L’opposition parlementaire en droit constitutionnel allemand et français

   

FOURMONT Alexis, L’opposition parlementaire en droit constitutionnel allemand et français, thèse de doctorat en droit public, Université Paris 2 Panthéon-Assas, 2016

 

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Résumé de la thèse

L’objet de ma thèse de doctorat a consisté à dévoiler la délicate articulation entre le droit constitutionnel et l’opposition parlementaire en Allemagne et en France. Ce phénomène représente certes une évidence intuitive et empirique de la démocratie parlementaire, mais il ne se laisse pas définir aisément, en raison de son extrême variabilité institutionnelle et comportementale. L’opposition parlementaire est susceptible de revêtir diverses formes, en raison notamment des spécificités des systèmes électoraux. Certes il existe une sorte de cas typique, figuré dans le modèle (tendanciellement et imparfaitement) bipartisan de Westminster, mais bien d’autres configurations (nettement plus complexes) surviennent régulièrement. Ainsi se peut-il qu’il n’y ait pas d’opposition, qu’elle soit fragmentée, qu’elle se matérialise sous la forme de groupes charnières, qu’elle soit larvée au sein même d’une majorité, ou bien que les oppositions soient majoritaires. Son attitude est tout aussi sujette à la fluctuation.

Intrinsèquement politique, l’opposition parlementaire relève d’abord de l’informel, puisque sa naissance et sa pratique ont passablement devancé sa reconnaissance officielle dans le droit strict. Mais elle dépend également de ce dernier aujourd’hui. Son institutionnalisation a finalement été requise, car la vocation du droit constitutionnel est de fixer des points d’appui pour le jeu politique. Cependant, la question de la juridicité d’un tel phénomène doit être posée. À cet égard, l’approche juridique est nécessairement lacunaire. Par définition, le droit strict ne saurait couvrir toutes les possibilités de configuration du fait oppositionnel, comme en témoigne l’importance des coutumes et des conventions constitutionnelles par-delà l’écrit. D’ailleurs, les logiques ayant présidé à cette « juridicisation » sont hétérogènes, puisqu’elles sont susceptibles d’être directes et symboliques, comme dans les Länder et en France depuis juillet 2008, ou bien encore indirectes et techniques, comme en Allemagne au niveau fédéral.

En retour, l’opposition parlementaire mobilise les instruments juridiques placés à sa disposition. Du reste, cette relation est équivoque, parce que de nombreuses variables déterminantes pèsent sur la concrétisation du droit. Ainsi le « rendement »1 du fait oppositionnel n’est-il pas assuré, même s’il a été codifié. De ce point de vue, si l’on songe à l’apport de la minorité opposante au travail parlementaire, son efficacité semble plus élevée en Allemagne qu’en France du fait des droits de la minorité et, surtout, d’une culture politique plus consensuelle (et ouverte à la coopération par-delà les bords politiques, du fait d’une crainte – historique - du désaccord). Par contre, la minorité opposante française paraît performante, si l’on considère son aptitude à se faire entendre dans l’espace public et, ces dernières années, à provoquer l’alternance.

À cet égard, l’opposition parlementaire semble avoir donné un nouveau souffle à l’idéal de distinction et d’articulation des pouvoirs, sans pour autant se substituer à la traditionnelle ligne de front séparant (formellement) les organes exécutifs et parlementaires. Certes la minorité parlementaire opposante représente une limite politique au pouvoir gouvernemental, puisqu’elle est un acteur du système politique pouvant éventuellement se saisir des instruments juridiques disponibles, mais elle n’est in fine que relative. Par principe, sa faculté de statuer est extrêmement résiduelle, tandis que sa faculté d’empêcher se trouve être parfois plus tangible, sans atteindre l’automaticité non plus. Quelquefois, l’opposition parvient à retarder l’action du Gouvernement et de ses soutiens par le biais de l’obstruction, sorte de « guérilla » parlementaire. Elle s’apparente alors à une limite directe, mais elle est généralement incapable de faire pièce au pouvoir majoritaire sur le seul fondement de ses propres forces, en raison des logiques partisanes, ainsi que de l’étroit enserrement juridique du parlementarisme. À cette fin, l’opposition parlementaire doit le plus souvent s’associer à d’autres institutions. Elle opère alors comme une limite indirecte, i.e. comme une sorte de relais vers des contrôles externes, du type d’un tribunal constitutionnel, ou encore d’une autre chambre.

L’examen de la « signification »2 constitutionnelle et politique de la minorité parlementaire opposante aura tendu à souligner l’infinie diversité du système de gouvernement parlementaire, tant sur le plan du droit positif que des cultures qui le soustendent, ainsi que les tensions intrinsèques du droit constitutionnel, et sa nature éminemment politique. Loin d’être purement statique, la normativité semble également receler quelque dynamique. Le droit constitutionnel ne semble pas être « un rocher normatif [immobile] dans le déferlement de la houle, mais le bois flottant dans le fleuve de la vie politique »3 . Cela m’a conduit à dépasser l’analyse littérale du droit constitutionnel et, par suite, à croiser les perspectives, en ouvrant l’analyse de l’opposition parlementaire à d’autres champs disciplinaires, comme la science politique, la philosophie, ainsi que l’histoire. Il m’est apparu opportun de chercher à comprendre les implications de la réalité sur le droit effectivement pratiqué.

 

Thèse soutenue à l’Université Paris 2 Panthéon-Assas, École doctorale Georges Vedel, le 8 juillet 2016, devant le jury suivant

Membres du Jury :

  Pierre AVRIL, Professeur émérite à l’Université Panthéon-Assas Julie BENETTI, Professeure à l’Université Paris 1 Panthéon- Sorbonne (rapporteure) Jacky HUMMEL, Professeur à l’Université Rennes-I (rapporteur) Armel LE DIVELLEC, Professeur à l’Université Panthéon-Assas, directeur de thèse Hugues PORTELLI, Professeur à l’Université Panthéon-Assas Christoph SCHÖNBERGER, Professeur à l’Université de Constance  

  • 1Au sens d’efficacité concrète. En ce sens, B. Mirkine-Guetzévitch, « Les méthodes d’étude du droit constitutionnel comparé », RIDC, Vol. 1, n° 4, p. 397.
  • 2Au sens de « rendement » et d’efficacité concrète au sein du système politique (ibid., p. 399, 415).
  • 3C. Hillgruber, cité par H. Dreier, « Integration durch Verfassung ? Rudolf Smend und die Grundrechtsdemokratie », in F. Hufen, U. Berlit et H. Dreier (dir.), Verfassungen zwischen Recht und Politik. Festchrift zum 70. Geburtstag für Hans-Peter Schneider, Nomos, 2008, p. 76.
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