Appel à communications pour le colloque "Valoriser les savoirs traditionnels dans les projets locaux et internationaux : considérations épistémologiques et initiatives pertinentes"
Ce colloque s’inscrit dans une perspective critique, décoloniale et pluriverselle et vise à réfléchir aux savoirs, pratiques et expertises des communautés impliquées dans les programmes de développement international. Il s’agit également ici de mettre en avant des perspectives plurielles (sociologique, anthropologique, politique, culturelle, géographique, économique, philosophique) pour permettre une meilleure compréhension des enjeux et des défis liés à la prise en compte des savoirs traditionnels dans les projets de développement international.
Contexte
Pour répondre aux enjeux environnementaux et climatiques actuels, les organisations nationales, internationales et non-gouvernementales (ONGs), tentent de mettre en place (ou de renforcer) des modes de gestion et de gouvernance environnementale « plus durables », en lien avec les agendas internationaux. Toutefois, les communautés impliquées dans ces programmes disposent déjà de savoirs en lien avec leurs territoires, avec les ressources qui s’y trouvent, ainsi qu’avec les façons d’entrer en relation avec ceux-ci. Aussi ce constat ne peut-il manquer d’aboutir à une réflexion critique sur les relations entre, d’une part, les programmes des bailleurs de fonds et de leurs organisations partenaires et, d’autre part, les connaissances et les expertises des communautés sur leurs propres réalités territoriales.
Sur le plan politique, de nombreuses conventions reconnaissent que les communautés autochtones et locales dépendent très étroitement de leur environnement naturel et des ressources matérielles et immatérielles qui en sont issues. Elles reconnaissent aussi que plusieurs territoires sont protégés, conservés et gérés durablement grâce aux savoir-faire que les communautés locales ont su développer. En 1993, la Convention sur la diversité biologique (CDB) a considéré les savoirs traditionnels comme un patrimoine commun de l’humanité et a proposé, avec le protocole de Nagoya qui s’en est suivi, un partage équitable des avantages découlant de la conservation et de l’utilisation durable de la diversité biologique. Dans cette optique, les savoirs traditionnels feraient référence aux « connaissances, pratiques et philosophies développées par des sociétés ayant une longue histoire d’interaction avec leur environnement naturel » (Unesco, 2017, p. 1).
Appel à communications
Problématique
Toutefois, il existe un flou conceptuel autour du terme de « savoirs traditionnels », parfois utilisé comme synonyme de savoirs locaux, savoirs endogènes, ou savoirs autochtones. Les savoirs traditionnels suscitent de l’intérêt auprès des chercheurs et des organisations internationales avec une évolution remarquable dans la manière dont ceux-ci sont perçus. Cet « engouement » (Roué, 2012, p. 1) soulève de nombreuses questions et fait l’objet d’un important débat tant sur le plan scientifique que sur le plan politique. Dans le monde académique, en particulier, l’intérêt pour les savoirs traditionnels s’est, depuis les années 1990, considérablement accru. Plusieurs disciplines (anthropologie, géographie, sociologie, sciences politiques, etc.) se sont saisies des savoirs environnementaux traditionnels avec des postures et des perspectives variables.
Aussi ce questionnement ne peut-il faire l’économie de l’analyse de notions en jeu, souvent galvaudées ou, parfois à tort, interchangeables, comme celle de « conservation » et de « préservation ». Nous retiendrons à ces fins l’apport de Martine Chalvet (2022, p. 1), qui nous rappelle l’importante distinction entre ces deux concepts : « Le courant de la conservation (G. Pinchot) prône le maintien et la protection de la nature dans le sens d’une gestion utilitariste des ressources. Les [humains] peuvent donc intervenir, prélever et réguler. Le courant de la préservation (J. Muir) prône le maintien et la protection de la nature non pour en pérenniser l’usage mais en raison de la valeur intrinsèque de la nature. La démarche de préservation est donc plus radicale et plus stricte prônant la non-intervention [humaine]. » L’analyse du rapport entre ces termes et la question de la patrimonialisation peut donc ici s’avérer essentielle (Ayangma, 2016).
Nous trouvons, d’une part, le concept d’environnement tel qu’il est perçu par les États, les gouvernements locaux ou territoriaux et les ONGs émanant de ces différents pouvoirs et, d’autre part, une conception endogène de l’environnement provenant des populations autochtones et/ou traditionnelles. Notre colloque vise à analyser les rapports de pouvoir entre ces différentes visions du monde (Weltanschauungen).