Le référendum : au nom de la démocratie ?

Sommaire du n° 20 (1/2018) paru en juillet 2018

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Dossier

Le référendum : au nom de la démocratie ?

Dossier coordonné par Laurence Morel et Marion Paoletti

Laurence Morel et Marion Paoletti, « Introduction. Référendums, délibération, démocratie », Page 7 à 28

Pierre-Étienne Vandamme, « Des référendums plus délibératifs ? Les atouts du vote justifié », Page 29 à 52

Laurence Morel, « Référendum et volonté populaire : la critique démocratique du référendum », Page 53 à 84

Raùl Magni-Berton, « Référendum local d’initiative populaire. Récit d’une première expérience en France », Page 85 à 110

Dimitra Milioni, Lia-Paschalia Spyridou, Vasiliki Triga et Xavier Blandin, « Cadrages médiatiques de la consultation grecque sur le plan d’aide européen : le référendum cause ou solution de la crise ? », Page 111 à 142

Stefan Vospernik et Xavier Blandin, « Accord parfait ? Référendums et démocratie consensuelle en Europe », Page 143 à 170

Varia

Julie Riegel, « Le dialogue territorial au risque de l’écologie ? Traces et effets d’une concertation entre aménagements hydrauliques et restauration écologique », Page 173 à 198

Lecture critique

Arnaud Trenta, « Mouvements sociaux, gouvernements progressistes et rapports à l’économie dans l’Argentine post-néolibérale (2000-2017) », Page 201 à 216

Présentation du numéro

Le mouvement vers la participation qui caractérise bon nombre de démocraties depuis quelques décennies, mouvement à la fois théorique et pratique, ignore, du moins pour son versant intellectuel, le référendum. Sans doute faut-il voir dans cette relative indifférence une appétence du courant participationniste pour la délibération, voire une manifestation des effets analgésiques du paradigme de la délibération sur ce courant (Hayat, 2011). Chez les théoriciens de la délibération, il est entendu en effet que le référendum est antithétique avec la délibération. Ainsi, s’ils sont nombreux à se pencher sur les assemblées citoyennes ou autres mini-publics, peu de travaux sont consacrés aux référendums. Pour preuve, depuis sa création en 2011, la revue Participations n’avait pas encore consacré de dossier à cet instrument, incontournable, de participation.

Incontournable, car le référendum demeure à ce jour le seul outil participatif qui associe les fonctions de participation et de décision, dès lors que le vote lui est inhérent – peu importe à ce stade qu’il ait ou non une portée décisionnelle –, tandis que les autres outils ont tendance à dissocier la participation (aux débats) de la décision. La participation, si elle n’atteint pas toujours des sommets, y est en outre infiniment plus élevée que dans les autres procédures participatives et le vote, soutenu par l’évidence persistante du principe majoritaire dans les démocraties contemporaines, lui confère cette capacité inégalable à produire de la légitimité.

Mais incontournable, surtout, car on assiste dans la plupart des pays européens à une recrudescence des référendums, au niveau national et encore plus au plan local. La vitalité pratique du référendum contraste avec le peu d’intérêt qu’il suscite chez les chercheurs. Ce mouvement s’accompagne d’un développement du droit référendaire, qui accroît les possibilités de référendums et régule mieux leur pratique. Un certain « désir » de référendum se manifeste en politique ou dans la société, avec par exemple la promotion régulière de demandes de consultation sur différents sujets par des groupes de citoyens ou de pression, ou par des partis politiques. La dernière campagne présidentielle française a bien témoigné de cette « référendomania », avec des candidats qui rivalisaient en annonces de futurs référendums, à gauche comme à droite, et cinq se prononçant en faveur de l’initiative populaire.

N’en déplaise aux théoriciens de la démocratie, le référendum apparaît ainsi comme un mauvais génie qui refuse de rester emprisonné dans la boîte fermée dans laquelle certains voudraient le maintenir. Tout devrait concourir à le placer au centre des travaux sur la participation, et pourtant ce n’est pas le cas. Ce numéro de Participations cherche à comprendre les raisons d’une telle mise à l’écart dans le champ des idées : d’abord, celle d’une crainte d’un fonctionnement supposé incompatible avec les attendus de la délibération, qui est aussi l’objet de cette introduction. Cette incompatibilité a sans doute été exagérée, et des pistes de mise en (plus grande) compatibilité du référendum et de la délibération existent, comme celle, convaincante, dessinée dans ce numéro par Pierre-Étienne Vandamme. Ensuite, la crainte des usages populistes du procédé, qui se situe dans une critique plus large et déclinée sous plusieurs angles « au nom de la démocratie », analysée ici par Laurence Morel.

Mais, comme chaque expérience référendaire est unique et qu’il est impossible d’analyser les effets indépendamment de la pratique, toujours localisée et contextualisée, une grande part de ce numéro est consacrée à des études empiriques. D’abord au niveau local, à Grenoble, ville dont l’expérience référendaire met en évidence, par contraste avec d’autres démocraties européennes, le cadre législatif français particulièrement contraint (voir l’article de Raul Magni- Berton). Puis à travers une étude macroscopique de 222 référendums tenus dans 21 États membres de l’Union européenne entre 1990 et 2016 (voir l’article de Stefan Vospernik). Enfin, par la prise en compte du cadrage médiatique lors d’une campagne référendaire, en l’occurrence du référendum grec de 2015 étudiée ici par Vicky Triga et ses coautrices. Il s’agit donc bien prioritairement d’examiner les critiques dont est l’objet le référendum, mais aussi, en situation, les effets qu’il produit sur les démocraties.