11-Co-construction de problématique de recherche sur l’énergie et l’habitat

Étude d’un commun scientifique à partir d’une co-construction de problématique de recherche sur l’énergie et l’habitat

Identite de l’equipe

Les chercheurs et laboratoires

Claire Brossaud est chercheure en sciences sociales, associée à la composante du laboratoire EVS-LAURE (UMR 5600) intégrée à l’Ecole d’Architecture de Lyon. Elle accompagne des innovations sociales et numériques dans la cité. Elle s’intéresse plus particulièrement à la manière dont ces savoirs émergents transforment l’appropriation des espaces bâtis (usages du bâtiment numérique), la gouvernance des villes (communs urbains) et leurs systèmes cognitifs (communs de la connaissance scientifique). Elle a travaillé pendant quatre ans sur les usages de l’énergie dans l’habitat autour de la mise en place de solutions d’affichage et de pilotage d’énergie dans le cadre du projet Smart Electric Lyon. Elle a notamment publié (2010) Brossaud Claire, Reber Bernard (dir.), Digital Cognitive Technologies. Epistemology and Knowledge Economy, (ISTE / John Wiley and Sons Inc)et un dossier sur « les communs territoriaux » à paraître prochainement dans la revue Métropolitiques.

David Vallat est économiste, MCF à l’Université Lyon 1 et membre du laboratoire Triangle (UMR CNRS 5206). Il travaille sur l’accès à la connaissance ouverte, disponible et distribuée au sein des organisations. Il explore la thématique des communs de la connaissance dans les nouveaux espaces collaboratifs (coworking, hackerspace, makerspace, living lab, etc.), notamment dans le cadre du réseau Research Group on Collaborative Spaces. Il a publié  en 2016, « Biens communs et innovation sociale » in Lethielleux, L. et Combes-Joret M. (Ed.). Il vient de soutenir son HDR « Manager des connaissances dans un environnement complexe : question éthiques, épistémologiques et stratégiques ».

Alain Mille est professeur émérite en intelligence artificielle à l’Université Lyon 1, membre du laboratoire LIRIS (UMR CNRS 5205). Il contribue à faciliter l'appropriation des processus de production et de diffusion des connaissances scientifiques par tous les acteurs potentiels de la société. Il s'intéresse à l'apprentissage comme processus cognitif fondé sur les interactions avec l'environnement et développe une théorie de la trace numérique.

Les partenaires

Skoli est une structure lyonnaise indépendante, créé en 2016, issu du datajournalisme et spécialisé dans la médiation numérique des savoirs. En collaboration ou co-construction avec des chercheurs, Skoli encourage l’usage et la visualisation de données numériques à des fins de production de connaissance.

Lyon en commun est un collectif informel qui accompagne et mutualise la dynamique des communs sur le territoire de Lyon/Saint-Etienne : mise en place de deux festivals en octobre 2013 et 2015, d’une Fabrique en septembre 2016 et décembre 2017 et d’une journée d’études Faire la ville en (biens) communsen octobre 2015.

COEXISCIENCE : cf ci-dessous

2/ Projets en rapport avec la transition écologique dans lesquels l’équipe est déjà engagée

COEXISCIENCE est un futur tiers lieu ouvert à toute discipline et à tout public et visant une bonne articulation entre recherche scientifique et innovation sociale et environnementale. Coexiscience est née d’un constat : la science est aujourd’hui cloisonnée, le libre accès à la connaissance par tous et pour tous est insuffisant et les finalités sociales et environnementales de l’innovation sont peu développées. Les valeurs de Coexiscience reposent sur :  la co-opération, l’éthique, les communs.

LA FABRIQUE LYONNAISE DES COMMUNS est un événement porté par le collectif Lyon en Communs. L’édition 2017 de la fabrique se tiendra les 9 et 10 décembre 2017 prochain. Ouvert et rassembleur, cet événement a vocation à documenter et à donner à voir des projets co-construits de communs sous forme d’ateliers depuis quatre mois.

«  Appropriations d’un bâtiment versatile, évolutif, et économe en énergie en secteur tertiaire », EVS-LAURE-ENSAL-Sciences Po Lyon, dans le cadre du projet de démonstrateur MOOVABAT, Programme de recherche en cours (2017-2020), ER2I, ADEME.

3/ Problématique de la proposition       

Depuis plusieurs décennies maintenant, il est communément admis qu’il ne saurait y avoir de transition écologique et énergétique que si elle ne passe par une véritable « démocratie technique et écologique participative » réunissant notamment citoyens et chercheurs. Après plusieurs programmes lancés par le MEED (MEEM) sur ces enjeux depuis quelques décennies, l’expérimentation « par le faire » s’invite aujourd’hui dans les débats sur la démocratie technique grâce au programme Cit’in. Dans ce contexte, il ne s’agit plus de produire la recherche en faisant du citoyen un expert d’usage et un simple fournisseur de données empiriques mais de le mettre en situation d’intervenir sur le cadre et les outils de la co-opération scientifique et technique. Cette forme de gouvernance renvoie à la notion, elle-même émergente, de (biens) communs : Les biens communs (ou simplement communs) sont des ressources, gérées collectivement par une communauté selon une forme de gouvernance qu’elle définit elle-même (Ostrom, 1990).

