Médias, engagements et mouvements sociaux

Journées doctorales du RT37 (sociologie des médias)

de l’Association française de sociologie (AFS)
avec le soutien du RT35 (sociologie du monde
associatif)

 

Programme

Jeudi 28 mars 2013 - Sciences Po Bordeaux

9.00 accueil salle Copernic

9.30 allocutions d’ouverture : Andy SMITH, DR FNSP, directeur du Centre Émile Durkheim

9.40 présentation du RT37 : Pierre LEFÉBURE, MCF science politique, U. Paris 13, LCP

9.50 introduction aux JD :

Mélanie BOURDAA, MCF infocom, U. Bordeaux 3, MICA, Isabelle RIGONI, enseignante Sciences Po Bordeaux, Centre Émile Durkheim et MICA, Anaïs THEVIOT, doctorante Sciences Po Bordeaux, Centre Émile Durkheim   10.00 – 12.30 Axe 1 - Le traitement médiatique des acteurs politiques et des mobilisations (session 1), salle Merle Présidente de séance : Anaïs THEVIOT, doctorante Sciences Po Bordeaux, CED Discutante : Christine LARRAZET, MCF, études anglophones, U. Bordeaux 2, CED
  • Marion DALIBERT, GERiiCO, U. Lille 3 Des "stratégies" d'identité ? Médiatisation des mouvements sociaux et imaginaire de la nation.
  • Cindy MORILLAS, LAM, Sciences Po Bordeaux Les traitements des mouvements étudiants camerounais de 1991 et 2005
  • Arnaud NGANGA MASSENGO, MICA, U. Bordeaux 3 La « Question noire » à la télévision : de la représentation des « contentieux postcoloniaux » à la re-légitimation du modèle français d’intégration
  • Sidiki BAMBA, U. Cocody-Abidjan, MICA Le traitement médiatique de l'exil en Côte d'Ivoire
Axe 3 - Les usages des médias par les militants (session 1) salle Copernic Présidente de séance : Isabelle RIGONI, enseignante Sciences Po Bordeaux, CED / MICA Discutant : Antoine ROGER, PR, science politique, Sciences Po Bordeaux, CED
  • Saâdeddine IGAMANE, U. Hassan II Casablanca La mobilisation par Facebook pour le mouvement du 20 février au Maroc
  • Aissa MERAH, U. Béjaia Participation politique des cyber-activistes via les journaux électroniques. S’exprimer « ailleurs et autrement »
  • Tilila MOUNTASSER, LARLANCO, U. Agadir Pratiques et usages des médias locaux par les Marocains : le cas d'Agadir
  • Ulrike Lune RIBONI, U. Paris 8, LAVUE-CEMTI Filmer et mettre en ligne la révolution : les usages de la vidéo dans les « printemps arabes »

12.30 Déjeuner

14.00 – 17.30

Axe 1 - Le traitement médiatique des acteurs politiques et des mobilisations (session 2), salle Merle Présidente de séance : Isabelle RIGONI, enseignante Sciences Po Bordeaux, CED / MICA Discutant : Pierre LEFÉBURE, MCF science politique, U. Paris 13, LCP
  • Brian BOWE, Michigan, CELSA Objective and Interpretative Approaches to Framing Theory: The Case of Islam
  • Tino BRUNO, U. Lyon 3 Étude comparative du cadrage médiatique des manifestations antinucléaires japonaises après la catastrophe nucléaire de Fukushima
  • Erica GUEVARA, Sciences Po Paris, CERI L'apolitisme comme légitimation du travail médiatique alternatif. Le cas des radios communautaires en Colombie
  • Isabelle HURÉ, CARISM, IFP Paris 2 Quand les journalistes transforment une contestation en mouvement social
Axe 3 - Les usages des médias par les militants (session 2), salle Copernic Présidente de séance : Anaïs THEVIOT, doctorante Sciences Po Bordeaux, CED Discutant : Raphaël KIES, science politique, Université du Luxembourg
  • Julien ANDRÉANI, LAMES L’étude d’un cyberespace public : Le débat bioéthique sur internet en France de 2009 à 2011
  • Emmanuel BÉCHÉ, U. Maroua (Cameroun) L’e-militantisme des citoyens camerounais : Entre système politique "verrouillé" et contraintes sociotechniques
  • Mohamed ELHAOU, U. Paris 13, U. Lille 3 Les TICs dans - ou les TICs et - les mouvements sociaux tunisiens ?
  • Annick ESSOH, Centre Norbert Elias Visibilité et dissidence au PS à Marseille ou comment s'investir d'"en bas" par les TIC
  • Thomas VITIELLO, Sciences Po Paris, CEVIPOF The production of journalistic news from online voter engagement applications' data

