La nature est un champ de bataille
Razmig Keucheyan, "La nature est un champ de bataille", La Découverte, 2014
Présentation de l'éditeur:
Razmig Keucheyan est docteur en sociologie et maître de conférences à l'université de Paris-IV-Sorbonne. Il est l'auteur de Constructivsme. Des origines à nos jours (Hermann, 2007) , d'une anthologie des Cahiers de prison d'Antonio Gramsci, Guerre de mouvement et guerre de position (La Fabrique, 2012) ainsi que de Hémisphère gauche, cartographie des nouvelles pensées critiques, Zones/La Découverte, 2013, 2eéd.
Face à la catastrophe écologique annoncée, les bonnes âmes appellent l’humanité à « dépasser ses divisions » pour s’unir dans un « pacte écologique ». Cet essai s’attaque à cette idée reçue. Il n’y aura pas de consensus environnemental. Loin d’effacer les antagonismes existants, la crise écologique se greffe au contraire à eux pour les porter à incandescence. Soit la localisation des décharges toxiques aux États-Unis : si vous voulez savoir où un stock de déchets donné a le plus de chances d’être enfoui, demandez-vous où vivent les Noirs, les Hispaniques, les Amérindiens et autres minorités raciales. Interrogez-vous par la même occasion sur le lieu où se trouvent les quartiers pauvres… Ce « racisme environnemental » qui joue à l’échelle d’un pays vaut aussi à celle du monde.
« Marchés carbone », « droits à polluer », « dérivés climatiques », « obligations catastrophe » : on assiste à une prolifération des produits financiers « branchés » sur la nature. Faute de s’attaquer à la racine du problème, la stratégie néolibérale choisit de financiariser l’assurance des risques climatiques. C’est l’essor de la « finance environnementale » comme réponse capitaliste à la crise.
Surcroît de catastrophes naturelles, raréfaction de certaines ressources, crises alimentaires, déstabilisation des pôles et des océans, « réfugiés climatiques » par dizaine de millions à l’horizon 2050… Autant de facteurs qui annoncent des conflits armés d’un nouveau genre, auxquels se préparent aujourd’hui les militaires occidentaux. Fini la guerre froide, bienvenue aux « guerres vertes ». De La Nouvelle-Orléans au glacier Siachen en passant par la banquise de l’Arctique, l’auteur explore les lieux marquants de cette nouvelle « géostratégie du climat ».
Cet essai novateur de théorie politique fournit une grille de lecture originale et critique, indispensable pour saisir les enjeux de la crise écologique actuelle. À travers l’exposition édifiante des scénarios capitalistes face au désastre environnemental, il fait œuvre – salutaire – de futurologie critique.
Sommaire:
Introduction
I / Racisme environnemental
- Un événement philosophique
- La couleur de l’écologie
- L’ouragan Katrina comme « métaphore » du racisme environnemental
- La spatialité du racisme
- Saturnisme et lutte des classes
- Postcolonialisme et crise environnementale : le conflit au Darfour
- Les inégalités écologiques : une approche marxiste
- Archéologie du racisme environnemental
- Race et reboisement
- Purifier la nature…
- …et naturaliser la race
- Exporter l’environnement
- L’écologie politique qui vient
- Conclusion
II / Financiariser la nature : l'assurance des risques climatiques
- Des marchés financiers « branchés » sur la nature
- Principes de l’assurance
- Des nouveaux risques ?
- Ontologie de la catastrophe
- Risque et postmodernité
- Les aventures de l’assurabilité
- Cat Bonds, ou les obligations catastrophe
- La nature comme « abstraction réelle »
- Marchés carbone et développement inégal
- Construire des marchés profitables
- Une obligation « multi-cat » au Mexique
- Crise écologique et crise fiscale de l’État
- Une nature dérivée
- La nature comme stratégie d’accumulation
- Conclusion
III / Les guerres vertes, ou la militarisation de l'écologie
- Une doctrine émergente
- Dictature bienveillante
- Spécialistes du chaos
- Terrorisme et changement climatique
- La nouvelle écologie militaire
- Conservation et contre-insurrection
- Éconationalisme
- Agent orange
- De la guerre froide aux guerres vertes
- La fin des guerres conventionnelles ?
- Double mouvement
- Réfugiés climatiques
- Dissuasion nucléaire et crise écologique
- Guerre et biocarburants
- Les océans déstabilisés
- Le partage de l’Arctique
- Pôle Nord et mondialisation
- Marchandiser la fonte des glaces
- La vitesse de circulation du capital
- Conclusion
Conclusion : fin de partie ?