Appel à communications pour le colloque "ROUTE BARRÉE / BARRER LA ROUTE. À propos de l'interruption dans les territoires extractifs"

ROUTE BARRÉE / BARRER LA ROUTE. À propos de l'interruption dans les territoires extractifs

Les territoires extractifs se construisent d’abord comme un système de routes, de ponts ou de ports devant assurer l’extraction des matières premières et leur approvisionnement en intrants (machines, combustibles, travailleurs, etc.). Les routes sont ainsi au centre du dispositif, tant à l’échelle globale qu’à l'échelle locale, où elles modifient en profondeur les paysages humains et non humains. Ces journées d’études proposent d’étudier ces territoires et leurs infrastructures partant du point de vue des interruptions. Contrairement à l'image dominante d’une fluidification inexorable des échanges, celles-ci rappellent la rugosité matérielle et sociale des territoires impliqués. Ce n’est que dans l’imagination des planificateurs que ces routes connectent linéairement et sans empêchements les différents points du territoire: en réalité, elles sont interrompues en permanence, de façon systématique et non exceptionnelle, par différents aléas naturels, animaux ou sociaux qui animent une dialectique quotidienne, inhérente au fait routier. La route et son interruption apparaissent ainsi comme deux versants d’une même réalité (la route est déjà, originairement, ce qui peut être interrompu). Ces interruptions donnent à voir ces territoires autrement: c’est dans l’interruption qu’apparaissent des acteurs, des forces et des territorialités autrement submergés; c’est l’interruption qui rend soudainement et socialement visible ce que la route ou le duct transportent; c’est dans l’interruption qu’apparaît une autre territorialité, faite de chemins anciens et contournements locaux; c’est dans le temps paradoxale de l’interruption que d’autres sociabilités et d’autre quotidiens (d’autres langues, d’autres nourritures, d’autres vêtements, etc.) s’infiltrent dans la routine standardisée des ouvriers, des chauffeurs et des passagers; enfin, les matérialités de l’interruption (pneus, branches, pierres, chaînes, feu, etc.) permettent une archéologie contemporaine des réalités et des différentiels techniques locaux.

Nous proposons d’organiser la discussion autour de trois axes principaux :

Agentivités de l’interruption. Il s’agira de penser l’interruption non seulement à partir de ce qu’elle empêche, mais plutôt de ce qu’elle produit. L’interruption comme lieu d’interaction et de construction de nouvelles subjectivités ou de nouveaux acteurs sociaux; l’interruption comme attente et donc la vie de ces temps morts; l’interruption comme fabrique de politiques publiques, de solutions techniques inédites ou de réarrangements infrastructurels; l’interruption, enfin, du point de vue des stratégies d’anticipation, de gestion ou de répression mises en place par les différents acteurs concernés.  

Matérialités de l’interruption. Nous invitons à étudier les matérialités de l’interruption en interrogeant les réalités techniques, leurs interactions, leurs différentiels, les symboliques qu’elles mettent en jeu. Ces matérialités constituent une archive riche et inexplorée, mais éphémère et non monumentale, faite de pièces banales et non exceptionnelles, dont il faudrait pouvoir faire l’archéologie contemporaine: que faire des traces que dix camions bloqués pendant une semaine laissent sur place? Qu’est-ce qu’un pneu lorsqu’il ne sert plus à rouler mais à bloquer ?

Territoires de l’interruption. L’interruption ne ferme pas seulement une route, elle en ouvre d’autres. Il convient alors d’observer comment l’interruption fait apparaître d’autres territorialités, faites de chemins anciens, de passages clandestins ou de raccourcis sauvages qui organisent des paysages intimes et locaux. Ces autres territorialités peuvent être ponctuelles ou définitives, publiques ou privées, officielles ou clandestines. Comment l’interruption façonne ces territoires ? Comment donne-t-elle à voir les géographies antérieures ou submergées que l’infrastructure extractive pensait avoir effacées ?

Envoi des propositions : (500 mots) jusqu’au 15 octobre 2023. Réponse le 1 novembre 2023. Les communicant.e.s pourront participer en présentiel ou par visioconférence.

Coordonnent : Kyra Grieco, Alberto Preci, Diego Ortúzar, Pierre Gautreau, Nicolas Richard.

Organisent : UMR 8168 Mondes Américains, UMR 7227 CREDA, UMR 8586 PRODIG, IFEA/CNRS UAR 3337 Amérique Latine.
ANR INTERRUPTIONS. Accidents, dysfonctionnements et temps morts: les territoires extractifs autrement. https://anr.fr/Project-ANR-21-CE03-0017

Informations et dépôt des propositions de communication : https://routes-barrees.sciencesconf.org/