La participation profane dans les programmes de lutte contre le sida au Cambodge

Thèse de doctorat

 

Anthropologie d'une norme globalisée.
La participation profane dans les programmes
de lutte contre le sida au Cambodge


Eve Bureau

 
Depuis l’arrivée massive de l’aide internationale dans les années 1990, les Cambodgiens évoluent dans un environnement social mondialisé, composé d’un vaste réseau d’acteurs issus d’horizons socioculturels diversifiés. Des systèmes de référence, des manières de faire et de penser hétéroclites cohabitent et s’enchevêtrent. La thèse se concentre sur l’étude d’une norme globalisée appréhendée comme une porte d’entrée pour mieux cerner les mécanismes d’imbrication entre le global et le local. Aujourd’hui, rares sont les programmes de lutte contre l’épidémie à VIH qui n’impliquent pas les usagers pour la mise en œuvre des activités les concernant et la discussion des choix collectifs. La participation profane est devenue une norme globalisée promue par l’ensemble des institutions de lutte contre le sida. Une fois définit le caractère collectivement partagé des règles qui composent cette norme, un éclairage de ses usages et de ses significations locales dans le contexte du Cambodge est effectué. La participation repose sur des principes de partage des savoirs, de répartition des pouvoirs, de valorisation des profanes et de démocratisation des processus de prise de décision qui se concrétisent difficilement au Cambodge. Depuis l’expansion de cette norme, les acteurs profanes sont impliqués massivement à tous les niveaux du parcours de soins sur la plus grande partie du territoire, cependant ils endossent principalement des rôles d’exécutants. Dès qu’il est question d’exercer une influence sur les décisions publiques, un double mécanisme de rejet de la norme se met en place. D’un côté des acteurs profanes sont réticents à s’imposer comme des personnes de pouvoir, à même de débattre ouvertement dans l’arène publique, de l’autre la majorité des élites qui décident et implantent les actions de développement contrôlent la participation et « ensablent » les voix des profanes. Pour une pléthore d’acteurs, les principes de hiérarchie et de non contestation qui caractérisent la société cambodgienne entrent en contradiction avec les principes et valeurs inhérents à la participation. La norme est reformulée en fonction du contexte structurel et sociohistorique du Cambodge. Elle prend une toute autre forme, parfois contraire à son but initial.



 

 
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