Figures de la participation sociale et politique

SEMINAIRE DU GRETS
Mardi 5 février 2012 de 9h30 à 12h30

Maison Suger / FMSH, 16-18 rue Suger, Paris 5ème

Figures de la participation sociale et politique

Joëlle Zask
Professeur de Philosophie - Université de Provence.

La séance sera introduite par Mathieu Brugidou (EDF R&D)

Participer, faire participer, l’idée semble faire consensus et de nombreuses initiatives visent à la mettre en oeuvre notamment du côté de institutions et des porteurs de programmes publics privés. Ceci suscite des recherches empiriques sur les modalités de mise en oeuvre concrète de ces expériences participatives (tel que le séminaire récent consacré au livre de Brice Laurent par exemple). En se fondant sur des approches croisées de théorie politique, de sociologie et même d’anthropologie et d’esthétique, Joëlle Zask, après un important travail consacré à la compréhension et à la diffusion de l’oeuvre de John Dewey sur le public, propose de revisiter l’idée de participation sur un mode plus normatif.

La plupart du temps, la participation est selon elle abordée dans le cadre spécifiquement politique des pratiques de la citoyenneté. La démocratie « participative » en particulier est apparue depuis une vingtaine d’années comme une alternative à la démocratie « représentative » ainsi que, pour certains chercheurs comme Nancy Frazer ou Craig Calhoun, à la démocratie « délibérative ». Par rapport à l’institution du vote d’un côté, et à l’ « usage public de la raison » pointé par Kant et repris par Habermas de l’autre, la « participation » a semblé assurer une meilleure intégration et des relais plus efficaces pour que les citoyens fassent entendre leur voix et pèsent plus résolument sur les décisions politiques.

Cette approche, si utile qu’elle soit, pose selon Joëlle Zask deux problèmes majeurs. Le premier est la réduction de la participation à la vie politique. Or, comme l’ont montré notamment Jefferson d’abord puis Tocqueville ensuite, auxquels on doit une définition fondatrice de la démocratie libérale, la participation politique repose ou devrait reposer sur une participation qui n’est pas politique mais sociale, culturelle, professionnelle, maritale, éducative, et même confessionnelle. C’est à cette condition que ses institutions peuvent résister à leur perversion.

Quant au second problème selon Joëlle Zask, il s’agit de la simplification de l’idée de participation elle-même. qui, dans bien des cas, devient boiteuse ou indigente, voire même contraire à ce qu’elle prescrit par ailleurs. L’appel à la participation équivaut souvent à une injonction à participer. Il se réduit dans de nombreux cas à compléter un dispositif établit à l’avance et donc, à exécuter la tâche prescrite tout en légitimant l’instance qui l’énonce. L’expression « faire participer » qu’on rencontre souvent en art, en politique, en économie, etc., recèlerait ainsi une contradiction dans les termes.

C’est pourquoi J. Zask propose de revisiter l’idée de participation afin d’en décrire les diverses phases et de l’établir comme norme sociale aussi bien que politique. Elle propose d’en distinguer trois aspects : prendre part, apporter une part (contribuer) et recevoir une part (bénéficier), tout en mettant en exergue qu’équilibrer ces trois phases est la tâche même des régimes qu’on appelle les démocraties libérales.

Publications :

• John Dewey, Le public et ses problèmes (1927), traduction et introduction de J. Zask, Folio, 2010

• Zask, J. (2000). L'opinion publique et son double, Paris, l’Harmattan, Collection “ La philosophie en commun ” (2 vol.) :
             Livre I: L'opinion sondée
             Livre II: John Dewey, philosophe du public.

• Zask, J. (2011), Participer – Essais sur les formes démocratiques de la participation, Le Bord de l’eau Éditions.