8-Le rôle des associations locales dans les transitions socio-écologiques du Grand Paris

Le rôle des associations environnementales locales dans les transitions socio-écologiques de la métropole du Grand Paris

Identité de l’équipe

Nathalie BLANC, Directrice de recherches au CNRS et Directrice de l’UMR 7533 LADYSS, Université Paris-Diderot nathali.blanc@wanadoo.fr

Flaminia PADDEU, Maître de conférences en géographie à l’Université Paris 13, chercheure au laboratoire PLEIADE paddeu.flaminia@gmail.com

Lydie LAIGLE, Directrice de recherche, CSTB-Université Paris-Est, lydie.laigle@cstb.fr

Projets en rapport avec la transition ecologique dans lesquels l'equipe est deja engagee

CIVIC’ACT est une recherche-action au sein du Projet Politiques de la Terre à l’épreuve de l’Anthropocène. Monde, Échelles, Données du programme interdisciplinaire de l’Idex Sorbonne Paris Cité, dont le coordinateur scientifique est Bruno Latour (Sciences Po).

CAPADAPT est une recherche-action sur le rôle des capabilités citoyennes dans la transition environnementale financée par l’ADEME.

Problématique de la proposition

Comment analyser et comprendre le rôle des associations environnementales locales dans les transitions socio-écologiques de la métropole du Grand Paris ?

Situations et positions du sujet

Beaucoup de chercheurs reconnaissent l’importance des nombreuses initiatives locales dans la transition écologique, mais il manque des analyses sur les types d'organisation de la société civile (OSC) susceptibles de produire un mouvement de transition socio-écologique ancré dans les territoires.

Ces acteurs de la société civile, constitués de citoyens engagés dans des démarches collectives (associations, collectifs, groupes informels, coalitions, réseaux de villes en transition...), agissent selon des systèmes d’action et de valeur diversifiés, cependant réunis par un dénominateur commun : explorer des pratiques collectives transformatrices des milieux qui participent d’une citoyenneté environnementale locale en écho au changement global (climatique…). Ces groupes s’attachent à prendre soin des milieux, à sensibiliser ou éduquer à l’environnement local (Svendsen et Campbell 2008 ; Fisher et al. 2012) en s’investissant autour de problèmes et situations telles que la qualité de l’air et de l’eau, l’agriculture urbaine, l’observation de la faune, la protection de la biodiversité, la gestion des déchets ou le recyclage, etc. Ils développent des manières d’habiter (habitat participatif, jardin partagé, alimentation locale…) qui témoignent de l’expérimentation de territoires existentiels en relation avec les milieux (Guattari, 1989). Ils créent des communautés de pratiques, partagent des savoirs et des expériences, œuvrent au sein de collectifs qui transforment aussi bien les manières d’être et de vivre avec son milieu que les formes d’engagement et les dynamiques d’action collective (Laigle, 2013, 2015, 2017).

Hypothèses et problématiques

Notre hypothèse forte est que la requalification des systèmes socio-écologiques par la société civile engage des processus de construction/reconstruction de collectifs ou de communautés environnementales locales, tandis que les formes exogènes de revalorisation (aménagement requalifiant, transformation de l’image du quartier, accompagnement social...) ne reconnaissent pas, le plus souvent, les univers de sens et de relations noués par les citoyens à leurs milieux (Blanc et Emelianoff, 2008). De plus, les engagements de la société civile révèlent des manières de s’investir localement en recomposant des « alliances interspécifiques entre humains et non-humains » (Beilin, 2017) qui permettent de soutenir ou favoriser certains usages en commun du territoire. Enfin, les organisations de la société civile mobilisent des univers relationnels aux milieux qui sont susceptibles de mettre en mouvement la transition socio-écologique dans les territoires. Elles rendent possible une production circulaire entre le territoire et le collectif, et génèrent un engagement qui prend sens autant dans les actions transformatrices des milieux que dans le collectif lui-même. Or cet engagement peut avoir une portée démocratique par la montée en compétence et légitimité des acteurs, la prise en compte de l’expérience, l’inclusion des riverains dans le sens donné à l’action.

Ces situations et ces hypothèses justifient le fait de s’intéresser à l’analyse du rôle des associations environnementales locales dans les transitions socio-écologiques. Cet angle d’analyse s’écarte des approches traditionnelles des mouvements sociaux focalisés sur les manifestations ou protestations collectives (Lelandais et Florin, 2016). Il se rapproche plutôt des travaux sur les formes de « citoyenneté ordinaires » (Carrel et Neveu, 2015) qui ont prolongé ceux sur l’environnementalisme associatif oscillant entre contestation et expertise (Ollitrault et Villalba, 2014). Récemment, une série de travaux sur les engagements citoyens pour l’environnement met davantage l’accent sur les différentes modalités d’émergence de citoyennetés environnementales ordinaires, via les transformations des modes de vie et de consommation associées (Dobré et Juan, 2009 ; Moati, 2016), la constitution d’écocultures (Blanc et Emelianoff, 2008 ; Morel-Brochet et Ortar, 2014), ou encore la politisation des gestes de la vie ordinaire (Pruvost, 2013, 2015). L’apport récent du champ de la justice environnementale  a aussi permis de mettre en lumière l’importance des attachements aux conditions de vie locale et l’intérêt pour les pratiques ordinaires, par exemple autour des questions de justice alimentaire (Agyeman et al., 2016 ; Di Chiro, 2012).

