La démocratie ouverte, ou "Open Government"

Jeudi 29 octobre s’est tenue l’Assemblée Générale du collectif Démocratie Ouverte (DO) à Paris dans les locaux du Conseil Economique et Social (CESE) en présence d’une cinquantaine de participants. DO a pour objectif de mettre en visibilité, en réseau et en action les acteurs citoyens, institutionnels et économiques qui souhaitent faire évoluer notre démocratie vers plus de transparence, de participation et de collaboration.

En plus du traditionnel bilan de ses activités, l’Assemblée Générale a été l’occasion pour le collectif d’acter la transformation de son mode de fonctionnement. Un nouveau bureau a été nommé (parmi ses membres on trouve deux personnes de l’équipe du GIS, Loïc Blondiaux et Clément Mabi). Le projet de transformer Démocratie Ouverte en fondation a également été validé. L’objet de cette fondation sera d’accompagner et de financer les initiatives de la communauté de l’innovation démocratique, cherchant à transformer le système, conformément aux missions que s’est fixé DO.
Plus largement, la richesse des échanges lors de l’AG et le dynamisme des acteurs présents invitent à proposer un bref retour critique sur l’essor que connaît actuellement en France le mouvement de la « démocratie ouverte » ou « open governement ».
 

Qu’est-ce que la démocratie ouverte ?
Dans un contexte où les observateurs sont de plus en plus nombreux à dénoncer une démocratie « en crise » (Rosanvallon) ou « malade », ses « docteurs » sont en quête d’outils pour accompagner la période de transition dans laquelle nous nous trouverions (Voir le rapport Bartolone Winok sur l’avenir des institutions). L’open governement, traduit en français par « Démocratie Ouverte » est un des schémas de gouvernance possible les plus prometteur. C’est un concept qui a pris forme aux Etats-Unis en janvier 2009, lorsque Barack Obama est entré à la Maison Blanche et a lancé son premier grand chantier : l’Open Government Initiative, un cahier des charges relevant les exigences de transparence, de participation et de collaboration des citoyens. </div>



La démocratie ouverte s’appuie sur 3 piliers :
La transparence de l’action publique : redonner confiance au citoyen, faire en sorte qu’il ait prise sur la réalité de l’action publique.
La participation des citoyens : veiller à ce qu’ils soient impliqués pour venir co-construire l’AP, débattre et donner leur avis
La collaboration : c’est-à-dire favoriser l’action décentralisée, en fonction d’un principe de subsidiarité et en fonction des besoins, en minimisant les contraintes sectorielles.

La place de plus en plus importante prise par les technologies numériques
L’une des caractéristiques du mouvement d’ouverture de la démocratie, notamment tel qu’il se déploie en France est une forte valorisation de la société civile et de son activité, en dehors du champ traditionnel des partis politiques. Le discours tenu invite à une « refonte de la démocratie » en proposant de faire évoluer les schémas de gouvernance en impliquant plus fortement, et plus directement, les citoyens grâce à l’usage de technologies numériques. On parle alors de « civic tech » pour désigner ce mouvement de plus en plus prolifique de technologies et d’applications numériques aux services de la citoyenneté.  Parmi eux, on peut citer les initiatives Parlement et Citoyens, Territoires Hautement Citoyens, Voxe.org, Questionnez Vos Elus ; DemocracyOs ou encore laprimaire.org….

Entre espoirs de démocratie directe et nouvelles médiations politiques
Ce discours sur « faire de la politique autrement » mérite d’être interrogé de manière critique afin de saisir la relation que ce mouvement tente de construire entre les institutions et les citoyens. Si beaucoup vantent un accès « direct » à l’activité politique, on peut constater l’apparition de nouveaux médiateurs, les développeurs techniques notamment, qui configurent l’accès à l’activité politique en proposant des modalités d’action à travers leurs outils. Ainsi, les citoyens ne peuvent agir qu’à travers ces nouvelles applications. L’identité et la trajectoire sociale de ces médiateurs (souvent des entrepreneurs) nécessitent d’être analysées en profondeur.
De même, la capacité de ces initiatives à transformer la démocratie mérite d’être discutée. Les travaux sur la participation politique en ligne ont souvent dénoncé un risque de « politics as usual » (la capacité du numérique à transformer la politique serait finalement limité et les pratiques qu’il autorise ne feraient que prolonger ce qui se passe « hors ligne »), qui viendrait nuancer les espoirs d’empowerment des citoyens (leur montée en compétence). Qu’en est-il des « civic tech » ? De quels leviers disposent-elles pour peser sur la décision et influencer le fonctionnement de la politique institutionnel ? Les citoyens peuvent-ils se passer d’une société civile organisée pour être actifs dans le fonctionnement de nos démocraties ? Des échanges avec des militants et des activismes d’autres secteurs (par exemple les politiques de la ville) pourraient s’avérer féconds. Il semble donc qu’après les déclarations de principes, la définition française de la démocratie ouverte reste encore à inventer. En attendant, ce type d’expérimentations démocratiques contribue à interroger les médiations politiques plus classiques.