs sociaux.

Alors que le mot d’ordre est à l’heure actuelle à la démarche participative, c’est-à-dire à la promotion de l’engagement des usagers des structures sociales dans des projets collectifs, nous pouvons constater une faible participation d'une certaine frange de la population de ces quartiers dits « défavorisés » que ce soit dans ces projets ou dans les instances décisionnelles de ces associations. Ici, l'impératif de mixité semble révéler un ensemble complexe de contradictions qui traversent les pratiques des travailleurs sociaux (postures essentialisantes, hiérarchisation des critères de discrimination, etc.) et qui peuvent être autant de freins à la construction d'une égalité réelle et donc d’une émancipation effective.

La construction de l’égalité, vecteur de participation et de reconnaissance, est un processus complexe qui nécessite dans un même mouvement de réparer les inégalités, et de penser les processus complexe de discriminations. 

 

Louis Jeremy (Mosaïques-LAVUE, Université Paris Ouest-Nanterre), « Les « Tables de Quartier » en France, 
Entre offre de participation et organisation communautaire »

Les « Tables de Quartier » sont une expérimentation d’espaces citoyens mise en place depuis le début de l’année 2014 par la Fédération des Centres Sociaux de France. Douze associations de quartier portent localement ces espaces, dont l’objectif est de réunir les associations et les habitants mobilisés dans le quartier et de construire avec eux des actions collectives permettant de résoudre des enjeux locaux, que ces actions prennent la forme de revendications ou soient auto-organisées. Cette expérimentation n’est pas vraiment un dispositif institutionnel, malgré le fait qu’elle soit soutenue par l’État ; ce n’est pas non plus un mouvement social, même si elle se donne pour objectif d’interpeller les pouvoirs publics. Cette situation, à la frontière entre différentes approches de la démocratie locale et du « développement du pouvoir d’agir », constitue l’objet de la présente communication. Cette dernière se propose d’analyser la politisation des Tables de Quartier, au travers l’observation du contexte de mise en place de l’expérimentation, puis de ce qu’elle produit dans les quartiers où elle est lancée. Ces observations permettront de distinguer deux types de Tables de Quartier dans leur rapport au politique.

 

Peigney Salomé-Jill (CARISM, Université Paris 2),« La participation de l’homme ordinaire en démocratie : histoires vraies et images de la transparence dans le site web Raconter la vie de Pierre Rosanvallon »

En 2014, Pierre Rosanvallon - chercheur en sciences politiques spécialisé dans l’histoire et la notion de démocratie en France - a lancé un site web participatif et une collection de livres publiés en partenariat avec les éditions du Seuil, portant tous deux le projet et le nom de « Raconter la vie ». Il s’agit de permettre à des personnes dites « invisibles », soit d’écrire elles-mêmes le récit de leur vie à travers un texte de 5 000 à 40 000 signes publié et téléchargeable gratuitement sur le site web, soit d’être racontées par des chercheurs, écrivains, journalistes dans une collection de livres imprimés. Ce sont alors dans ce cas des « spécialistes de l’écriture » qui décident de prendre pour objet des aspects ordinaires de leurs propres vies ou de la vie des autres.

Pierre Rosanvallon souhaite par ce projet « redonner leur dignité » à des personnes qu’il estime mal ou pas du tout représentées et donc dans les deux cas invisibles. Il n’est pas fait mention de représentation médiatique ni politique, mais de « représenter » la société Française pour qu’elle soit plus visible et plus lisible : que ceux qui la constituent se sentent mieux écoutés, par les autres et par les gouvernants, et que la confiance qui permet de vivre ensemble en démocratie soit rétablie.

Dans ce projet ambitieux, il s’agit d’interroger les deux sens de la notion de « représentation » - comme imitation et comme mandat - qui se fondent dans la volonté de les considérer comme un pouvoir à rendre aux individus.

 

Pitasse Fragoso Katarina (Chaire Hoover d’éthique économie et sociale, Université catholique de Louvain (UCL)), « Donner la parole aux pauvres : un moyen non paternaliste de combattre la pauvreté ? »

Ce texte vise à défendre une approche non-conditionnelle et participative de la lutte contre la pauvreté. Pour commencer, nous prendrons en exemple le programme brésilien Bolsa Família pour montrer les faiblesses, à la lumière d’une conception multidimensionnelle de la pauvreté, d’un programme d’assistance conditionnelle. Un programme d’assistance non-conditionnelle tel que GiveDirectly au Kenya semble éviter ces difficultés. Toutefois, ce type de programme non-conditionnel peut prendre plusieurs formes, et un examen minutieux nous permet de constater que sa variante libérale se bute aux mêmes difficultés – dans une moindre mesure – que l’assistance conditionnelle. Nous présenterons donc la version participative de l’assistance inconditionnelle comme la seule alternative capable de s’attaquer légitimement aux multiples dimensions de la pauvreté.