Matérialisation et dématérialisation de la citoyenneté

 

Sixième Rencontre européenne d’analyse des sociétés politiques


« L’État de papier : matérialisation et dématérialisation de la citoyenneté »

Paris, 31 janvier - 1er février 2013  

Présentation

  La bureaucratisation du monde, à laquelle le Réseau européen d’analyse des sociétés politiques avait consacré sa deuxième rencontre, les 5 et 6 février 2009, s’est appuyée sur des procédures et des documents écrits, dont les formes numériques contemporaines ne sont que des avatars. Dans le contexte de l’universalisation de l’Etat-nation et de la globalisation, le papier, matériel ou virtuel, a été depuis plus de deux siècles un vecteur majeur de contrôle social et politique, d’accumulation primitive et de reproduction du capital, d’exploitation de la force de travail, d’extraction fiscale, mais aussi de subjectivation. C’est par son intermédiation que l’on se définit, ou que l’on est défini, civiquement et moralement. Les papiers officiels ou personnels sont devenus inhérents à notre vie au point d’être, pour certains d’entre eux, des « papiers d’identité ». Qu’une photo cachée soit dévoilée, qu’un document soit égaré, volé, falsifié ou refusé, c’est toute une destinée qui peut basculer, preuve s’il en est de l’indiscernabilité de l’image, de l’écrit et de la vie.
Ainsi, l’invention de la photo anthropométrique par Alphone Bertillon a rendu possibles des modes inédits de surveillance et de coercition de la population (atelier I). Mais on ne peut se limiter à une vision univoque de ces derniers. Papiers et photos d’identité ne valent que par leurs usages effectifs, que par les pratiques qu’en ont les acteurs, dans des situations et des circonstances données. Il est ainsi loisible d’en faire la biographie, dans la lignée des travaux anthropologiques d’Igor Kopytoff et d’Arjun Appadurai sur la « vie sociale des choses » : procédures et documents sont matière à contestation, négociation, interprétation, détournement, imagination, et même à esthétique bureaucratique, comme l’atteste l’étude des conditions concrètes des demandes d’asile politique, de reconnaissance des titres de propriété, de recherche des migrants disparus en mer, ou de rédaction des procès-verbaux policiers (atelier II). A la limite, les conflits politiques trouvent une traduction abrégée dans des disputes de papier, qui ne sont pas moins sanglantes pour autant ainsi que l’a illustré de manière tragique la crise ivoirienne : la problématique de l’autochtonie s’est nouée autour de la délivrance de cartes d’identité et de titres de propriété, indissolublement liée à l’exercice ou à l’exclusion du droit de vote (atelier III).
La citoyenneté contemporaine est donc bien une citoyenneté de papier. Néanmoins, elle ne coule pas de source(s) puisque précisément elle est l’objet, en tant que telle, de pratiques énonciatives contradictoires. Sous la fausse évidence de l’écrit se cachent de redoutables questions de méthode tant pour les chercheurs en sciences sociales que pour les administrations et les associations qui contrôlent leur pouvoir. Vieux problème, que l’historienne démêle à propos de l’immigration polonaise dans la ville de Lens, dans le nord de la France, ou au détour d’une microstoria de la Shoah (Leçon). Il en ressort que l’ordre bureaucratique n’est pas la négation légal-rationnelle des luttes sociales, mais au contraire l’un de leurs champs.    

Entrée libre dans la limite des places disponibles

Programme

Jeudi 31 janvier 2013

17h – 20h CERI-SciencesPo 56, rue Jacob 75006 - Paris

Leçon du Cycle européen d’études africaines du Reasopo : Autour de l’oeuvre d’Eric de Rosny (1930-2012)

  • avec Roberto Beneduce (Professeur d'Anthropologie, Université de Turin)
  • et Peter Geschiere ( Professeur d'Anthropologie Africaine, University of Amsterdam),

sous la présidence de Richard Banégas (CERI/Fondation Nationale des Sciences Politiques, Paris)

Vendredi 1er février 2013

de 9h45 à 12h30 Cinéma Saint-Germain-des-Prés 22, rue Guillaume Apollinaire 75006 - Paris

9h45 : Accueil des participants

10h – 12h30

Atelier I : Autour de la photo anthropométrique

Projection du film 48 (2009, 93 minutes) de Susana de Sousa Dias (Lisbonne),

en présence de la réalisatrice, suivie d’un débat avec la participation de

  • Victor Pereira (Maître de Conférences en Histoire Contemporaine, Université de Pau)
  • et de Pierre Piazza (Maître de conférence en science politique CESDIP/LEJEP, Université de Cergy-Pontoise)

12h30 – 14h30 : Pause déjeuner de 14h30 à 19h30 CERI-SciencesPo 56, rue Jacob 75006 - Paris

14h30 – 15h30

Leçon : Être (ou ne pas être) étranger : cela ne coule pas de sources

Président : Giovanni Levi (Professeur d'Histoire moderne, Université Ca' Foscari Venise)

  • avec Claire Zalc (Chargée de recherches à l’Institut d’histoire moderne et contemporaine CNRS-ENS, Paris)

15h30 – 17h30

Atelier II : La vie sociale des papiers d’identification : biens et personnes

Présidente : Françoise Mengin (Directrice de recherche CNRS/CERI Sciences PO, Paris)

  • avec Mirco Göpfert (PhD researcher at the Department of Anthropology and African Studies, Johannes Gutenberg University Mainz),
  • Patrice Berline (Ancien professeur, Nîmes),
  • Abderrhamane Hdili (Président du forum tunisien pour les droits économiques et sociaux, Tunis),
  • Barbara Sorgoni (Chercheure en Anthropologie culturelle, Université de Bologne)
  • Sara Berry (Professeur au Center for African Studies, John Hopkins University, Baltimore)

17h30 – 18h Pause café

18h – 19h30

Atelier III : Côte d’Ivoire, 1994-2013 : une citoyenneté de papier

Président : Laurent Fourchard (Professeur au Centre d'Etude d'Afrique Noire Institut d'Etudes Politiques de Bordeaux)

  • avec Richard Banégas (CERI/Fondation Nationale des Sciences Politiques, Paris),
  • Dino Cutolo (Chercheur en Anthropologie, Université de Sienne)
  • et Epiphane Zoro Bi (Juriste, spécialiste des droits de l'homme, Abidjan)

Responsables scientifiques

  • Jean-François Bayart, Directeur de recherche CNRS/CERI-Sciences Po, Paris
  • Richard Banégas, CERI/Fondation Nationale des Sciences Politiques, Paris
  • Armando Cutolo, Chercheur en Anthropologie, Université de Sienne

Avec le concours de : FASOPO, Sciences Po, CERI/CNRS, Agence francaise du développement, France culture

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