Dynamiques de la participation en Amérique Latine

Sommaire du n° 1/2015 paru en juin 2015

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Dossier

Dynamiques de la participation en Amérique Latine

Dossier coordonné par David Garibay, David Recondo, Héloïse Nez

David Garibay, « Introduction du dossier. Vingt-cinq ans après Porto Alegre, où en est (l’étude de) la démocratie participative en Amérique latine ? »

Camille Goirand, « Rituels démocratiques et mise en scène de la participation populaire dans les assemblées du budget participatif à Recife (Brésil) »

Françoise Montambeault, « Décloisonner la comparaison : dispositifs participatifs et démocratisation au Brésil et au Mexique »

David Garibay, « La diffusion des modèles de démocratie participative au niveau local au Salvador : les maires au carrefour de conceptions concurrentes »

Rocio Annunziata, « Participer dans les scènes ritualisées du pouvoir. La Banca Abierta et le Concejo en los Barrios en Argentine »

Ernesto Ganuza, Francisco Francés, « Le défi participatif : délibération et inclusion démocratique dans les budgets participatifs »

Varia

Stéphane Lembré, « La participation des associations d’anciens élèves aux politiques d’enseignement technique. Le cas du Nord de la Francesous la IIIe République »

Philippe Lavigne Delville, Daniel Thieba, « Débat public et production des politiques publiques au Burkina Faso. La Politique nationale de sécurisation foncière »

Lecture critique

Roberto Frega, « Le jugement politique entre candeur et vérité »

 

Présentation du numéro

Extraits de l’introduction de David Garibay :

« En 1988, le Parti des Travailleurs (PT) remporte la mairie de Porto Alegre et met en place un budget participatif. Au-delà du contexte partisan et social qui en favorise le succès et la pérennisation, ce cas devient l’emblème de la mise en place de dispositifs de démocratie participative, fondés sur le principe d’une participation directe des citoyens à la décision publique et à l’allocation des res­sources. L’expérience se diffuse rapidement dans le reste du pays, du continent et dans le monde pour s’imposer comme un modèle de référence dont d’autres dirigeants politiques cherchent à s’inspirer. Cette diffusion est surchargée de sens dès son origine. Le budget participatif, et plus largement la démocratie participative, sont conçus par leurs initiateurs comme un instrument visant à dépasser les institutions représentatives, tout en s’appuyant sur elles, dans une vision d’une construction politique alternative destinée à inverser les priorités de l’action publique en faveur des classes populaires. Pour d’autres, au contraire, la démocratie participative serait un instrument qui permettrait de pallier les déficiences de la démocratie représentative dans un contexte de difficile consolidation des institutions démocratiques. Pour les organisations multilatérales qui contribuent rapidement à sa diffusion, le dispositif aurait des effets particulièrement vertueux, car en reposant sur la proximité entre gouvernés et gouvernants, il renforcerait la transparence dans la gestion des fonds publics et la responsabilité politique des gouvernants (l’« accountability »), ce qui aurait pour effet de lutter contre la corruption et le clientélisme, et de renforcer la qualité des institutions démocratiques. »

« Ainsi, la démocratie participative est revendiquée dans un premier temps par des mouvements sociaux contestataires, par des collectifs organisés sur le plan local, et est mise en oeuvre par des partis et des dirigeants politiques qui sont dans l’opposition au niveau national. Mais la généralisation et la perma­nence dans le temps des dispositifs participatifs leur font perdre leur spécificité originelle en termes de contestation et de renouvellement des pratiques. Ces programmes locaux dépassent d’ailleurs la seule reproduction de l’exemple du budget participatif pour intégrer d’autres instruments, d’autres dimensions, d’autres objectifs. Cet élargissement s’est également accompagné d’une forte institutionnalisation des expériences, qui ont ainsi survécu aux contextes initiaux de leur formation et dans certains cas perdurent au-delà des figures tutélaires de leur création (dirigeants politiques, voire partis ou associations). En ce sens, les exemples de démocratie participative ne sont plus pensés pour se substituer aux mécanismes de la démocratie représentative, mais s’imposent comme un niveau supplémentaire de délibération et de redistribution, les complètent et même les confortent.En procédant à un retour sur le cas de Porto Alegre puis à une réflexion sur sa diffusion, il s’agit de comprendre comment la manière dont s’est opérée cette diffusion et les contextes de sa réception ont été importants pour imposer des attentes et des lectures particulières. »

« Or ces lectures sont à la fois le fait des acteurs politiques et des chercheurs qui ont analysé ce cas. Il est indéniable que la focalisation sur le cas de Porto Alegre a eu des effets sur la manière d’étudier la démocratie participative en Amérique latine. Les questions posées sur cette expérience ont abordé dans un premier temps la mise en place effective des mécanismes et leur manière de contribuer à la fois à une participation plus large et à une distribution des ressources plus juste, dans une perspective orientée sur le lien entre pouvoir local et citoyens. Les travaux sur la généralisation de la démocratie participative ont interrogé ensuite à la fois les effets de l’institutionnalisation, avec une perspective davantage macro et comparée, et ont intégré ces mécanismes dans une discussion plus large sur les liens entre acteurs collectifs organisés et pouvoir, en abordant la question du renouvellement des répertoires et des acteurs de la médiation politique. Enfin, dans un troisième temps, des études plus récentes ont interrogé comment les mécanismes de participation politique ont pu faire l’objet d’investissements de groupes sociaux différenciés et concurrents, et parmi eux les détenteurs du pouvoir local, en particulier les maires, qui cherchent ainsi à s’approprier ces espaces pour leur propre bénéfice, voire à tirer parti de leur participation dans ces dispositifs pour renforcer leurs positions dans d’autres lieux de la compétition politique. »

Le dossier met en lien la diffusion des expériences et l’évolution de la manière dont elles ont été étudiées dans les sciences sociales. Il revient sur le cas de Porto Alegre, sur le contexte de sa réalisation et de sa diffusion, puis sur l’étude comparée des expériences de budgets participatifs comprises depuis une perspective institutionnaliste, et enfin souligne l’apport de travaux plus récents qui abordent des expériences depuis des focales à la fois localisées et contextualisées.