Démocratie participative en périphérie. Etude comparée d’expériences participatives dans des quartiers périphériques en Europe.

 

Cette thèse se situe au carrefour de nombreuses recherches ayant trait à la banlieue en France d’une part, et à la démocratie participative d’autre part. Tout en bénéficiant de l’héritage de ces travaux antérieurs, cette approche propose une vision de l’ « intérieur » des processus participatifs, en étudiant leur inscription territoriale. Elle mène donc aux questionnements suivants : d’où vient que ces quartiers périphériques sont le cadre de formes démocratiques différentes de la démocratie représentative ? Comment la mise en œuvre de la démocratie participative produit-elle ses effets sur ces territoires ? Comment les différences entre ces territoires périphériques influent-elles sur le type d’expériences participatives pratiquées ?

Au travers de cette recherche, je m’intéresse à trois expériences participatives situées dans des quartiers périphériques européens, à Berlin, Reggio Emilia et une ville de première couronne de banlieue parisienne. Il s’agit de questionner la relation particulière entre un mode d’action publique, la démocratie participative, et un type de territoire, les quartiers périphériques. L’occurrence de cette approche sur ce type de territoire invite à interroger les raisons de cette relation, et ses modalités spécifiques.

 

Trois expériences constituent le terrain de cette recherche :

-  un « groupe de travail », réunion avec la mairie et les habitants dans le cadre d’une opération de renouvellement urbain, quartier de première couronne de banlieue parisienne (Ile de France, France)

-  un « Bici-bus », projet d’accompagnement d’enfants sur le trajet domicile-école, en vélo, organisé de manière auto-gérée par des parents d’élèves. Ce projet a lieu à Santa Croce (Reggio Emilia, Italie)

- une association, « Idefix » : en charge de la réinsertion de toxico-dépendants, elle contribue à nettoyer les espaces publics des seringues usagées à Kottbusser Tor (Berlin, Allemagne).

Ces trois expériences se déroulent de manière contemporaine (années 2000). Elles ont en commun d’être issues de dispositifs institutionnalisés et territorialisés de démocratie participative.

Après avoir présenté en quoi ces territoires ont en commun d’être des quartiers périphériques, je reviens sur la nature et l’origine des dispositifs participatifs institutionnels et territorialisés qui ont donné naissance aux expériences qui constituent le terrain de cette recherche. La relation spécifique entre le caractère périphérique et l’émergence d’expériences participatives est établi par l’analyse de ces dispositifs.

Pour répondre à ces questionnements, j’ interroger la nature participative des expériences choisies : il s’agit de déterminer ce qui autorise à les qualifier de « participatives », malgré leurs divergences importantes (projet auto-géré, réunion, association…). Cette analyse porte notamment sur le caractère opérationnel ou discursif de ces expériences participatives : en quoi le fait qu’un projet soit « concret » et directement engagé dans la réalisation conduit à le juger plus ou moins participatif qu’une expérience centrée autour de réunions publiques rassemblant des habitants face à des administratifs ? En somme, un débat est-il plus ou moins de la démocratie participative qu’un projet associatif ? En quoi ses effets territoriaux sont-ils différents ? Pour répondre à cette interrogation, j’analyse notamment des « interférences » des expériences participatives : celles-ci renseignent en effet sur les dysfonctionnements ou au contraire les impacts réels de la participation sur le territoire.

Ces expériences participatives bénéficient en outre de l’épaisseur de la question démocratique dans ces territoires périphériques. J’explorerai ainsi dans un second temps la relation spécifique entre un contexte territorial – la périphérie – et une approche du politique – des expériences de démocratie participative. Ainsi, outre l’existence de dispositifs institutionnalisés, les trois quartiers considérés ont été le théâtre de mobilisations sociales antérieures, qui sont directement liées à leur situation périphérique. Afin d’interroger la portée démocratique des expériences participatives, j’analyse le discours et le type d’acteurs en présence pour identifier les hybridations potentielles entre les répertoires d’actions plus anciens (associatives, militantes, religieuses) et les expériences actuelles. Ces hybridations sont notamment examinées à l’aune de la relation entre démocratie et justice sociale, ancrant ainsi la question démocratique des quartiers périphériques dans une perspective de gestion de la relation centre-périphérie. Selon le quartier, l’histoire des mouvements sociaux et de la construction de l’Etat-nation, j’identifie à cette occasion des facteurs de différenciation entre les trois types d’expériences participatives.

 

Dans un troisième temps, je m’attache à analyser les originesde ces expériences participatives sur chaque quartier étudié. Il s’agit notamment de cerner le rôle de l’altérité comme sourcedu processus participatif : qu’elle soit altérité d’un groupe social ou d’un quartier, elle est génératrice du processus qui tente de résoudre les antagonismes en employant des méthodes participatives. J’identifie notamment comment l’expérience participative traite d’abord d’une question de pratique spatiale, avant d’aborder de manière détournée la cause du conflit localisé : l’altérité sociale. Ce glissement entre territoire et social étant commun aux trois expériences, il constitue une hypothèse explicative de l’occurrence du thème du territoire dans les processus participatifs. Pour conclure, la démocratie participative est mise en perspective d’injonctions politiques (la cohésion et le lien social) et de méthodologies liées à des objectifs de bonne gouvernance (Agenda 21, méthodologie de projet) : souvent associés dans les politiques publiques, ces différents champs dessinent un contexte européen commun pour la démocratie participative. J’interrogerai dès lors en quoi ces approches apparemment liées par des injonctions communes peuvent en réalité différer dans leurs attendus, en particulier sur le plan démocratique.

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