Les États Généraux de la Bioéthique : concertation citoyenne ouverte ou instrument de légitimation de la décision savante et politique ?

          MOHORADE Leslie (2009), "Les États Généraux de la Bioéthique : concertation citoyenne ouverte ou instrument de légitimation de la décision savante et politique ?", communication aux premières journées doctorales sur la participation du public et la démocratie participative, Ecole Normale Supérieure de Lyon, 27-28 novembre 2009.

 


 

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Extrait de l'article

  Introduction   La réflexion bioéthique s’institutionnalise en France au début des années 80 avec la création du Comité Consultatif National d’Ethique (CCNE). En effet, à cette époque, l’émergence de nouvelles pratiques biomédicales invite à s’interroger sur les éventuelles limites à fixer au progrès. La réflexion collective et pluri-disciplinaire est d’emblée posée comme la condition nécessaire à un débat informé et à une délibération rationnelle. Pour cela, on fait appel à des experts : praticiens ou universitaires, spécialistes des sciences exactes ou des sciences humaines, ils constituent un nouveau groupe d’acteurs que l’on dote d’une « autorité sociale » et d'une « compétence morale ». Les lois de bioéthique, votées en 1994 et révisées en 2004, sont largement inspirées de ces avis éclairés. A leurs côtés, des représentants religieux, associatifs et politiques sont également consultés.
Cependant, l’observation de la seconde révision des lois de bioéthique en cours illustre un changement de logique. Cette fois, les citoyens sont invités à participer directement à la réflexion, par l’intermédiaire d’Etats Généraux de la Bioéthique (EGBE) organisés entre février et juin 2009. Présentés comme « un évènement démocratique sans précédent », leur objectif est d'ouvrir le débat bioéthique à l'ensemble de la société par l’intermédiaire d’une grande consultation citoyenne. La mise en place d’une conférence de citoyens, procédure consultative sollicitant la participation de citoyens profanes, constitue l’apogée de cette nouvelle perspective.
La présente intervention propose de s’interroger sur l’origine, la forme et les conséquences de cette apparente démocratisation de la réflexion bioéthique. En effet, comment expliquer l’ouverture de la bioéthique aux citoyens, alors même que cette dernière est fondée depuis ses origines sur la légitimité d’un savoir expert objectif et informé (I) ? Quels sont le rôle et la place occupés respectivement par l’expert et le citoyen au sein de cette procédure (II) ? Un travail de terrain mené depuis fin 2008 (lecture de la presse et des avis experts, visionnage des auditions, observation directe des débats citoyens et de l’ensemble des EGBE) permettra de proposer des hypothèses et de soulever des interrogations sur la mise en place et l’utilisation de cette consultation.  

Plan de l'article


Les EGBE, illustration d’un changement de perspective dans la réflexion bioéthique
  • De la délibération experte à la participation citoyenne ?
    - Le paradigme de l’expertise
    - Le tournant participatif
  • La conférence de citoyens des EGBE : collaboration et confrontation entre experts et citoyens
    - La conférence de citoyens des EGBE
    - La conférence de citoyens, du particulier à l’universel, du profane à l’expert
Les EGBE, une consécration de la parole citoyenne ?
  • Une concertation « participative » ?
    - Le public
    - Le panel
  • Le citoyen panéliste : entre profane et expert
    - Réflexion sur l’opposition profane/expert
    - La conférence, outil de légitimation ?
Conclusion