28-Conseil citoyen dans l’ÉcoQuartier du « Nouveau Mons »

Suivi du Conseil citoyen à ses débuts dans l’ÉcoQuartier du « Nouveau Mons » à Mons en Baroeul

Équipe

Projet de recherche proposé par Odile Heddebaut, chargée de recherche 1ère classe et Anne Fuzier, ingénieur d’étude, IFSTTAR/DEST.

Nous proposons d’étudier le fonctionnement d’un conseil citoyen, forme de participation citoyenne collective et structurée, mise en place dans les quartiers prioritaires de la Politique de la Ville par la loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine de février 20141 . Nous menons actuellement une recherche dans le cadre du projet ELSAT 2020, sur l’évolution des comportements de mobilité dans le quartier du « Nouveau Mons » à Mons en Baroeul (59), qui fait partie des quartiers prioritaires du nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU). Ce quartier est engagé depuis le début des années 2000 dans une démarche de transition écologique ayant abouti à l’obtention du label « ÉcoQuartier » en 2014 ; c’est également un quartier où la tradition de participation des habitants à l’évolution de leur ville est forte. Il constitue donc un terrain intéressant pour l’étude de la participation citoyenne à la transition écologique. Le Conseil citoyen, mis en place à la fin de l’année 2016, constitue une forme institutionnalisée de participation citoyenne. Institué par la loi de février 20141 et encadré à ses débuts par la Mairie, il résulte d’une politique publique marquant la volonté d’impliquer les citoyens dans les projets urbains. Le Conseil citoyen du « Nouveau Mons » se situe donc à la croisée des chemins entre les deux approches proposées par le programme Cit’In, celle des politiques publiques inclusives d’une part et celle des expérimentations citoyennes d’autre part.

1. Problématique de recherche

Notre problématique s’articule autour de deux axes. Premièrement, nous étudierons le fonctionnement du Conseil citoyen du « Nouveau Mons » et son cheminement vers l’autonomie. Deuxièmement, il s’agira d’examiner les conséquences de l’investissement des conseillers citoyens sur leurs propres pratiques et représentations en matière de transition écologique et sur celles de l’ensemble des habitants du quartier.

1.1. Fonctionnement du Conseil citoyen du « Nouveau Mons »

La participation des habitants à travers le conseil citoyen se déploie dans un contexte particulier. En tant que quartier prioritaire NPNRU, le « Nouveau Mons » fait l’objet d’une vigilance toute particulière de la part de l’État. Le conseil citoyen lui-même est un dispositif institué par la loi de février 2014, mis en place et encadré par la Mairie. Les pouvoirs publics sont donc symboliquement très présents dans cette démarche ; en pratique, toutes les réunions du conseil citoyen se tiennent pour le moment dans les locaux de la mairie, en présence du chef de projet Politique de la Ville de Mons en Baroeul. Les activités du conseil citoyen sont également déployées à travers le prisme de la politique de la ville : c’est dans le cadre du NPNRU que ce dispositif a été mis en place dans les quartiers prioritaires. En même temps, le conseil citoyen a vocation à devenir une entité autonome : « Les conseils citoyens exercent leur action en toute indépendance vis-à-vis des pouvoirs publics »2 . À Mons en Baroeul, le Conseil citoyen du « Nouveau Mons » a été constitué sur la base du volontariat d’habitants déjà engagés dans la participation. Il regroupe 24 membres dont quatre représentants d’associations et se réunit tous les mois depuis le début de l’année 2017. En créant les conseils citoyens, la loi apporte donc un cadre institutionnel à une implication déjà présente d’habitants engagés dans la vie de leur quartier. Nous étudierons la manière dont la Ville accompagne le Conseil citoyen vers l’autonomie recherchée.

L’étude du fonctionnement du Conseil citoyen permettra d’identifier l’apport d’un dispositif impulsé et encore encadré par les autorités, par rapport à des actions entièrement à l’initiative des habitants. Elle permettra également d’appréhender les différences entre l’impact d’un conseil citoyen qui a un fonctionnement collectif et celui d’actions plus isolées. Le rôle des représentants d’associations au sein de ce Conseil citoyen constitue aussi une piste d’étude. Quelles différences peuvent être observées entre leur rôle et celui des autres conseillers ?

1.2. Conséquences sur les pratiques et les représentations en matière de transition écologique

Nous rechercherons également comment des initiatives individuelles de participation à la transition écologique émergent de cet engagement collectif. En d’autres termes, quelles sont les implications individuelles dans la vie des conseillers citoyens de leur investissement collectif ? Quelles différentes formes de participation peuvent être observées en fonction des différents membres, de leurs différentes perceptions de leur engagement, de leur degré d’implication ?

Nous nous interrogeons également sur le rôle du Conseil citoyen auprès de l’ensemble des habitants d’un quartier. Au sein du « Nouveau Mons », les conseillers citoyens, eux-mêmes habitants du quartier, jouent le rôle de relais d’idées et de pratiques auprès de la population. Quelles sont les conséquences de la présence d’un Conseil citoyen au sein d’un quartier sur l’engagement de l’ensemble de ses habitants dans la transition écologique ? Dans quelle mesure le Conseil citoyen peut-il impulser des transformations dans les pratiques des habitants ? Plus généralement, quel est l’impact de la transformation du « Nouveau Mons » en écoquartier sur la participation de ses habitants à la transition écologique ?