Vendredi 29 mars 2013 - MSHA

9.00 accueil

9.30 – 12.30

Axe 2 - Les formes de l’engagement dans la sphère médiatique (session 1) salle 2 Présidente de séance : Isabelle RIGONI, enseignante Sciences Po Bordeaux, CED / MICA Discutante : Cégolène FRISQUE, MCF, sociologie, U. Nantes, CRAPE
  • Mathieu BÉGIN, U. Montréal L'engagement civique chez les adolescents dans le contexte des médias participatifs
  • Marianne CORNET, MICA-GRESIC Le journalisme de lien : vers une restructuration de la participation 2.0 ? Le Monde.fr sur Facebook et Agoravox
  • Samuel FAURE, Sciences Po Paris, CERI Un engagement citoyen fragile et politique pluriel sur le web 2.0 pour répondre au « déficit démocratique » européen. Le cas des « Cabris de l’Europe »
  • Ruxandra GUBERNAT, U. Paris 10 La prise de position des journalistes roumains pendant la crise politique en Roumanie (activité des journalistes sur Facebook)
  • Yoann VENY, U. Libre de Bruxelles Légitimité des différents supports médiatiques auprès des acteurs engagés dans la blogosphère belge francophone : quelles frontières entre médias ‘traditionnels’ et ‘alternatifs’ ?
Axe 3 - Les usages des médias par les militants (session 3) salle Jean Borde Présidente de séance : Mélanie BOURDAA, MCF infocom, U. Bordeaux 3, MICA Discutant : Yves RAIBAUD, MCF HDR, U. Bordeaux 3, ADES
  • Marcia BURNIER, CEMTI, U. Paris 8 (Re)construire une identité publique: les femmes voilées intégralement dans les documentaires d’Agnès De Féo, un engagement militant ?
  • Valentin SCHAEPELYNCK, U. Paris 13, U. Paris 8 Charlotte HESS, indépendante La radio et les voix de la folie
  • Sébastien CHAILLEUX, Centre Émile Durkheim, U. Laval Des stratégies pour construire sa définition d'un problème public

12.30 Déjeuner

14.00 – 16.30

Axe 2 - Les formes de l’engagement dans la sphère médiatique (session 2) salle 2 Présidente de séance : Mélanie BOURDAA, MCF infocom, U. Bordeaux 3, MICA Discutant : Claude ROSENTAL, DR, CEMS-EHESS
  • Mikaël CHAMBRU, U. Grenoble, GRESEC L'alliance synchronique des militants anti-nucléaires avec les journalistes
  • Rosana CONTRERAS-GAMA, CREM, U. Lorraine Photojournalistes mis au service de la cause humanitaire : entre engagement professionnel et militantisme
  • Flavie HOLZINGER, U. Paris 8 Le Monde diplomatique entre rigueur et militantisme
  • Félix PATIES, U. Paris 1, INA Radio Libertaire, l'administration d'une radio anarchiste, 1981 – 1986
Axe 3 - Les usages des médias par les militants (session 4) salle Jean Borde Présidente de séance : Anaïs THEVIOT, doctorante Sciences Po Bordeaux, CED Discutante : Dan FERRAND-BECHMANN, PR, sociologie, U. Paris 8
  • Natalia CALDERON BELTRAN, U. Paris 8, CEMTI Les mobilisations informationnelles dans des contextes fermés : les cas de Cuba et Mexique
  • Ksenia ERMOSHINA, Paris Tech L’indignation russe à l’ère de la « désintermédiatisation » : La « numérisation » des élections comme dispositif technologique du contrepouvoir citoyen
  • Alexander KONDRATOV, GRESEC, U. Grenoble 3 Des formes d'engagement sociétal dans l'espace public russe post-soviétique autour de la lutte contre les passe-droits routiers
  • Sandra VELASQUEZ, U. Bordeaux 3, MICA La production indépendante de la musique traditionnelle en Colombie, média de communication et expression d’une confrérie

16.30 – 17.00 Conclusion du Comité d’organisation, salle Jean Borde

 

Argumentaire

Ces journées doctorales du RT37 de l’Association française de sociologie, organisées avec le soutien des RT21 et 35, laissent la place aux jeunes chercheurs (doctorants et post-doctorants). Elles auront lieu à Bordeaux, les 28-29 mars 201.

