Deuxième séance du séminaire "Plateformes et participation numériques"

Invité.es : Paola Tubaro et Sébastien Broca, pour présenter des travaux sur le capitalisme numérique

Cette séance s'inscrit dans le cadre du séminaire de l'axe 6 intitulé "Plateformes et participation numériques", coordonné par Mathieu Brugidou, Fabrizio Li Vigni et Stéphanie Wojcik, et en partenariat avec l'axe 4 intitulé "Démocratiser l’économie et le travail" animé par Guillaume Gourgues et Ada Reichhart. 

Vous pouvez assister à la séance en ligne via ce lien : https://cnrs.zoom.us/j/94070341001?pwd=TWo2SDdPbWY2U2JGWExTMkoyNUJ3UT09 

Résumés :

Paola Tubaro (Centre de Recherche en Economie et Statistiques, CNRS)

« Digital labour et nouvelles inégalités »

Se trouver du bon côté de la fracture numérique offre généralement plus d'opportunités dans toutes les sphères de la vie, de la consommation à l'éducation et à la santé. Pourtant, les technologies de la communication et de l’information produisent de nouvelles vulnérabilités en généralisant les emplois mal rémunérés et contingents, notamment par les plateformes de travail à la demande. Cette communication fait dialoguer deux domaines d’étude – sur les inégalités numériques et sur le « digital labour » – afin de faire apparaître des situations de désavantage restées jusqu’ici dans l’ombre, et de repenser les actions de politique publique à mener. Sont mobilisés les concepts du « digital inequality stack » et la théorie des inégalités relationnelles, dans le cadre d’une industrie technologique caractérisée par un recours massif à l’externalisation, souvent à l’échelle mondiale. Bien que l’analyse proposée reste essentiellement théorique, elle adopte une approche contextualisée et s'appuie sur six années de terrain en Europe et en Amérique latine. Les résultats montrent comment la conception organisationnelle et l'infrastructure technique des plateformes, déployées au-delà des frontières géographiques, constituent des sources d’exclusion. Les inégalités se cumulent de façon complexe, articulant des clivages traditionnels dépendant par exemple du genre, de la classe sociale ou du statut migratoire, aux facteurs émergeants dus à la numérisation.

Sébastien Broca (CEMTI, Université Paris 8)

« Montrer le digital labour pour dépasser le fétichisme des technologies »

L’actuel capitalisme numérique, caractérisé par l’importance de l’informatique, des réseaux ainsi que par la centralité des firmes technologiques états-uniennes, organise le déni de son rapport à la matière et au travail. Il repose pourtant sur l’exploitation intensive de nombreuses ressources naturelles et de nombreuses activités productives, dont la plupart demeurent peu visibles pour les consommateurs occidentaux. Il suscite aussi de nouvelles injustices spatiales, étant donné que la prospérité des entreprises et des territoires situés au centre du système-monde repose en grande partie sur l’exploitation du travail et des ressources naturelles d’acteurs situés dans les périphéries. Cette réalité reste difficile à appréhender dans la mesure où les technologies numériques fonctionnent comme des « fétiches », abstraits des conditions qui rendent leur production possible et détachés des impacts sociaux et environnementaux qui sont les leurs. Cette communication tentera de lutter contre ces tendances, en présentant une analyse du capitalisme numérique à la lumière du concept d’ « échange écologiquement inégal ». Elle développera la thèse selon laquelle une réflexion critique sur les technologies ne peut se passer d’une analyse du système-monde capitaliste – et réciproquement.

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