"Quand les habitants prennent la parole", ou comment se structurent des dispositifs participatifs fondés sur la demande habitante

            D'ORAZIO Anne (2009), "Quand les habitants prennent la parole, ou comment se structurent des dispositifs participatifs fondés sur la demande habitante", communication aux premières journées doctorales sur la participation du public et la démocratie participative, Ecole Normale Supérieure de Lyon, 27-28 novembre 2009.

 


 

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Extrait de l'article

    Introduction   Au cours de ces dernières années, nous observons, en France, l’émergence d’une série d’initiatives éparses émanant d’acteurs citoyens et associatifs autour des thématiques d’auto-promotion du logement et des formes de coopération ainsi que des tentatives de structuration de réseaux d’échanges et de pression autour de cette question. Fondées sur une critique des modes de production conventionnels du logement, ces démarches tentent d’en proposer un dépassement dans une perspective de mutualisation, de solidarité et de durabilité. Inspirées des expériences nord-européennes et particulièrement de la production des éco-quartiers et du cohousing, mais aussi du mouvement coopératif québécois, elles invitent à la mise en oeuvre d’une réflexion sur un « habiter autrement ». S’appuyant sur une analyse critique des tensions perceptibles sur le marché du logement et des difficultés d’accès à la location ou à la propriété, ces démarches cherchent à faire émerger un espace de réflexion et d’expérimentation qui tente de proposer de « nouvelles » formes d’habitat tant sur le statut d’occupation que sur le mode de gestion.

S’intéresser à ces mobilisations citadines, nous permet de mettre en lumière et d’analyser des dispositifs participatifs partant du bas, articulés autour de demandes habitantes. Notre travail vise ainsi à comprendre la portée de ces initiatives à la fois comme démarche de production de logement et comme processus participatif. A partir de ce terrain, il s’agira d’appréhender plus largement des dynamiques participatives dites ascendantes et d’en dégager leurs spécificités.

Les travaux sur la démocratie participative opposent en effet classiquement deux dynamiques, les dynamiques descendantes « top down » et les dynamiques ascendantes « bottom up » [Blondiaux, 2005]. Si cette typologie est éclairante, nous pouvons cependant nous interroger sur cette dichotomie qui à partir de l’exemple que nous analysons pose plusieurs questions :
  • Peut-on réellement opposer ces dynamiques de manière frontale ? Dans le cas de dynamiques qui viennent du bas, comment se construisent-elles précisément ?
  • Qu’en est-il des facteurs intermédiaires dans ces dynamiques ? Quel est le rôle et la place de ces intermédiaires qu’ils soient des professionnels du secteur mais aussi des universitaires qui participent à éclairer les processus en cours et, d’une certaine manière, à les orienter.
  • Quel rapport ces dynamiques entretiennent-elles avec le haut ? Des rapports qui sont généralement énoncés comme « contre » et qu’il est nécessaire d’envisager dans les deux sens du terme, à savoir un rapport construit dans une opposition ainsi qu’un rapport construit dans un appui. Dans une analyse de ces rapports avec le haut, il nous semble important de comprendre ce qui circule entre le haut et le bas et comment setransforme cette circulation ?
Les initiatives autour de l’habitat alternatif se revendiquent des démarches de développement durable, de l’écologie et de l’économie solidaire. Si elles se réclament d’expériences étrangères, elles s’inscrivent en même temps, en France, dans la poursuite d’un riche débat tant idéologique qu’opérationnel qui a parcouru le XX° siècle sur la participation des habitants à la production du logement et de leur cadre de vie [Bacqué, Carriou, 2009].

Du phalanstère à l’habitat autogéré, en passant par le mouvement castor, la production alternative du logement n’est pas chose nouvelle. Pour autant, elle se développe aujourd’hui dans un contexte nouveau de re-négociation des politiques sociales du logement, de transformations des formes d’engagement et de tensions dans l’occupation de l’espace urbain.

Pour comprendre ce mouvement contemporain et en dégager la nouveauté, il nous apparaît nécessaire de nous pencher sur l’héritage d’expériences plus anciennes et plus spécifiquement de nous intéresser à la production de l’habitat groupé en France, portée dans les années 70-80 par les nouvelles couches moyennes.

Questionner aujourd’hui « les expériences inachevées des années 70 », comme le propose Hélène Hatzfeld, doit permettre de mesurer les niveaux de filiations entre les expériences d’alors et le mouvement émergeant d’aujourd’hui. Il s’agira de comprendre les résistances, les tensions et les niveaux d’innovation propres aux démarches actuelles au travers d’une construction de dispositif participatif.

Notre terrain d’étude est celui du Mouvement pour l’Habitat Groupé Autogéré – MHGA - , fondé à la fin des années soixante-dix, par des groupes d’habitants et qui renaît aujourd’hui à partir du même noyau militant.

A partir d’une approche qui se veut diachronique, nous chercherons à comprendre comment la rhétorique participative [Blondiaux, 2005] s’est transformée entre ces deux périodes alors que les modes de gouvernance se sont transformés et que la participation est devenue une injonction. Nous chercherons également à comprendre comment les rapports entre le « haut » et le « bas » se sont transformés.
   

Plan de l'article


Structuration de dispositifs participatifs fondés sur la demande habitante : le cas du MHGA
  • A la naissance d’un Mouvement
  • Les groupes d’habitants, quelques éléments caractéristiques
Repenser la dialectique participative
  • Que sont ces dynamiques du bas ?
    - Le groupe d’habitant ou comment construire le collectif
  • Qui sont les acteurs intermédiaires ?
    - Une démarche coproduite
  • Comment s’opère et s’organise le rapport à la puissance publique ?
Au delà de la dichotomie participative