Le RT sociologie des médias a été créé en 2002 dans le but de fournir un espace de dialogue à l’ensemble des chercheurs travaillant sur les médias dans une perspective sociologique, quelle que soit leur discipline d’exercice. L’objectif est d’articuler différents niveaux d’analyse : celle des acteurs ou producteurs de l’information, celle des organisations ou modes de production, celle des contenus ou produits médiatiques, et enfin celle des modes de réception. En faisant la place aux jeunes chercheurs, ces Journées doctorales obéissent à la volonté du RT37 de structurer un espace de débat scientifique pluraliste de sociologie des médias et de lui donner une meilleure visibilité académique. Le partenariat entre plusieurs RT entend permettre de développer des échanges et des passerelles avec les autres secteurs et spécialités de la sociologie.

La question du rapport entre médias et mouvements sociaux est peu traitée jusqu’à la fin des années 1980. Jusqu’aux années 1990, les cadres théoriques de la mobilisation des ressources constituaient le point d’appui central d’une majorité de travaux sociologiques (Neveu, 2005), et focalisaient leur attention sur les ressources collectives et individuelles des groupes, en laissant de côté les relations aux médias et la construction des représentations. Par la suite, l’étude des mouvements sociaux a pris une place croissante au sein de la science politique française et s’est davantage penchée sur les conditions de l’engagement, les relations concrètes entre les acteurs et les médias dans la construction des problèmes publics (Neveu, 1999). De même, en sociologie des médias, les recherches ont longtemps principalement porté sur le fonctionnement interne des rédactions d’un côté, ainsi que sur le travail des journalistes politiques et le traitement de la politique institutionnelle de l’autre. C’est depuis quelques années que les médias engagés ou alternatifs font l’objet de travaux. De même, le journalisme « social » était considéré en France comme une forme de journalisme moins légitime que le journalisme politique ou culturel, avant d’être réinvesti (Lévêque, 2000). Enfin, la question du rapport des journalistes à l’engagement a émergé (Frisque, 2002, Lévêque et Ruellan, 2010, Lemieux, 2010), après une période fortement imprégnée par la représentation indigène de « l’indépendance » de la presse et de « l’objectivité » de l’information. Enfin, l’interrogation sur les usages, les publics et les modes d’appropriation des messages médiatiques (Le Grignou, 2003, Goulet, 2010) s’est développée, avec la démocratisation de l’accès aux TIC notamment.

Les propositions de communications pourront s'articuler autour de trois axes principaux, mais toutes les propositions seront étudiées. Celles-ci peuvent porter sur des objets ou dispositifs médiatiques bien spécifiques mais doivent alors chercher à s’inscrire dans une réflexion plus large sur leurs enjeux, leur positionnement, leur économie et mode de production… Les travaux de comparaison historique ou internationale seraient les bienvenus.

Axe 1 : Le traitement médiatique des acteurs politiques et des mobilisations

Le traitement médiatique de la sphère militante

Le journalisme politique s’intéresse avant tout aux professionnels de la politique et aux représentants des organisations officielles, mais traitent parfois aussi des militants de ces organisations. Comment les militants, adhérents et sympathisants des partis politiques « traditionnels » sont-ils traités dans la presse écrite et audiovisuelle ? Quelle rôle ont-ils dans les dispositifs médiatiques numériques ? Quelle est leur place et comment sont-ils mis en scène ?

Le traitement médiatique des mouvements sociaux

Les mouvements sociaux, sous quelque forme que ce soit (grèves, manifestations, rassemblements, actes de résistance…) font l’objet d’un traitement médiatique souvent différencié (Jacquemain, Delwit, 2010). Comment les médias traitent-ils de l’engagement ? Quels sont les rapports entre les professionnels de l’information et les acteurs militants ? Quels sont les enjeux en termes d’éthique journalistique ? Quelles sont les conséquences en matière de politiques publiques ?

Un traitement « alternatif » de l’information ?

Les médias associatifs, militants, alternatifs, se positionnent en opposition aux médias généralistes, conventionnels ou « mainstream » et forment une vaste constellation aux contours incertains. Ils se dépeignent souvent comme proches de leurs publics, répondant à maints besoins sociétaux et remplissant des fonctions que ni les médias commerciaux ni les médias de service public ne peuvent satisfaire. Ils disent contribuer à encourager le débat public, le pluralisme politique, notamment en offrant la possibilité à des groupes variés – incluant des minorités culturelles, linguistiques, ethniques, religieuses ou autres – de recevoir et de communiquer des informations, de s’exprimer et d’échanger des idées. Leur fonctionnement interne est aussi censé être différent, de même que leur économie. Dans quelle mesure ces médias ont-ils un fonctionnement spécifique ? Les différents niveaux (statut juridique, fonctionnement interne, économie, traitement de l’information, critique des médias…) sont-ils convergents ou comportent-ils des décalages ? Ces médias forment-ils un sous-champ médiatique spécialisé voire autonome ou doivent-ils être pensés en rapport avec l’espace médiatique global ?

