Journée d’Étude conjointe réseau EJJE (Environmental Justice/ Justice Environnementale) 
et axe 2 du GIS Démocratie et Participation 
"Écologiser la démocratie, démocratiser l’écologie"

Coorganisée par Renda Belmallem, Paula Cossart, Nadège Degbelo, Valérie Deldrève, Jean-Michel Fourniau, Patrice Melé, Héloïse Nez et Cyrielle Vaillant

La journée d’étude "La reconnaissance des écologies populaires. Vers une démocratisation de l’écologie ?", co-organisée par le réseau EJJE (Environmental Justice/ Justice environnementale) et l’axe 2 du GIS Démocratie et Participation "Écologiser la démocratie, démocratiser l’écologie", se tiendra le 16 janvier 2025 en présentiel à la MSH Paris-Nord

Entrée libre sur inscription : Sondage - Inscription à la journée d'étude EJJE/GIS D&P - Framadate.

Le programme et le texte de présentation de la journée sont téléchargeables via le lien suivant : JE-Ecologiespop_EJJE-GISDP2025.


PRESENTATION

La littérature en sciences sociales, et plus largement dans le champ de la justice environnementale, a mis en évidence les effets délétères d’un cadrage occidental élitaire des préoccupations écologiques, ainsi que la pluralité des rapports à l’environnement selon les régions du monde, pays et groupes sociaux. Elle acte alors l’existence d’un écologisme des pauvres ou de subsistance dans les « Suds », fondé sur la défense de la terre, de l’eau, de la forêt… contre les pratiques extractivistes (Martinez-Alier, 2014 ; Naoufal, 2016). Elle acte simultanément celle d’un écologisme populaire voire ouvrier, manifeste dans les luttes menées par les organisations de travailleurs et travailleuses contre les risques sanitaires et environnementaux produits par le développement des activités industrielles dans le monde (Rector, 2014 ; Barca, 2015 ; Corral Broto, 2015). 

La notion d’écologie populaire gagne en popularité depuis quelques années, y compris en France où elle est portée tant dans le champ militant (Ouassak, 2023) qu’académique (Comby et Malier, 2021 ; Belmallem, 2021 ; Billen, 2023). Face aux conceptions de l’écologie et aux politiques de transition dominantes qui visent à réformer les gestes du quotidien notamment dans les quartiers populaires, un tel usage permet de mettre en visibilité les préoccupations environnementales des habitant.es et de requalifier leurs pratiques de consommation stigmatisées malgré un impact environnemental bien moindre que celui des populations aisées (Pye et al., 2008). C’est également face à une autre mesure de transition énergétique (la taxe carbone) que des chercheur.es mobilisent la notion d’écologie populaire pour battre en brèche l’idée d’une absence de « concernement » pour la soutenabilité, prêtée au mouvement des Gilets Jaunes, et interpréter leur opposition à la taxe carbone au regard des injustices sociales environnementales subies (Levain et al., 2022). Les effets inégalitaires de la répartition sociale de l’effort demandé par les politiques publiques ne se limitent pas à celle de la transition énergétique, mais caractérisent également les politiques de l’eau et de la biodiversité en France hexagonale et ultramarine (Deldrève, Candau et Noûs, 2021). Parler d’écologie populaire dans ce cadre signifie reconnaître la diversité des pratiques de la « nature », des connaissances et des attachements, occultées par les injonctions normatives au « bon usage de la nature » des politiques de conservation de la biodiversité. Cette perspective souligne aussi l’absence de prise en compte de cette diversité, voire son déni/effacement. 

Dans le cas des « Suds », des territoires ultramarins ou encore dans celui des quartiers populaires de l’Hexagone, l’écologie populaire est une écologie qui s’articule à l’histoire de la racialisation des populations sur ces espaces (Keucheyan, 2015). Sa pleine reconnaissance réclame une approche qui se veut décoloniale (Ferdinand, 2019 ; Thiann-Bo Morel, en cours), antiraciste et intersectionnelle. Souvent liée au contexte de travail et à une histoire ouvrière, cette écologie peut aussi être celle de fractions de classe, celle des statuts les plus précaires et des emplois les plus exposés aux risques (Diaw, 2024). Dans tous les cas, elle ne peut être que plurielle, son unité reposant sur le décloisonnement des luttes sociales et écologiques et sur une transformation des perspectives d’imbrications du social et de l’écologique. 

