Les enjeux de la participation.


Les enjeux de la participation   I  Le conformisme :

L'adaptation de l'homme à son environnement conditionne, dans une large mesure, son intégration, son adhésion et  son acceptabilité en tant qu'élément d'un ensemble cohérent, en interaction. L'image de l'unité, dans la diversité enrichissante, et son implication devant refléter le mode social d'acception dominante que ce soit sur le plan comportemental, d'apparence ou de convenance. Plusieurs cadres déterminants en tracent les limites partant de l'ordre social prévalant.

1-L'ordre social :

L'organisation de la société partant de la famille, la position de l'individu, son rôle, son statut, ses affinités définissent les rapports dans le groupe social.

La hiérarchisation : tout groupe social répond à un ordre de compétence de responsabilisation quant à son fonctionnement. La répartition des tâches répond aux caractéristiques, aux qualifications et aux qualités des membres du groupe.

La catégorisation fonctionnelle délimite le rôle de l'individu dans le groupe social. Alors que l'identification marque la forme d'appartenance au niveau familial et de partage de caractéristiques génétiques, d'alliances, de dépendance ou d'engagement.

Les statuts constituent les règles d'organisation et de fonctionnement, d'appartenance et de sanction des groupes d'intérêt politique, économique, social et  commercial. L'adhésion au groupe en détermine les obligations et les droits individuels et collectifs convenus ou contractuels de fonctionnement du groupe. Des contraintes de compétence, de complémentarité s'imposent, par nécessité, au groupe répondant à ses besoins spécifiques  soit d'une façon intrinsèque ou d'opportunités d'échanges liées aux compétences, aux aptitudes et aux dotations en facteurs de production disponibles.

La centralité de l'autorité forme le ciment et la règle d'implication de l'ordre au sein du groupe social. Autant la notion d'autorité est centrale pour la survie du groupe, l'adhésion et la contrainte en constituent le moteur et le ciment, sans lesquels le groupe se désintégre.

2- Les échelles de valeur :

Le conformisme s'attache à des échelles de valeurs du groupe participant à une harmonie des rapports à l'intérieur du groupe social. Celles-ci diffèrent en rapport à la dimension du groupe : familial, régional, national, sociétaire et des différentes fonctions du groupe.

La cohérence entre les membres du groupe est une condition de sa survie, de sa perpétuation. La solidarité entre les membres du groupe dépend des interactions de climat des rapports allant de l'entente, la concurrence, jusqu'aux conflits.

Les compétences et l'expertise constituent une base de valeur dans les domaines des sciences appliquées. Les différents savoirs ne présentent pas moins d'autres échelles de valeurs spécialisées.

Alors que les prouesses physiques et mentales s'appliquent à l'engagement dans un groupe d'implication personnelle ou collective tel que le domaine sportif et des différentes qualités qui s'y attachent de force ou intellectuelle se basant sur la réflexion, la  mémoire, la déduction et l'imagination.

La bravoure, le don de soi, la générosité, l'équité, l'honnêteté, la probité, la beauté, la force constituent des repères de valeurs nécessaires selon le domaine correspondant.

La créativité est de tout apport dans les domaines artistiques et de maîtrise technique et scientifique formant la valeur d'appréciation de l'implication de l'individu dans le groupe.

3- Les sanctions et récompenses : 

L'intégration et l'identification de l'individu au groupe s'opèrent   par  l'adhésion à l'ordre social et ses échelles de valeurs.

L'inadaptation occasionne des tensions préjudiciables à l'élément et au groupe ne permettant ni l'émancipation individuelle ni la réalisation des objectifs du groupe et sa cohésion.

Les tensions d'adaptation peuvent aboutir à la maîtrise des différences  par le groupe, dans la marge de tolérance à son maintien.

Elle peut conduire également, en cas de tensions préjudiciables au bon fonctionnement du groupe soit à la sanction de l'écart ou au bannissement de l'élément inadapté, si les mesures de motivation restent inopérantes, la dissolution du groupe sanctionne une rupture de cohésion de solidarité (voir la dissolution de l'URSS, consécutive à des éléments internes et la conjugaison de pressions de contingence historique). L'un des éléments de motivation se trouve les récompenses.

L'émancipation de l'individu et du groupe sanctionne son adaptation. La réalisation des aspirations individuelles et de groupe conforte son statut et forme un ciment pour sa survie et son développement.

