quelles formes alternatives de participation à la démocratie de l’eau ?

Au-delà des dispositifs institutionnels :
quelles formes alternatives de participation à la démocratie de l’eau ?

Colloque à l’Université de Limoges,
jeudi 17 et vendredi 18 novembre 2016

La Chaire Capital Environnemental et Gestion Durable des Cours d’Eau1 ainsi que les Rés-EAUx2 invitent différents acteurs concernés par le domaine de la gestion des ressources en eau - gestionnaires, usagers, militants, élus, associations, chercheurs, etc. - à proposer des contributions à un colloque portant sur les formes alternatives de la participation dans la gestion de l’eau.

Appel à contributions

La démocratie participative dans la gestion de l’eau, telle qu’elle est définie aujourd’hui par les institutions internationales, nationales et locales à travers le monde tend t-elle vers une participation effective des usagers/citoyens ou est-elle plutôt un trompe l’oeil, un argument en faire valoir sans réelle mise en pratique ? Face aux limites de la démocratie participative dans la gestion de l’eau, quelles sont ces formes alternatives de participation ?

Ce colloque vise à explorer les formes alternatives de participation dans la gestion de l’eau sous toutes ses formes au sein du cycle hydrosocial (Linton & Budds, 2014), qu’il s’agisse de la gestion des milieux aquatiques continentaux de surface et souterrains (plans d’eau, lagunes, zones humides, cours d’eau, réservoirs de barrage, etc.) ou de la gestion des eaux potables et l’assainissement. Au-delà des liens fonctionnels entre les différents domaines et usages de l’eau, il s’agit de créer une interaction entre les intervenants sur leurs observations et leurs expériences des mises en pratique des formes de participation alternatives dans ces différents secteurs de la gestion de l’eau.

Ces formes de participation alternatives peuvent être à priori regroupées autour des trois axes suivants : A - Des innovations et nouvelles formes de la participation générées ou promues au sein des institutions/structures formelles existantes (par exemple les Schéma d’Aménagement et de Gestion de l’Eau - SAGE - , Contrat de rivières, Etablissement Publics Territoriaux, Comités de bassin, Groupes d’Usagers de l’Eau, etc.). B – Des formes de participation/action/mobilisation hors des institutions établies, ou aux marges de ces institutions (par des associations d’usagers ou des groupements d’actions locales, des mouvements écologistes ou citoyens, des mouvements sociaux ou autochtones, etc.). C – Des nouveaux outils de recherche participatifs dans le domaine de l’eau (la promotion des formes de sciences participatives, les pratiques de cartographie participative, la modélisation d’accompagnement, les jeux de rôle, etc.).

Par conséquent, nous proposons de discuter ces formes de participation, leur efficacité et leurs impacts, ainsi que leurs possibles interférences. On pourra ainsi questionner la dynamique des rapports de pouvoir entre les institutions internationales, l’Etat, les institutions (formelles et informelles), les usagers et les citoyens.

La participation – un « mantra » de la gestion de l’eau (pour les pays des Nords et des Suds) ?

Depuis le sommet de la Terre à Rio en 1992, la « participation » des citoyens dans la gestion de l'eau est devenue un « mantra », si bien qu’elle est désormais une injonction venue des sphères administratives centralisées (Etats, Nations Unies, etc.) pour gouverner les cours d’eau (Berry & Mollard, 2010). Différents dispositifs « innovants » ont été créés par des instances territoriales des pays des Nords et des Suds afin de faciliter la participation des citoyens dans les structures de gouvernance de l’eau et de soutenir leur implication dans le dialogue et les prises de décision concernant la gestion de l’eau (Aspe et al., 2012 ; Notte & Salles, 2011 ; Lesage, 2013 ; Girard & Honneger, 2014). Or, la participation, décrite comme un « concept nirvana » par Molle (2008), n’aurait-elle pas tendance à accentuer les asymétries de pouvoir au lieu de les niveler ?

En Europe, la Directive Cadre sur l’Eau (DCE) énonce comme principe l’implication des différents acteurs de l’eau et le public dans les processus de décision et de gestion des milieux aquatique afin d’atteindre un « bon état écologique ». Les dispositifs mobilisés pour remplir ces exigences à l’échelle locale se sont multipliés : commissions locales de l’eau, comités de rivière, comités consultatifs, groupes de travail, débats publics, etc. Un des problèmes observés sur les terrains français dans la gestion des milieux aquatiques est la technicisation et la bureaucratisation des pratiques de suivi qui alourdissent les pratiques de gestion préexistantes (Fernandez, 2011 ; Barraud, 2013).

De même, dans les pays émergents et en développement, la mise en place de dispositifs participatifs et la gestion intégrée des milieux aquatiques (comme les Community Based Natural Resources Managment – CBNRM – ou la Gestion Intégrée des Ressources en Eau – GIRE –) sont devenus des conditions exigées par les bailleurs internationaux (comme la Banque Mondiale, USAID, AFD, etc.) pour le soutien de projets de développement aux différentes échelles (Neef, 2009 ; Baron & Bonnassieu, 2013 ; Bied-Charreton et al., 2013 ; Dewan et al., 2014). Pourtant ces dispositifs ne répondent que partiellement à la complexité sociale représentées par les multiples usages et enjeux de ces milieux.

