Comment les gestionnaires du risque d’inondation envisagent-ils l’implication des populations riveraines ? Présentation et questionnements autour de la formalisation d’un cadre d’analyse diachronique

          FOURNIER Marie (2009), "Comment les gestionnaires du risque d’inondation envisagent-ils l’implication des populations riveraines ? Présentation et questionnements autour de la formalisation d’un cadre d’analyse diachronique", communication aux premières journées doctorales sur la participation du public et la démocratie participative, Ecole Normale Supérieure de Lyon, 27-28 novembre 2009.

 


 

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Extrait

  Introduction   Dans le cadre de notre doctorat, nous portons notre attention sur les politiques de gestion du risque d’inondation et les dispositifs d’implication des populations riveraines mis en oeuvre par les "gestionnaires du risque" dans ce cadre (Duchêne, Morel-Journel, 2000).

La question du rôle et de la place accordés aux populations riveraines se pose désormais avec une acuité certaine dans ce domaine. En effet, ce champ de l’action publique et des politiques environnementales a connu de profonds bouleversements, voire un changement de paradigme, durant ces dernières années. Deux tendances complémentaires s’observent. Tout d’abord, on constate depuis le milieu des années 1990 une mutation dans les stratégies de protection face aux inondations, qui correspond à la montée en puissance de l’expression des incertitudes dans ce domaine : incertitude quant aux phénomènes naturels mais aussi incertitude vis-à-vis des ouvrages et de leur capacité à protéger en toutes circonstances les biens et enjeux situés derrière. Dans ce contexte, l’ambition d’un contrôle "vertical" des crues (par les digues, les barrages) a laissé la place progressivement à des stratégies "horizontales" : c’est en "redonnant de l’espace" aux rivières, en préservant voire en restaurant des champs d’expansion de crues que les eaux pourront être contrôlées. Pour les "gestionnaires du risque" et propriétaires des ouvrages de protection, ces nouvelles approches sont aussi le moyen d’éviter que leur responsabilité ne soit engagée : plutôt que de craindre des brèches dans les digues dont ils sont responsables et des débordements par flots incontrôlés, il s’agit de prévoir l’introduction des eaux dans les plaines inondables. Parallèlement, les politiques de gestion du risque d’inondation semblent avoir évolué d’une approche technicienne, "gestionnaire de l’aléa", à une approche plus globale, attachée également aux territoires inondables et à la question de la vulnérabilité des biens et personnes situés dans ces espaces (Laganier, 2006) : la gestion du risque d’inondation ne se cantonne plus au seul cours d’eau mais nécessite la mise en oeuvre de démarches plus "intégrées", de prévention et d’adaptation des activités présentes dans les zones inondables. Dans les deux cas, ces stratégies mettent en question les modes d’occupation des territoires inondables et nous amène à nous interroger sur le rôle et de la place donnés aux populations riveraines.

Dans les faits, les "gestionnaires du risque" mobilisent d’ailleurs fréquemment le vocabulaire de la "participation" et semblent revendiquer des ambitions dans ce domaine. La multiplication des injonctions et des prescriptions réglementaires participe sans aucun doute de ce mouvement (Directive Cadre sur l’Eau, Directive Inondation, circulaires ministérielles). Pourtant, l’hypothèse que nous défendons est celle d’un décalage entre leurs discours et les pratiques observées. Derrière les innovations procédurales, et même si l’on observe une volonté de responsabilisation accrue des populations riveraines, le rôle et la place qui leur sont laissés dans la construction et la formulation de l’action publique face aux inondations restent limités. Les raisons de ce décalage restent à clarifier : tiennent-elles à des facteurs propres au domaine des risques (dispositions réglementaires, poids des héritages comme les ouvrages de protection déjà existants) ou bien aux représentations qu’ont les « gestionnaires du risque » de leurs responsabilités, ainsi que du rôle et de la place qui doivent être assignés aux riverains ? C’est à partir de l’étude de plusieurs projets de gestion du risque d’inondation mis en oeuvre dans le bassin de la Loire à deux époques différentes que nous tentons d’apporter des éléments de résultats et des pistes de réflexion.

Dans ce texte, nous présentons tout d’abord notre cadre d’analyse (première partie). Puis, nous confronterons les démarches mises en oeuvre par les "gestionnaires du risque" aujourd’hui (deuxième partie) à celles portées au milieu du XIXème siècle par l’administration de Napoléon III (troisième partie).

 

Plan de l'article


I- Présentation du cadre d’analyse Le contexte ligérien, une opportunité pour notre cadre d’analyse
Un cadre d’analyse organisé en deux temps pour chacune de nos temporalités
II- Projets de restauration ou d’aménagement de déversoirs :
Quand les responsabilités des "gestionnaires du risque" annihilent leurs capacités d’ouverture Face à l’incertitude, des projets qui concilient restauration des champs de crues et adaptation des territoires
Des populations riveraines présentes dans ces dispositifs par le biais de représentants
Des "experts du territoire" qui font mouche
III- Le programme de travaux de 1867 :
Une confrontation entre l’intérêt national tel que défini par l’administration impériale et les intérêts particuliers Un programme de travaux aux conséquences sociales et politiques lourdes
Les enquêtes d’utilité publique, un temps de débats sur l’opportunité des déversoirs
Une administration d’Etat qui se plie aux enquêtes
Conclusion