Axe 2 : Les formes de l’engagement dans la sphère médiatique

Continuités et mutations des médias « participatifs »

Dans les années 1960, les « fanzines » écrits par de petits groupes de jeunes se sont multipliés, en Europe de l’Est, les samizdats ont formé un vaste système clandestin de circulation d’écrits dissidents, manuscrits ou dactylographiés. Dans les années 1970-1980, le mouvement des radios libres naissait de la volonté de créer des outils de diffusion autonomes et de participer au débat public. Il relevait de mouvements et de mécanismes sociaux, politiques et culturels profonds et divers (Cheval 1997, Lefebvre 2008). Aujourd’hui, d’autres acteurs sociaux s’emparent du web (internautes non journalistes, geeks) et des nouvelles technologies (hackers) pour participer à l’élaboration de l’information (ex. AgoraVox, Aubert 2009 ; Indymedia), défendre des causes (samizdat.net, Anonymous, Telecomix, partis pirate), se positionner dans l’espace public. Comment faire le lien avec l’engagement dans la presse underground, les fanzines ou les radios libres ? Y a-t-il une spécificité de l’activisme sur Internet (Blondeau 2007) ?

Ce sous-axe sera l’occasion d’interroger les formes de coopérations qui peuvent se former entre « anciens » et « nouveaux » acteurs (ex: Wikileaks/The Guardian) dans l’information et la critique politique. Tous les citoyens connectés peuvent désormais réagir en ligne en postant un commentaire, en twittant ou en alimentant leur propre blog ; si bien que les frontières se brouillent entre journalistes et citoyens, experts et profanes. De nouveaux auxiliaires du politique se font jour : consultant web, blogueurs stars du fait de leur compétence / réussite sur le web. Une réflexion sur les profils socio-démographiques ou les trajectoires de ces nouveaux acteurs est la bienvenue.

L’engagement des fans

A travers leurs activités dans les « communautés de pratiques » (Baym, 2000), les fans développent des activités que nous pouvons définir en cinq catégories parmi lesquelles l’activisme ou l’engagement civique (Bourdaa, 2012). Les fans se rassemblent et à travers leurs discussions et leurs activités, ils sont à même d’apporter une nouvelle vision au changement social. Comme le montre Henry Jenkins (2006), « la culture de la participation conduit à l’engagement civique ». 

Nous pouvons par exemple nous interroger sur le degré d’engagement des fans pour des causes charitables. Comment les fans s’organisent dans les communautés ? Ont-ils des moyens d’action différents de leurs autres activités de créations ? Quels médias utilisent-ils en particulier ? Nous pouvons également réfléchir aux différentes formes que peuvent prendre ces actions activistes.

Les pratiques médiatiques favorisées par les nouvelles technologies donnent-elles une tribune plus favorable aux fans ? Comment les fans se positionnent-ils par rapport aux questions de propriété intellectuelle des franchises médiatiques ? Par exemple, les fans de The Hunger Games ont créé une campagne de prévention contre les dangers de la faim, « Hunger is not a Game », en collaboration avec Oxfam qui a été fermée par Lionsgate, le distributeur du film.

  • Les rapports des journalistes à l’engagement 

Les journalistes des médias « classiques » peuvent entretenir des rapports différenciés à l’engagement. Si certains estiment que leur rôle est simplement de « suivre » et de « rendre compte » d’une actualité qu’ils perçoivent comme donnée, d’autres ont une conception plus active de leur rôle. Pendant longtemps, c’est un journalisme directement engagé politiquement qui a fait contre-point, soit par un positionnement comme éditorialiste, soit par l’appartenance à une presse partisane. Mais c’est maintenant de plus en plus par une forme d’engagement « dans » et « par » le travail journalistique que cela s’exprime (Frisque, 2002, Lemieux, 2010, Lévêque et Ruellan, 2010), par un effort de distanciation critique vis-à-vis de l’information et/ou par la recherche d’une contre-information (investigation, animation d’espaces de débat, data-journalism…). Quelles formes prennent ces activités et quelle place occupent-elles ? Comment les journalistes concernés gèrent-ils leurs positions dans les rédactions des médias grand public ?