Les controverses, qui traversent cette reconnaissance, se cristallisent notamment sur la terminologie appropriée : « écologisme » ou « environnementalisme » ; « populaire », « sociale », « des pauvres » ou « ouvrier », ainsi que sur le rapport au champ politique qu’elle sous-tend. Si les conditions matérielles d’existence façonnent les préoccupations environnementales des classes populaires et communautés, aux « Nords » comme aux « Suds », si leurs préoccupations environnementales et sociales s’entremêlent étroitement, quelle serait la spécificité sociale ou populaire d’une forme d’écologie politique (Bookchine, 1993 ; Lejeune, 2023) ? A contrario si la reconnaissance d’une ou des écologies populaires émane d’une critique des inégalités sociales et environnementales et d’un cadrage trop étroit ou inapproprié de ce qui relève de l’écologie, faut-il considérer les préoccupations environnementales comme une constante inhérente aux modes de vie des plus pauvres ou est-ce imposer une grille de lecture qui ne peut faire sens dans toutes les configurations ? Enfin, ces préoccupations sont-elles uniquement le produit de contraintes matérielles quotidiennes ? Lorsqu’elles s’inscrivent dans une critique plus globale de la société ou du capitalisme, de quelles valeurs et utopies alternatives sont-elles alors porteuses ? 

Cette journée d’étude se focalise sur ces questionnements relatifs à la portée politique des écologies populaires. Ils embrassent le sens qu’on leur prête mais aussi, et en conséquence, les implications de leur reconnaissance sur l’écologie. En quoi cette reconnaissance contribue-t-elle à démocratiser l’écologie et comment cela se traduit-il (ou non) dans les institutions (Claeys et Jacqué, 2012) ? Quelle articulation de ces enjeux avec des formes de décolonisations de l’écologie ? Si une telle reconnaissance bénéficie du travail des organisations syndicales (Bécot, 2015 ; Stevis, 2021) et du développement des mouvements socio-écologistes (Grisoni et Nemoz, 2017) ou de justice climatique et environnementale (Lajarthe et Laigle, 2024 ; Coolsaet et Deldrève, 2023), elle est aussi portée pour partie par certaines institutions publiques. En effet, face aux limites de leurs dispositifs participatifs, la question de l’inclusion des classes populaires racisées et de la reconnaissance de leurs droits, attachements et connaissances ont été mises à l’agenda. La Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la 3 biodiversité et les services écosystémiques (IPBES)2 ou encore le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) ont indiqué une voie au profit de l’association à la construction des connaissances et des accords des communautés autochtones et locales (Nachet, 2021). Pour autant, fruit de décennies de luttes sur les scènes internationales, cette reconnaissance se limite souvent à une conception onusienne ou restreinte de l’autochtonie (Bouet, 2016), qui ne remet jamais en cause la construction socio-politique des « vieilles nations » européennes. Cette perspective homogénéise autant les territoires des « Suds » que ceux des « Nords », notamment ruraux ou des quartiers populaires, qui font l’objet d’une histoire de colonisation intérieure et de formes de violence environnementale. Comment dès lors ouvrir d’autres voies ? A quelles formes de représentations politiques, de participation « en tant que pair » (Fraser, 2011) peut conduire la reconnaissance des écologies populaires ? Quelles scènes ou encore quels cadres institutionnels utiliser ou inventer dans un contexte national et international peu propice à l’expression de la critique et de la contestation sociale et écologique, surtout lorsqu’elle contient en germe une remise en question de l’Etat-Nation ? Quelles forces politiques sont mobilisées ou mobilisables sur ces questions ? Enfin, quels contre-mouvements cette reconnaissance génère-t-elle ou est-elle susceptible de générer ?