Nous pouvons aussi nous demander si et dans quelle mesure l’existence d’un conseil citoyen pourrait décourager ou freiner des initiatives particulières d’habitants. Or la démocratie participative n’a-t-elle pas vocation à inclure tous les habitants, pas seulement un noyau d’habitants officiellement concernés ?

Ainsi, par une meilleure compréhension du fonctionnement du Conseil citoyen en cours de mise en place et de ses conséquences sur l’ensemble d’un quartier, nous effectuerons une typologie identifiant diverses formes de participation citoyenne à la transition écologique. Nous pourrons également identifier dans quelle mesure cette forme de coopération citoyenne répond à la volonté d’obtenir réellement une transition écologique à l’échelle d’un quartier.

2. Présentation du terrain

Le « Nouveau Mons » est un quartier de grands ensembles au sein de la ville de Mons en Baroeul (59), construit entre la fin des années 1960 et le début des années 1970 dans le cadre de la politique de ZUP (Zones à Urbaniser en Priorité). Avec 6000 logements construits, c’est alors la plus grande ZUP de la métropole lilloise ; en quelques années, la population de la ville passe de 12 000 à 28 000 habitants. Le « Nouveau Mons » fait alors rapidement face aux problèmes que rencontrent la plupart de ces quartiers en France ; l’habitat se dégrade, des problèmes sociaux apparaissent.

Au début des années 2000, le « Nouveau Mons » bénéficie du premier programme de rénovation urbaine qui accompagne la création de l’ANRU (Agence Nationale de la Rénovation Urbaine). En plus des démolitions, des reconstructions et des réhabilitations, d’importants travaux sur les espaces publics sont menés. L’avenue Marc Sangnier, principal axe nord-sud du quartier, comprenant deux voies de circulation dédiées à l’automobile dans chaque sens, longées par des contre-allées bordées de parkings, a été entièrement transformée. Dans l’ensemble du quartier, la place allouée à la voiture a été restreinte au profit des espaces verts, les cheminements piétons ont été retravaillés pour favoriser la marche et de nombreux espaces de sociabilité ont été aménagés. En 2014, le « Nouveau Mons » obtient le label national ÉcoQuartier.

Le « Nouveau Mons » apparaît à différents égards comme précurseur parmi les quartiers prioritaires de la Politique de la Ville. Alors que le NPNRU encourage désormais les quartiers prioritaires à s’engager dans la transition écologique3 , le « Nouveau Mons » a entrepris cette transformation dès les années 2000. L’importance accordée à la concertation est également une spécificité de la rénovation urbaine du quartier. En effet, en lien avec la tradition d’éducation populaire de Mons en Baroeul, la Municipalité a très tôt impliqué les habitants dans la transformation de leur ville. Dès 2004, tous les Monsois sont conviés à un forum exposant diverses idées pour la rénovation urbaine ; les quatre-cents participants sont alors invités à donner leur avis sur l’utilité d’un programme de démolitions, de reconstructions et de réhabilitation, plusieurs années avant que les travaux ne puissent commencer. Depuis, plus de cent quatre-vingt réunions publiques ont été organisées tout au long du projet, en plus d’une communication régulière assurée notamment par les bailleurs auprès des habitants concernés par des opérations de démolition ou de réhabilitation. Enfin, à la fin de l’année 2016, l’investissement plus particulier de certains habitants facilite la création d’un Conseil citoyen.

Cette démarche de concertation de la Ville a pour conséquence une évolution de la perception des projets urbains par les habitants. Comme en témoigne le maire de Mons en Baroeul, lors des premières réunions au début des années 2000, les habitants acceptent pour beaucoup la perspective d’une réhabilitation ou d’un relogement, mais le voient malgré tout comme une contrainte. Aujourd’hui, les élus et les services techniques reçoivent de nombreuses pétitions de la part d’habitants qui réclament des travaux dans leur propre résidence. Les représentations ont ainsi évolué et la rénovation urbaine revêt une image plus positive aux yeux de ces habitants, fruit d’années de concertation et de pédagogie.

Enfin, le « Nouveau Mons » est également un quartier offrant à ses habitants de nombreuses occasions de s’investir dans la vie locale. De nombreuses associations oeuvrant dans différents domaines y sont implantées, notamment le centre social Imagine, regroupant une maison de quartier et un centre pour les jeunes, ou encore l’association Caramel, centre de loisirs et d’activités pour enfants et adultes.

3. Méthodologie

Nous envisageons de bâtir notre méthodologie sur un suivi du Conseil citoyen du « Nouveau Mons » dans sa prise d’autonomie progressive par rapport aux pouvoirs publics, afin d’étudier la diversité et l’évolution des formes d’implication des citoyens dans la transition écologique. Pour cela, des entretiens avec les membres du conseil citoyen et avec les acteurs ayant porté sa mise en place sont envisagés, de même qu’un suivi des réunions et des actions du conseil. Par ailleurs, des focus groups pourront être organisés afin de recueillir les avis et pratiques des habitants.

  • 1Loi n°2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine
  • 2Ibid, art. 7.-I.
  • 3Ibid, art. 9-1.-I.