Axe 3 : Les usages des médias par les militants

Stratégies militantes de l’exposition médiatique

Il s’agira ici de s’interroger sur les stratégies concurrentielles présentes dans la définition des enjeux de le lutte (Sida : Barbot, 1999 ; sans-papiers : Siméant, 1998 ; DAL : Pechu, 1996 ). Des communications pourront aussi porter sur des comparaisons entre les stratégies défensives et les stratégies offensives (coups d’éclat et engagement politique des hackers : les Anonymous multiplient les attaques pour défendre wikileaks en s’en prenant à Amazon, Paypal, Mastercard et autres géants ; Telecomix viennent en aide aux internautes tunisiens, égyptiens et syriens ; création du Parti pirate français et lutte contre les lois Hadopi et Loppsi 2).

Le recours aux médias comme construction d’une identité publique

L’espace médiatique peut être vu comme une composante de la construction des mobilisations. A titre d’exemple, les TIC peuvent permettre aux populations migrantes et diasporiques d’entrer en contact de part et d’autre de la planète et d’entretenir des sentiments communautaires à distance, tout en favorisant dans le même temps des mobilisations et des actions collectives effectives dans l’espace physique (Rigoni 2010). Cet axe invite à s’interroger sur la mise en récit de l’engagement, de l’activité protestataire, sur la construction d’une identité publique et les différentes stratégies d’engagement dans l’arène médiatique.

TIC et militantisme

Internet a timidement fait son entrée dans le domaine politique au début des années 1990 jusqu’à être considéré aujourd’hui comme un outil indispensable en communication politique, « un obligatoire de campagne » (Ethuin, Lefebvre, 2002). Cet attrait grandissant pour les technologies est particulièrement visible lors des campagnes électorales où les candidats se livrent une véritable « course politique virtuelle » (Barboni, Treille, 2010). Ainsi, depuis le milieu des années 2000, la palette des outils numériques utilisés (non forcément maîtrisés) par les hommes politiques français ne cesse de s’élargir: Twitter, Facebook, Dailymotion, Youtube, Flickr… Le succès phénoménal de mybarackobama.com, outre-Atlantique, a encore renforcé l’intérêt des hommes politiques français pour la Toile (Greffet, 2011). Les militants sont eux aussi fortement incités par leurs partis à utiliser les outils numériques (Theviot, 2012).

Comment s’organise le militantisme en ligne ? Quel est son impact en termes d’enjeux socio-politiques ? Qui sont ces « supporters » qui militent sur la Toile, et comment s’expriment-ils (pratiques langagières) ? Lorsque l’on s’intéresse aux profils des « twittos », on peut remarquer une certaine fluctuation  des contours du militantisme (présence d’acteurs individuels engagés sur les réseaux sociaux, amis non encartés) : dissolution des frontières entre sympathisants et militants. Cette tendance serait-elle symptomatique d’une reconfiguration des organisations partisanes ? Certains auteurs  postulent à la transformation possible des instances partisanes en « firmes » régies par des concepts marketing (Howard, 2006), ou en organisations citoyennes (Löfgren et Smith, 2003), voire en « cyber-partis » (Margetts, 2006). Plus globalement, nous pouvons nous demander si les TIC font émerger de nouvelles formes de militantisme.

Références citées

  • Aubert Aurélie (2009), « Le paradoxe du journalisme participatif. Motivations, compétences et engagements des rédacteurs des nouveaux médias », Terrains & travaux, (15), p.171-190.
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  • Barbot Janine (1999), « L’engagement dans l’arène médiatique. Les associations de lutte contre le sida », Réseaux, 17(95), p.155-196.
  • Baym Nancy (2000), Tune in, log on. Soaps, fandom and online community (new media cultures), London, Sage.
  • Blondeau Olivier (2007), Devenir média. L’activisme sur Internet, entre défection et expérimentation, Paris, Ed. Amsterdam.
  • Bourdaa Mélanie (2012), « Typologie des pratiques participatives des fans », Les cahiers de la SFSIC, n°7.
  • Cheval Jean-Jacques (1997), Les radios en France. Histoire, état, enjeux, Rennes, Apogée.
  • Ethuin Nathalie, Lefebvre Remi (2002), « Les balbutiements de la cyberdémocratie électorale. Contribution à une analyse des usages politiques d’Internet : le site de Martine Aubry lors des élections municipales de mars 2001 », in Vivianne Serfaty (dir.), L’Internet politique, des Etats-Unis à l’Europe, Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, p.155-177.
  • Cardon Dominique et Granjon Fabien (2010), Médiactivistes, Paris, Presses de sciences-po, coll. « Contester ».
  • Greffet Fabienne (dir) (2011), Continuerlalutte.com, les partis politiques sur le web, Paris, Presses de Sciences Po.
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  • Siméant Johanna (1998), La cause des sans-papiers, Paris, PFNSP.
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