Le tournant délibératif : Bilan, critiques, perspectives

 

            

 

 

Objectif du colloque

 

Ce colloque se propose de faire un premier bilan des recherches suscitées en sciences sociales et en théorie politique depuis le milieu des années 1980 par l'idée de "démocratie délibérative". Cet intérêt pour la délibération, parti de la philosophie politique normative, a progressivement touché d’autres disciplines (sociologie des institutions politiques, sociologie de l’action collective, sciences de l’information et de la communication, sociologie des sciences et des techniques, sciences de l’argumentation, sociologie de l’action publique…) où se sont multipliés les recherches de terrain et les questionnements, souvent critiques, des cadres théoriques initiaux.

Comment rendre compte, rétrospectivement, de ce "tournant délibératif" des sciences sociales ? Quelles en ont été les principales avancées et les principales limites ? Quels programmes de recherche originaux a-t-il inspiré ? De quels décloisonnements disciplinaires est-il porteur ? La réflexion sur la délibération démocratique peut-elle encore se projeter dans des directions nouvelles ou bien est-on arrivé à saturation d’un programme de recherche ? Telles sont les questions qui sous-tendent et justifient l’organisation de ce colloque résolument interdisciplinaire, le premier du genre dans un contexte de recherche francophone.

Problématique du colloque

Le "tournant délibératif" désigne le développement, à partir des années 1980, de théories normatives de la légitimité démocratique. En rupture avec les modèles agrégatifs comme avec les modèles fusionnels de la légitimité démocratique, les théories de la démocratie délibérative ont proposé de faire de la délibération publique le pivot d’une nouvelle articulation entre bien commun, justification et légitimité. La démocratie délibérative a d’emblée suscité l’intérêt des philosophes et des théoriciens du politique. Elle a donné lieu à un ensemble de débats portant sur la formulation de l'idéal délibératif et confrontant diverses déclinaisons de la démocratie participative. Ces débats ont fait apparaître de nouvelles lignes de partage, entre procéduralistes et substantialistes, puis entre les défenseurs d’un procéduralisme épistémique et les tenants d’un procéduralisme de l’équité, entre les partisans d’une approche fondationnaliste et ceux qui adoptent une optique plus pragmatiste, etc.

Parallèlement, des problématiques mettant en cause le cadre même de la démocratie délibératives se sont imposées. Dans une optique critique, certains théoriciens, s’appuyant notamment sur des travaux historiques ou de sciences sociales, ont pointé la dimension intellectualiste voire irréaliste des modèles délibératifs rationalistes "standard". L’étroitesse des normes délibératives et le primat accordé à l’argumentation ont même pu être perçus comme des vecteurs potentiels d’exclusion, tandis que des travaux sociologiques inspirés du pragmatisme mettaient en avant une autre manière de thématiser la constitution d’arènes publiques dialogiques. De façon plus radicale encore, d’autres critiques ont dénoncé le consensualisme des optiques délibératives pour leur substituer une conception agonistique de la démocratie. Les débats se sont dès lors notamment concentrés sur la possibilité et les modalités d’un éventuel élargissement des normes de la délibération ainsi que d’une articulation plus satisfaisante entre délibération et contestation. Corrélativement, il s’est agi de développer une réflexion sur les frontières entre délibération et conversation ordinaire et sur l’opportunité du développement d’optiques concevant la délibération de façon moins formelle et institutionnelle. Il s’est également agi dès lors d’aborder à nouveaux frais la question des "lieux"de la délibération (quels rapports entre Etat et société civile ? pluralité versus unité de l’espace public ?).

Ces débats ont permis de multiplier les interactions entre la théorie de la démocratie délibérative et de nombreux autres aspects de la théorie politique et des sciences sociales. Les débats sur la démocratie délibérative ont ainsi pu voir se creuser un certain fossé entre une réflexion philosophique centrée sur les modèles délibératifs et les études sociologiques ou historiques fondées sur des processus délibératifs concrets. Cependant, les théories de la démocratie délibérative ont également suscité, dans une optique plus pragmatique, des débats mettant en question la possibilité et les conditions de réalisation de l'idéal délibératif dans le contexte de sociétés complexes et pluralistes. Ces débats sont allés de pair avec le développement croissant d’approches plus descriptives que normatives, centrées sur les enjeux institutionnels de mise en œuvre des dispositifs et des processus délibératifs, avec la volonté d’en apporter un éclairage réaliste et pragmatique. Cela est notamment allé de pair avec une montée en puissance de réflexions sur l’ "ingénierie délibérative".

L’objectif de ce colloque est de prendre en compte l’ensemble de ces débats afin de s’atteler à l’établissement d’un bilan critique du "tournant délibératif", dont il s’agira d’étudier les enjeux et d’évaluer l’apport dans une optique pluridisciplinaire.

 

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Comité Scientifique

 

 

 

 

  • Loïc Blondiaux, Professeur de science politique, Université Paris 1, CESSP.
  • Bernard Manin, Directeur d’études à l’EHESS, CESPRA.
  • Charles Girard, Post-doctorant en philosophie, Université Paris 1, Nosophi.
  • Florence Haegel, Directrice de recherche en science politique, Centre d'Etudes Européennes de Sciences-Po.
  • Stéphane Haber, Professeur de philosophie, Université Paris Ouest, Sophiapol.
  • Alice Le Goff, Maître de conférences en philosophie sociale, Université Paris V.
  • Philippe Urfalino, Directeur de recherches au CNRS et directeur d’études à EHESS, CESPRA.
  • Yves Sintomer, Professeur de science politique, Université Paris 8 – Saint-Denis, CRESPPA.
  • Julien Talpin, Post-doctorant, CRESPPA, CESSP.
  • Samuel Hayat, Doctorant en science politique, Université Paris 8 – Saint-Denis, LabTop.

 

 

 

Secrétariat scientifique : Samuel Hayat

 

Communication : Isabelle Rocca (AFSP) et Eric Pautard (GIS D&P)

 

 

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