La démocratie participative dans un espace non-démocratique. La participation du public comme outil de relégitimation du Parti communiste chinois
CHARON Paul (2009), "La démocratie participative dans un espace non-démocratique. La participation du public comme outil de relégitimation du Parti communiste chinois", communication aux premières journées doctorales sur la participation du public et la démocratie participative, Ecole Normale Supérieure de Lyon, 27-28 novembre 2009.
Les débats sur la démocratie participative se déploient principalement dans les Etats démocratiques. Qu’il s’agisse du budget participatif de Porto Alegre, né durant la phase de démocratisation du Brésil, ou des développements postérieurs dans les "vieilles démocraties" occidentales, la participation du public est une problématique des sociétés démocratiques. D’ailleurs, les intitulés des interventions de ce colloque témoignent de ce fait avec force. Dans ces régimes, où les principes libéraux sont largement admis, la participation est vécue comme un approfondissement de la démocratie, ou encore une "démocratisation de la démocratie". Il est en effet difficile, désormais, de concevoir une démocratie limitée uniquement aux mécanismes de la représentation et à l’acte de vote. C’est en amont et en aval que le public doit être invité à intégrer le jeu politique, en amont en participant aux délibérations, débats publics et consultations, en aval par l’intégration aux processus d’évaluation des politiques publiques. La démocratie participative serait, en quelque sorte, la mise en forme politique d’une démocratie plus vigoureuse, plus saine, plus juste, un au-delà de la représentation, forme archaïque et aristocratique de la démocratie. La démocratie participative, dotée de vertus régénératrices, serait, en somme, une réponse à la crise de la démocratie qu’affrontent les pays occidentaux depuis plusieurs années. En outre, pour une partie des courants alternatifs, elle permettrait de matérialiser l'idée selon laquelle "un autre monde est possible". La Chine offre un cas sensiblement différent, celui d’un régime qui, bien qu’introduisant des procédures participatives dans son système politique, demeure profondément autoritaire (parti unique, jouissance des libertés publiques non assurée, système concentrationnaire pas complètement démantelé…). D’emblée, une question mérite d’être posée : pourquoi un régime autoritaire décide d’introduire dans les rouages de son système politique des procédures relevant de la démocratie participative ? Autrement dit, pourquoi donner la parole au peuple quand tout le système repose sur l’interdiction de faire entendre une voix discordante ?
Je tenterai de proposer quelques pistes pour répondre à cette interrogation. Il me semble que, loin de s’inscrire dans le cadre d’une démocratisation par le bas, l’introduction de procédures de participation du public en Chine répond à une exigence de rationalisation d’un Parti-Etat qui, ayant abandonné la mobilisation révolutionnaire, ne jure plus que par la raison gestionnaire. Engagé dans une vaste campagne de relégitimation, le PCC a su saisir (nous verrons comment) l’air du temps international, pour développer un programme (encore expérimental) de "modernisation participative". Afin d’aller plus avant dans l’analyse, il me semble néanmoins nécessaire d’opérer un détour par les structures politico-administratives du système chinois de sorte que la portée des réformes en cours puisse être bien perçue.
Le cadre institutionnel chinois
La diffusion de pratiques participatives et délibératives
Le cas de Wenling
Une "modernisation participative"
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Extrait de l'article
IntroductionLes débats sur la démocratie participative se déploient principalement dans les Etats démocratiques. Qu’il s’agisse du budget participatif de Porto Alegre, né durant la phase de démocratisation du Brésil, ou des développements postérieurs dans les "vieilles démocraties" occidentales, la participation du public est une problématique des sociétés démocratiques. D’ailleurs, les intitulés des interventions de ce colloque témoignent de ce fait avec force. Dans ces régimes, où les principes libéraux sont largement admis, la participation est vécue comme un approfondissement de la démocratie, ou encore une "démocratisation de la démocratie". Il est en effet difficile, désormais, de concevoir une démocratie limitée uniquement aux mécanismes de la représentation et à l’acte de vote. C’est en amont et en aval que le public doit être invité à intégrer le jeu politique, en amont en participant aux délibérations, débats publics et consultations, en aval par l’intégration aux processus d’évaluation des politiques publiques. La démocratie participative serait, en quelque sorte, la mise en forme politique d’une démocratie plus vigoureuse, plus saine, plus juste, un au-delà de la représentation, forme archaïque et aristocratique de la démocratie. La démocratie participative, dotée de vertus régénératrices, serait, en somme, une réponse à la crise de la démocratie qu’affrontent les pays occidentaux depuis plusieurs années. En outre, pour une partie des courants alternatifs, elle permettrait de matérialiser l'idée selon laquelle "un autre monde est possible". La Chine offre un cas sensiblement différent, celui d’un régime qui, bien qu’introduisant des procédures participatives dans son système politique, demeure profondément autoritaire (parti unique, jouissance des libertés publiques non assurée, système concentrationnaire pas complètement démantelé…). D’emblée, une question mérite d’être posée : pourquoi un régime autoritaire décide d’introduire dans les rouages de son système politique des procédures relevant de la démocratie participative ? Autrement dit, pourquoi donner la parole au peuple quand tout le système repose sur l’interdiction de faire entendre une voix discordante ?
Je tenterai de proposer quelques pistes pour répondre à cette interrogation. Il me semble que, loin de s’inscrire dans le cadre d’une démocratisation par le bas, l’introduction de procédures de participation du public en Chine répond à une exigence de rationalisation d’un Parti-Etat qui, ayant abandonné la mobilisation révolutionnaire, ne jure plus que par la raison gestionnaire. Engagé dans une vaste campagne de relégitimation, le PCC a su saisir (nous verrons comment) l’air du temps international, pour développer un programme (encore expérimental) de "modernisation participative". Afin d’aller plus avant dans l’analyse, il me semble néanmoins nécessaire d’opérer un détour par les structures politico-administratives du système chinois de sorte que la portée des réformes en cours puisse être bien perçue.
Plan de l'article
Le cadre institutionnel chinois
La diffusion de pratiques participatives et délibératives
Le cas de Wenling
Une "modernisation participative"