Méthodologie et terrain d'enquête

Il s’agit de réaliser un travail à différentes échelles et suivant diverses spatialités pour analyser le développement de ces mouvements associatifs incluant notamment la réponse aux inégalités environnementales, selon quatre clés d’entrée :

- Processus. Les dynamiques d’organisation de la société civile, en interne et en externe : quel est le rapport de ces groupes aux diverses spatialités ? Comment, avec quels acteurs, investissent-ils les territoires ? Quelles sont les valeurs et les visions du monde qui guident et légitiment leur action ?

- Contexte.Dans quelles conditions sociales, environnementales et politiques, ces groupes et leurs réseaux de partenaires contribuent-ils aux transformations socio-écologiques aux échelles locales et régionales ? Quelles différences (sociales, économiques, territoriales) entre les territoires jouent-elles un rôle dans la structuration du mouvement associatif environnementaliste ? Il s’agit de relier les dynamiques associatives et les inégalités socio-environnementales et politiques, en mettant en lumière les obstacles, mais aussi les leviers qui permettraient un développement de leur activité en relation avec les acteurs locaux selon les territoires.

- Productions. Quel rôle jouent les productions sociales, culturelles, écologiques des organisations et réseaux de la société civile sur la transformation des sites ? L’activisme environnemental protéiforme pourrait correspondre à l’émergence de projets reposant sur des valeurs de solidarité, de respect de la diversité culturelle, de démocratie locale et de citoyenneté (Auclair, 2011). Ces dimensions mésestimées des transformations socio-écologiques conduisent à cantonner les groupes de la société civile à des actions supplétives, subreptices ou artistiques (Blanc et al., 2007), ou à intervenir dans des espaces expérimentaux (éco-quartiers, friches temporaires, etc.). Elles sont, en tous les cas, peu visibles, mal publicisées, en marge d’une pensée sur la fabrique urbaine.

- Interpellation du politique et recherche-action : Comment la recherche aide-t-elle à catalyser et soutenir les transitions citoyennes ? Comment les chercheurs travaillent-ils avec les OSC et les autorités gouvernementales, en créant des connaissances, en soutenant leur investissement local et en renforçant les réseaux de gouvernance? Comment la cartographie des réseaux de OSC contribue-t-elle à des transformations basées sur des lieux et les territoires socio-écologiques, intégré dans la politique et la gestion de ces mêmes territoires? Comment la recherche sur place peut-elle mettre au point des méthodologies et des outils utiles pour d'autres contextes? Notre projet de plateforme numérique vise à favoriser la réflexivité (associations, collectivités territoriales, chercheurs…) et les échanges (informations, ressources) entre les associations.

Dans le cadre du projet Politiques de la Terre et en collaboration avec Sciences Po (CEVIPOF) nous avons développé le projet CIVIC ACT, qui a pour objectif d’analyser et de cartographier l’activisme environnemental dans le Grand Paris. Nous avons constitué une base de données regroupant les associations environnementales des 131 communes du Grand Paris. Nous l’avons complétée en créant des partenariats avec des organisations locales pour collecter des données sur les collectifs et associations avec lesquels ils travaillent. Nous avons diffusé un questionnaire auprès de 753 associations en ligne à propos de leurs ressources, pratiques, réseaux et terrains d’action, complété dans un second temps par une série d’entretiens. Nous avons mis en place avec le CEVIPOF un échantillonnage de 31 communes représentatives du Grand Paris en termes d’occupation du sol. Au sein de ces communes, nous avons systématiquement contacté l’ensemble des associations environnementales de la commune ou arrondissement, avec qui nous avons effectué un entretien semi-directif avec un membre actif. Ce dispositif nous a permis d’avoir accès à un échantillon d’acteurs diversifiés et notamment à des groupes plus marginalisés au sein de la nébuleuse associative environnementale. Nous disposons ainsi :

  • d’une enquête en ligne menée auprès de 153 associations environnementales dans le Grand Paris, permettant de dresser un portrait typologisé de l’environnementalisme associatif (ressources, territoires, domaines et répertoires d’action…)
  • d’un corpus d’entretiens en cours (42 entretiens sur 90 prévus) menés auprès des membres d’associations dans le Grand Paris dans 30 communes échantillonnées réparties en 3 catégories de communes afin de rendre compte de la diversité des territoires du grand Paris et du rôle qu’y jouent les collectifs citoyens environnementaux.
  • d’un travail cartographique en cours sur les territoires d’action de ces associations.

Type de résultat escompté

La participation au programme Cit’In permettrait de poursuivre ce travail de recherche collectif, d’échanger avec les collègues travaillant sur ces thématiques, de contribuer à la structuration d’un réseau sur la transition écologique citoyenne dans le Grand Paris, en s’interrogeant sur la portée démocratique de l’implication des associations environnementales locales dans des transitions socio-écologiques.