4- La valorisation : appréciation, dépréciation :

La cohésion du groupe participe à la réalisation de l'appréciation de l'action de ses membres et de l'activité qui en émane. Par contre, toute contre performance résultant de l'inadaptation et des tensions au sein du groupe ne peut qu'entrainer une dépréciation des éléments du groupe préjudiciable à ses éléments comme au groupe, pris dans son ensemble. La dépréciation peut intéresser soit l'ordre social établi, soit les différentes échelles de valeurs.

Les contre performances peuvent impliquer l'ordre, auquel cas, une réadaptation est nécessaire pour permettre au groupe d'améliorer sa perception et son fonctionnement.

La confrontation de différents ordres sociaux occasionne une réévaluation systémique et catégorielle d'adaptation aux meilleures perceptions et rendements.

Les échelles de valeurs accompagnent souvent les ordres sociaux différents les engageant dans une réadaptation continue conforme aux règles d'évolution des groupes, tendant à pérenniser les plus dominants d'influence et d'acceptation.

5- La déformation ou l'anticonformisme :

La déformation constitue un conformisme d'opposition que ce soit à l'ordre social ou aux échelles de valeurs. L'anticonformisme est un système de transformation de remise en question, de doute, de destruction de l'ordre ante qui peut être créatif et engendrer  le développement, et le changement, ne s'accommodant guère du conformisme et aux cadres prévalant. Les mutations sociales, politiques, scientifiques et comportementales accompagnent  des mouvements violents qui s'impliquent dans cette mouvance. La régression peut sanctionner ce processus en cas de dominance de l'esprit de négation et l'absence de création. La remise en question n'aurait, dans ce cas, aucun effet de traction de progrès, mais plutôt de rétractation, régressif.

II L'intégration : l'adhésion, l'ouverture.

1- l'appropriation des valeurs:

Si les membres d'un groupe portent une identité, ses dimensions sont plus complexes : d'appartenance régionale, nationale, d'idées, de convictions et de projection de valeur.

Les dimensions maghrébine, africaine, arabe, musulmane, méditerranéenne de la Tunisie, prise pour exemple, et ses racines  de civilisation multiples à l'image des différents strates de son histoire, sa civilisation multimillénaire, vandale, numide, arabe, carthaginoise, romaine, espagnole, ottomane, française.

Les vagues d'immigration de son histoire contemporaine de russes, de grecques, d'algériens, de Libye, de marocains, de négro-africains, les rémanences des vagues de conquérants qui ont franchi ses terres, ne serait-ce que pendant la seconde guerre mondiale, ont impliqué des allemands, des italiens, des anglais, des américains, des maltais et autres qui forment la vague de fond de notre identité que l'on ne peut occulter, réduire.

L'adhésion et l'appropriation de la Tunisie de son histoire multimillénaire ne peut que renforcer sa marque d'ouverture, de tolérance, de diversité et son approche humaniste.

2- La conscience d'appartenance : 

2.1-L'autorité : ne peut s'exercer que dans un cadre organisationnel constitutionnel et légal, légitime de formation, limité d'attributions et par le contrôle.

Tout en délimitant les règles du fonctionnement, et en monopolisant l'usage de la contrainte, l'autorité implique le consensus populaire.

Tout groupe social porte une multitude de centres d'intérêts dont la protection, le partage, le développement et la défense ne peut être assurée que dans le cadre d'une autorité  dominante de contrainte ou représentative d'adhésion, de contribution, d'organisation, et d'arbitrage.

L'autorité, d'un régime démocratique, ne peut s'exercer que dans le cadre d'institutions de contrôle, d'évaluation et de sanction de son action. 

La séparation entre les fonctions d'ordonnateur et de comptable forme la base de l'ordre de gestion des ressources et des finances publiques qui peut garantir la probité et la bonne gestion de l'autorité.

Plusieurs formes d'autorités prévalent allant des bases démocratiques aux organisations despotiques. Le degré d'implication de la souveraineté du peuple conditionne l'exercice de l'autorité entre ces deux extrêmes.

 

2.2-La volonté :

L'adhésion au projet du groupe dans toutes ses dimensions, l'implication dans son fonctionnement, la contribution à sa réalisation et la défense de son cadre forme le ciment de l'engagement populaire à la cohésion et la solidarité au sein du groupe.

2.3-Le cadre d'exercice des libertés:

La morale et les valeurs universelles se placent au cœur  de l'action du groupe dans le respect du cadre légal prévalant, de ses traditions, et des libertés de croyances, de religions, d'expression et d'association de ses membres.