            Le travail du commun scientifique dans la cité

Les communs de la connaissance scientifique ont été assez peu étudiés par les chercheurs eux-mêmes, si ce n'est à travers le filtre du numérique, via l'open science (Hess, Ostrom, 2006). Jusqu'alors, ce sont surtout des approches économiques et juridiques centrées autour de la « ressource » qui ont dominé ce champ-là. Dans ce contexte, les codes génétiques (Cook-Deegan & al., 2006), les données numériques, les savoirs traditionnels, etc., ont été souvent assimilés à des « biens » dotés de caractéristiques particulières (cumulativité, non rivalité, non exclusivité, etc.) et susceptibles d’être protégés par le droit. Les licences open source, de type Creatives commons, sont nées de cette approche. Aujourd’hui, la focale intellectuelle se déplace davantage vers les dynamiques sociales et « l'agir politique » dont le mouvement des communs est porteur. Selon cette acception (Bollier, 2014, Dardot-Laval, 2014, Le Strat, 2015), les communs procèdent ici d’un processus auto-organisé qui se construit en situation, par la pratique, et place l'expérimentation - plus que son résultat ou son issue - au centre.

Notre projet vise à explorer la manière dont les choix scientifiques et techniques autour de l’habitat et l’énergie sont mis au travail par une communauté de pratique.L’objectif est de construire collectivement une problématique sur ce thème en faisant appel à des participants issus de la dynamique des communs lyonnaise et d’analyser simultanément le processus en train de se réaliser. Comment le fait d’être en situation de produire ensemble une problématique de recherche instituent-ils démocratiquement un commun ? Par quels moyens le processus co-opératif se réalise-t-il ? Comment se décale-t-il par rapport aux modèles scientifiques hypothético-déductifs dominants et comment il ouvre sur de nouvelles épistémologies ?

L’expérimentation s’inscrit dans une « science en action » où langage et outil d’une part, technique et science d’autre part sont intrinsèquement mêlés dans la production de la connaissance (Lewin, 1946, Leroy Gourhan, 1964, Argyris et al., 1985, Latour, 1988, David, 2000).  Dans ce champ-là, peu d’initiatives, en dehors des conventions de citoyens (Testard, 2015), des travaux de F. Chateauraynaud – essentiellement centrés sur les débats publics - et de plusieurs travaux en ethnologie (ou appliqués au développement) ont porté sur les conditions de mise en œuvre concrète de choix scientifiques et techniques.   

Les hypothèses de travail

Le projet se structure autour de la construction sociale et organisationnelle d’un collectif de recherche, visant la co-opération entre ses acteurs pour l’élaboration commune d’une question scientifique. Trois objectifs de recherche sont visés :

a) L’accompagnement et l’analyse organisationnelle de mécanismes d’intelligence collective (TRIANGLE, COEXISCIENCE). On cherchera ici à savoir si le fonctionnement « en commun » permet l’innovation organisationnelle et dans quelle mesure on y détecte des formes de résilience. Est-on en train de construire un open lab, un living lab ? Selon quel modèle (creation ex nihilo, reprise d’un canevas existant, éducation ouverte, université populaire, etc.) ? Pour répondre à ces questions, on s’intéressera ici aux narrations et évolution des raisonnements, événements et trajectoires cognitives de l’expérimentation, choix des outils et méthodes de travail, rapports au cadre de l’interaction, etc.

b) L’accompagnement et l’instrumentation numérique du processus. (LIRIS, SKOLI, COEXICIENCE) L'environnement numérique, parce qu'il permet la diffusion et l'ouverture, la réutilisation et le partage de l'information, joue un rôle clé dans le projet, à condition cependant qu'il soit intégré au cycle de vie de la prise de décision. Cet objectif sera poursuivi de façon exploratoire dans deux directions : spécification et prototypage d’une instrumentation d’un dispositif d’aide à l’interprétation des traces d’interactions dans un environnement numérique d’une part et documentationdu processus grâce à l’établissement d’un plan de données entre les partenaires.

c) L’accompagnement et l’analyse de l’appropriation du contenu sur “l’énergie et l’habitat” (EVS-LAURE, COEXICIENCE). Nous serons particulièrement attentifs ici à la manière dont le processus de travail est investi et appropriépar les participants en mettant l’accent sur le contexte social et politique de la collaboration : rôle et statut des parties prenantes, valeurs et pratiques préalables vis-à-vis de la co-opération sur le sujet « habitat et énergie », prises de décision et formes de régulation du collectif, etc.

4/ Méthodologie et terrain d’enquête

  1. Revue de littérature afin de circonscrire méthodes et outils collaboratifs disponibles pour la construction d’une problématique de recherche sur le thème.
  2. Constitution d’un échantillon permettant d’identifier des contributeurs dans le champ des communs et de l’énergie-habitat (habitat participatif, tiers lieux d’innovation sur le développement durable, facilitateurs/coopérateurs d’énergies renouvelables, etc) grâce au réseau de Lyon en communs qui regroupe de nombreux acteurs et organisations concernées par la thématique.
  3. Mise en place d’un programme d’une dizaine de rencontres équivalent environ à 50 heures d’intervention (scénarisation et design de ces rencontres sur demande).
  4. Actions de valorisation

5/ Type de resultats escomptes

La perspective d’une démocratie technique peut-être enrichie grâce à l’instrumentation du concept de communs de la connaissance appliqué à la recherche. Le programme scientifique présenté ici aboutira à la formulation d’une question de recherche et d’une méthodologie qui pourrait être suivie dans un second temps, par une phase de recueil et d’exploitation de données, puis dans un troisième temps, par une phase de valorisation et/ou de prototypage. Les résultats escomptés sont liés aux incidences de ce processus sur la production et la diffusion de la recherche tout au long de sa chaîne de valeur.

Le projet offre l’opportunité de structurer la recherche sur les communs en France, s’agissant notamment de ses formes de régulation socio-technique dans une démocratie.

Il contribuera à la mise en œuvre expérimentale du tiers lieu Coexiscience.

Il viendra enrichir enfin toute une série de recherches et d’initiatives actuellement en cours sur les communautés d’énergie et d’habitat autogérée.