Habiter et participer

COSSART Paula et LEFEBVRE Rémi (2011), Présentation de l'atelier "Habiter et participer" lors de la seconde journée doctorale sur la participation du public et la démocratie participative, Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales de Paris, 18 octobre 2011.

 

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 Présentation

 

Les quatre papiers présentés ont évidemment tous un point commun, qui est de parler du rapport entre participation et habitat. En lisant et écoutant les intervenants, ont a toutefois une illustration d’à quel point l'idéal participatif est polysémique. De fait, « participation », ici, est un mot qui signifie : parfois, le fait que des locataires soient consultés quant aux logements collectifs ; parfois, le fait que des associations soient des interlocuteurs des pouvoirs publics ; parfois, on a l’impression que participation, est un quasi-synonyme de cogestion ; parfois,  la participation, est ici une forme de coopérative ; parfois elle est presque synonyme de prise de pouvoir par des citoyens, des habitants, ou des associations les représentant ; d’autres fois, elle est un moyen de les contrôle (mais cette tension est évidemment classique quand on travaille sur la participation, et se retrouve dans bien des domaines…).

 

Il faut cependant souligner que les papiers peuvent schématiquement être rassemblés deux par deux – même si certaines de nos questions, remarques, interrogations sont en vérité largement transversales aux 4 papiers :

  1. Camille Devaux  et Annalisa Iorio, parlent surtout de ce que l’on peut appeler des expériences d’habitat participatif ;
  2. Jeanne Demoulin et Sébastien Jolis s’intéressent quant à eux à la présence de locataires dans la gestion des organismes HLM

 

Une question transversale, et importante, qui peut être posée aux quatre papiers est celle du lien – qui est loin d’être évident – entre  participation et démocratisation, ou du moins entre participation et amélioration pour tous les citoyens de la qualité de leur habitat.

  1. Dans le cas de la participation aux Offices HLM on a l’impression que la participation est souvent un trompe l’œil, une façon de « mettre au pas », de régler les problèmes de voisinage, notamment… On se demande alors qui sont ces représentants  des habitants qui participent à la gestion ? C’est quelque chose qui apparaît relativement peu dans les papiers : on a peu d’informations sur ce qui les différencie (puisque l’on suppose que quelque chose les en différencie) des habitants ordinaires. Toujours dans le cas des HLM on se demande, à la lecture, quels sont les effets de cette forme de participation (très limitée quand même) sur les habitants qui « posent problème » et qui sont aussi ceux qui « ont des problèmes »  – et qui ne doivent pas souvent  être parmi ces représentants. Bref, la question qui se pose est celle de la représentativité sociologique des situations que vous étudiez. Quels sont les groupes représentés, et le sont-ils tous ?
  2. Dans le cas de l’habitat participatif, on a aussi l’impression – qui est plus qu’une impression dans le papier d’Annalisa Iorio – qu’il est réservé à une minorité particulière : si l’on voulait être sévère envers eux, on dirait à des « bobos écolos ». Camille Devaux, vous dites que les projets ont la « volonté de s’inscrire dans une certaine sobriété environnementale » : il n’est pas certain que ce soit la préoccupation majeure de nombre d’habitants vivant en situation de sérieuse précarité… D’ailleurs, cela amène à se demander  – puisque ce n’est pas clair dans les papiers  – ce qui, concrètement, va favoriser la « mixité » revendiquée par les participants à ce type d’entreprise. On ne sait pas grand chose de la façon dont les groupes se forment. S’ils sont formés antérieurement au lancement de la demande d’habitat participatif, ne sont-ils pas constitués de personnes qui se connaissent déjà et qui partagent certaines propriétés sociales ? On peut se demander aussi (question posée à Camille Devaux comme à Annalisa Iorio) si l’habitat participatif n’est pas plutôt un renouveau des coopératives, tout simplement (c’est ce que vous suggérez d’ailleurs, semble-t-il), dans un contexte de souci écologique et d’augmentation des prix des logements, pour des catégories sociales intellectuelles supérieures à – disons – relativement faibles revenus.

 

Le risque, du coup, dans les expériences que vous étudiez (et là, la question se pose aussi bien aux communicants sur l’habitat participatif que sur les représentants habitants dans les HLM) n’est-il pas tout simplement  – pour citer Loïc Blondiaux : « celui d’une privatisation d’un espace public donné comme représentatif au profit de quelques-uns, généralement les mieux dotés et les plus forts », c’est-à-dire le risque « d’une nouvelle forme de sélection politique, de l’émergence d’"habitants professionnels" censés parler au nom de l’ensemble de la population » ?           ( ... )

 

 

 Actes du Premier Congrès du GIS Démocratie & Participation