2.4-L'influence :

Fait appel aux sens,  l'intelligence,  la conscience, et s'applique par la persuasion, l'imitation ainsi que la contrainte. Véhiculée par plusieurs supports: la parole, l'écrit, l'image, l'exemple, les valeurs, la suggestion, l'insinuation, celle-ci opère dans un milieu de pression relationnel familial, parental, de groupe, ou d'un ensemble constitué de limite d'espace et d'obligation conventionnelle.

Les idées, principal moyen d'influence, ont souvent pavé la voie pour la diffusion des dogmes politiques et sociaux : le nazisme, le socialisme, le communisme, le capitalisme, l'esclavagisme, le racisme sont des formes de son expression; la hiérarchisation des valeurs se concluant par leur relativisation, la dominance des unes , leur coexistence ou leur élimination.

Des techniques de communication et les moyens de diffusion participent de plus en plus à la vulgarisation, le rayonnement et la dissémination des idées et des modes de vie.

Presse, télévision, radio, internet tout contribue à la libre circulation de nouvelles normes, de nouvelles formes comportementales, d'organisation politique, économique, sociale, éducationnelle, culturelle...

Les limites d'influence sont de plus en plus repoussées  par l'évolution des sciences de l'information et de la communication instrumentalisée pour servir l'individu  et le groupe social, tout en le manipulant. 

III L'insoumission

Plusieurs formes de résistance entravent la participation au groupe d'intérêt considéré, dont la plus fréquente se trouve la défiance, l’opposition et  la rébellion ; la contradiction, l'inadaptation et l'incompréhension atypiques ne constituent pas moins des entraves à la participation et à l'adhésion à l'action du groupe et au partage de ses valeurs.

IV Le dialogue et la concertation

La réceptivité : est l'élément central du dialogue et de la concertation, l'esprit d'exclusion, de clan, de parti, de dogme, de race, de classe, de tribu, de région, de nation forme un cloisonnement de positionnement, qui n'implique l'autre que dans une relation de concurrence, d'influence et de dominance.

La spécialisation et l'expertise délimitent la communicabilité au sein des groupes de compétences, un jargon spécifique détermine le domaine intéressé.

L'expression de communication peut avoir plusieurs supports, visuels, sensoriels, matériels et immatériels et se développe compte tenu de moyens techniques spécifiques aux espaces et aux distances.

La fiabilité de l'interlocuteur: est l'un des éléments conditionnant la réceptivité et la communicabilité, la suspicion et la méfiance entravant souvent le dialogue et la concertation notamment entre des unités et des groupes en concurrence ou en opposition.

La compétence de spécialisation détermine l'efficience, l'ascendant et le degré d'influence de l'orateur. L'interaction, la cohérence, la compétence,  et la spécialisation déterminent les limites des possibilités d'échange d'information et de conseil.

V La confrontation

l'opposition, le sectarisme, l’irrédentisme, le cloisonnement,  la mobilisation,  le dogmatisme, l'idéologie, et les convictions ont souvent constitué des facteurs entravant le dialogue et favorisant plus la concurrence et les belligérances  l’exclusion de l’autre que la concertation et les échanges(les guerres et les rebellions en sont l'une des illustrations, et l'expression des antagonismes irréductibles d'intérêt et de portée agressive).

VI  La création :

La participation est l'une des formes d'implication citoyenne de l'individu caractérisant l'organisation démocratique du groupe, alors que la création est le fait de contributeurs de talent, touchant tous les domaines des arts, de la culture, des sciences et des techniques qui concernent les besoins matériels, spirituels et vitaux du groupe.

Le design, la mode en sont l'une de ses expressions.

L'évolution et le développement  dépendent largement de la création de biens, services, normes, concepts et de leurs applications diverses.

Si les découvertes ouvrent la voie pour lever le voile sur l'une des forces que recèle la nature, le développement des applications est intimement lié à la création. Ainsi, la découverte du laser a ouvert la voie à plusieurs applications allant des domaines de la chirurgie en médecine à l'armement. Il en est de même des différentes sources d'énergie solaire, éolienne, nucléaire, électrique. Les domaines de l'audiovisuel, de l'automobile, de l'électroménager sont là pour concrétiser l'ouverture illimitée de la création au service  de l'homme et de son épanouissement et pour contribuer à l'amélioration du cadre de vie et de travail à l'intérieur du groupe social.

