De l’Europe au Monde (Biennale Turin : 15/04/11)

Ville et démocratie en Europe.
Pouvoir du web et langage du politique.

Deux thèmes majeurs ont été au cœur de la 3ème journée de la Biennale de la démocratie 2011 : les rapports entre urbanisme et démocratie et les transformations du langage de la politique liées à la télévision et au web.

D'autres sujets ont également scandé le rythme de cette journée :

  • La question de l'eau en tant que bien public a été abordée dans un débat visant à concilier les raisons du social  avec celles de la soutenabilité industrielle des services liés à l'eau. Cela a été l'occasion d'une ouverture sur les problématiques internationales et locales liées à la gestion de cette ressource.
  • Un atelier a été consacré à la financial education afin de mettre en lumière l'importance de la conscience des épargnants. Un laboratoire a proposé à tous les inscrits à l'atelier "Une nouvelle modalité d'alphabétisation financière : comment se préparer à la retraite ? Quels niveaux de sécurité pour les personnes âgées ?"

Web, construction  médiatique du consensus. Quelle politique, quels pouvoirs ?

Peter Gomez et Juan Carlos de Martin ont animé tout au long de la journée des conférences et ateliers sur le rôle du web et son pouvoir croissant dans la formation des idées et des opinions ainsi que sur les formes de participation. En se demandant quelles sont les stratégies de distraction de masse mise en place par les mass media, Peter Gomez a abordé la question des "turbos JT" qui fragmentent et parfois cachent l'information ; des journaux qui deviennent les quartiers généraux de petites et grandes idéologies, voire des instruments de chantage ; du web, avec sa cohorte de réseaux sociaux prometteurs de scenarios nouveaux.

De Martin a plongé son regard sur les questions de pouvoir du web et de pouvoir dans le web. Les bouleversements survenus au Maghreb et dans le reste du monde arabe ont montré en effet le pouvoir que le web peut avoir dans l'arène de l'opinion : pouvoir de rendre visible et de soumettre au jugement ce qui est caché, mais aussi pouvoir de stimuler des solidarités inédites entre personnes lointaines. Cependant, il a montré comment l'univers du web est loin d'être imperméable vis-à-vis des intérêts économiques et commerciaux. La question se pose alors de savoir à qui appartient le web.

"Comment se construit le consensus à la télé" a été la question qui a permis aux journalistes italiens Edoardo Novelli et Franca Roncarolo de faire une plongée dans l'actualité italienne et notamment dans la lente adaptation de la politique italienne aux nouvelles logiques de la communication. Ils ont ainsi eu l'occasion de montrer comment l'Italie est passée de l'autarcie de la politique à la suprématie de la télévision.

La ville, le lieu de la démocratie et d'intégration

L'intégration des minorités dans l'espace urbain européen a été le titre d'une conférence dédiée à un des enjeux cruciaux pour tous les pays d'UE : les politiques d'intégration et de cohésion sociale.

Les migrants, leurs pratiques d'insertion urbaine, les politiques qui leur sont adressées, leurs interactions avec les sociétés urbaines d'accueil sont autant de questions auxquels les pays de l'UE doivent répondre. Charles Girard de l'Université Paris 1, Enzo Rossi de la School of Health and Social Sciences de l'University of Wales, Simona Ardovino, de la Direction générale de la Recherche de la Commission européenne, et d'autres chercheurs ont parlé du projet Respect (financé par l'UE) visant à analyser les politiques d'intégration des minorités provenant des pays tiers. En s'intéressant notamment à la question des logements des Roms en France et au Pays de Galles, et à la question de la construction de mosquées pour les minorités de religion musulmane en Italie, les chercheurs ont dressé un tableau des fermetures de ces pays et de leurs politiques hésitantes.

Tolérer. Respecter. Intégrer

Les différentes interventions, toutes passionnantes et passionnées, ont montré comment les approches des pays européens se rejoignent en appuyant leurs politiques d'intégration ou de logement destinées aux minorités sur le principe de tolérance plutôt que sur celui de respect.

Or, l'idéal classique de tolérance, tel qu'il est envisagé en philosophie, implique deux positions : celle de celui qui tolère et celle du toléré. Le premier a un marge de manœuvre plus importante car il peut décider ou non d'intervenir sur les actions du toléré. En général, la tolérance s'active suite à une évaluation négative : face à une situation que l'on n'aime pas, on décide de tolérer (tolérance positive : je laisse faire) ou pas (tolérance négative : je ne laisse pas faire). Cependant ces deux types de tolérance sont fondés sur deux éléments majeurs : une évaluation négative de l'action du toléré et une asymétrie des acteurs.

Contrairement à la tolérance, le principe de respect repose sur la symétrie des acteurs à travers la prise de conscience du droit égal à avoir une morale personnelle à expliquer dans l'espace public.

Sur le plan politique, la distinction entre ces deux principes est fondamentale, car le principe de tolérance peut ne pas produire de la cohésion sociale, comme le montre l'exemple des politiques mises en place par les pays européens inspirées par ce principe.

La ville, par ses opportunités d'interactions, ses arènes de participation multiples et sa gestion, est au cœur des politiques d'intégration. L'accessibilité de ces espaces, le droit à l'assumer comme lieu de vie et non pas seulement comme lieu de résidence, appellent une fois de plus à passer de la logique de la tolérance à celle du respect.