VII La participation 

Un projet commun de conscience,  d'idées, de création, de commerce. Un intérêt commun de rencontre, positif (de finalité constructive) ou négatif ( antisocial, de destruction), le partage, le don, la communication, la réception, l’implication, l’adhésion sociale : économique, politique, culturelle,  de civilisation, humanitaire sont  au centre de la question de la participation.

Les révolutions du printemps arabe ont mis à nu les dissensions, les divergences, les frictions, l'explosion sociale que le défaut de participation et de communication a engendré aux niveaux social et national, les antagonismes d'intérêts ne forment pas moins la toile de fond de ces revendications de liberté, dignité, travail ont fait éclater des manifestations sociales et matérielles, sectaires, corporatistes, dévaluant la portée morale du soulèvement. 

Une plus grande implication citoyenne reste le cœur de la responsabilisation collective par le dialogue, les échanges, la participation.

Le régime républicain se base sur le principe de la souveraineté du peuple, de même que, dans une certaine mesure, dans  les monarchies constitutionnelles, qui ambitionnent à marquer leur organisation par l'adhésion la plus large possible du peuple.

L'"assujettisation" du peuple, par l'artifice de la souveraineté nationale, dans le concert des nations et la notion de gouvernement central dépositaire de la volonté nationale, en tant que pouvoir exécutif, de la direction du pays et de ses organes, en gestion personnifiée et despotique, en l'absence du dialogue et de la concertation, ainsi que la représentation parlementaire à mono dominance, sans contre pouvoir ni organes de contrôle, ne peut conduire qu'à l'abus de pouvoir, l'absolutisme et la dictature. 

La crise de pouvoir remet à l'avant la question de la participation populaire et la nécessité de concilier le principe central  définissant la gestion démocratique comme étant "le gouvernement du peuple, par le peuple, au service du peuple", place la question de la participation au cœur de la préoccupation de la démocratisation du système et de la mise en évidence de son corollaire au niveau du statut social du peuple la citoyenneté.

La souveraineté populaire ne pourrait être conçue que par le placement du citoyen au centre du pouvoir devant assurer ses besoins et conforter son statut, le servir, considérant le peuple en tant que moteur et finalité du pouvoir.

La participation implique le citoyen dans la gestion commune, sociale de la cité. Au niveau politique, les citoyens sont organisés en partis politiques, et en plusieurs organisations de la société civile.

Autant la communauté appelle la mise à contribution citoyenne, sa valorisation, sa formation, son éducation, l'amélioration de ses conditions de logement, d'alimentation, de santé, de dignité, la protection de ses droits et intérêts sont gérés dans le cadre de programmes mettant à contribution le citoyen, dans leur définition, leur application, leur contrôle, leur gestion, leur ajustement et révision, ainsi que leur développement.

A cette fin, l'information du citoyen occupe une place de choix dans le système. L'organisation de la société visant l'élargissement de la contribution citoyenne appelle le développement des cadres de participation et d'expression de ses membres.

La formation de compétences spécialisées et de maitrise dans tous les domaines est le moyen de leur implication dans le développement des programmes spécifiques de gestion de la cité.

Le développement des moyens de communication et d'échanges, les techniques de participation seront au centre des préoccupations pour une plus grande mobilisation citoyenne.

Les cadres de participation permettront d'améliorer la responsabilisation citoyenne face aux systèmes représentatifs mandataires, par le suivi et le contrôle, appelant une plus grande ouverture et un dialogue permanent constructif.

L'implication citoyenne dans tous les domaines par l'élargissement de la participation engage la responsabilisation de toute la communauté quant aux résultats de l'action, permettront une révision et un ajustement des programmes développés et d'éviter la remise en question brusques, par la rébellion, des organes de représentation classiques.

Le système de participation devrait engager une représentativité institutionnelle plus souple permettant la remise en question non seulement des programmes mais également des équipes chargées de leur mise en œuvre et la possibilité de leur remplacement si nécessaire.

Le système de rotation et de réduction au cadre annuel des mandats représentatifs des instances exécutives et de direction législative(le système de votation et de participation Suisse en présente un exemple), tout en développant les moyens et organes de contrôle spécifiques de spécialisation, donnera une plus grande efficacité et efficience à l'intervention citoyenne, la participation valorisante du membre et de la communauté en l'impliquant dans la gestion et le développement de sa Cité, sa pérennité.

ABDELAZIZ BABACHEIKH

                                                                                       

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