Les propositions de communications à ce colloque pourront notamment s’appuyer sur les trois aspects suivants de la participation :

A. Limites des dispositifs participatifs institutionnalisés

Bien que les vertus de la participation pour la gouvernance de l’eau soient affirmées par de nombreux auteurs et institutions, des travaux ont montré les lacunes, la prise de distance, voire, les échecs de la mise en oeuvre de l’« impératif participatif » d’un point de vue analytique, critique ou normatif (Mosse, 2001 ; Barbier, 2005 ; Barbier et al., 2009 ; Blondiaux & Sintomer, 2009 ; Richard-Ferroudji, 2011 ; Berger & Charles, 2014). Parmi les principales limites de la participation on constate notamment : les effets d’exclusion, la non-participation, les inégalités de pouvoir et la domination des certains acteurs, les redondances avec des structures locales déjà existantes, la remise en question des modes de représentation et la lourdeur des procédures, etc. Toujours est-il qu’au sein des institutions et des structures de gestion de l’eau, de nouvelles approches de la participation sont développées pour répondre à ces limites ; nous espérons les enquérir dans les sous thèmes suivants.

B. Des alternatives à la gestion participative institutionnalisée de l’eau

Pour répondre aux limites et exclusions de la participation institutionnalisée, les usagers/citoyens organisent des alternatives et mettent en place des formes hétéroclites de participation, y compris des luttes pour s’opposer aux institutions dominantes ou à la participation stricto sensu (Berry & Mollard, 2010 ; Neveu, 2011 ; Fauquette, Neveu & Vanhoenacker, 2015). Ce sous-thème questionne les formes, les espaces et les dispositifs alternatifs de dialogue et d’expression déployés (les forums alternatifs, les mouvements sociaux ou autochtones, etc.) par ceux qui ne participent pas aux espaces institutionnalisés ? Comment ces formes de gestion participative alternative interagissent-elles avec les structures institutionnalisées (des relations d’opposition, ou d’apprentissage réciproque) ? Ces formes de participation alternative conduisent-elles à des pratiques et des solutions innovantes ?

C. Les outils de la recherche participative dans le domaine de l’eau

Ces outils de recherche peuvent concerner : la cartographie participative, les vidéos documentaires, les modélisations d’accompagnement (Chambers, 1997 ; Barreteau et al., 2008 ; Céfaï et al., 2012 ; Bousquet et al., 2013), les jeux de rôle, ou autres méthodes employées pour analyser les enjeux des territoires et faire émerger des propositions de la part des participants. Bien que ces méthodes participatives mobilisant des données scientifiques puissent être un soutien à la participation, les indicateurs utilisés ne sont pas des données apolitiques, mais le résultat des contextes socio-politiques dans lesquels elles s’inscrivent (Fernandez, 2011 ; Bouleau, 2012). Ce constat nous amène à interroger la capacité des savoirs experts à prendre en compte les connaissances et les pratiques locales lors de l’emploie de ces outils.

En pratique :

Nous attendons diverses formes de communication qui peuvent se présenter soit sous la forme d’une présentation orale, d’un poster, d’un documentaire vidéo ou d’un exercice pratique, etc. Les propositions de communication (une demi-page) peuvent être rédigées en français ou en anglais.

Elles doivent être adressées au plus tard le 15 juillet 2016, par e-mail, en format Word à :

altereau.unilim@gmail.com

Une réponse sera adressée à partir du 1er août aux contributeurs.

Comité scientifique :

  • Emilie Crémin (Post-doctorante, géographe, Chaire capital environnemental et gestion durable des cours d’eau, GEOLAB UMR 6042, Université de Limoges)
  • Kevin de la Croix (Post-doctorant, géographe, laboratoire Mosaïque, LAVUE UMR 7218 et Coordination Eau IDF)
  • Etienne Delay (Post-doctorant, géographe, Chaire capital environnemental et gestion durable des cours d’eau, GEOLAB UMR 6042, Université de Limoges)
  • José-Frédéric Deroubaix (Chercheur, sociologue, Ecole des Ponts ParisTech, laboratoire LEESU)
  • Marie-Anne Germaine (MCF Université Paris Ouest Nanterre La Défense, géographe, laboratoire Mosaïque, LAVUE UMR 7218)
  • Natacha Jacquin (Chargée de recherche associée, Chaire capital environnemental et gestion durable des cours d’eau, GEOLAB UMR 6042, Université de Limoges et Office International de l’Eau)
  • Jamie Linton (Chercheur, Responsable de la Chaire capital environnemental et gestion durable des cours d’eau, GEOLAB UMR 6042, Université de Limoges)
  • Veronica Mitroi (Chercheur contractuel CNRS, sociologue, Institut d’écologie et des sciences de l’environnement de Paris, iEES Paris)

Au sujet de l’organisation veuillez nous contacter à l’adresse suivante :

altereau.unilim@gmail.com

Retrouvez tous les détails concernant la conférence sur son site web :  https://altereau-unilim.sciencesconf.org

Références bibliographiques :

Aspe C. 2012. De l’eau agricole à l’eau environnementale, Versailles Cedex, Editions Quæ, « Natures sociales », 2012, 384 p. Barbier R. 2005. « Quand le public prend ses distances avec la participation. Topiques de l'ironie ordinaire», Natures Sciences Sociétés 3/2005 (Vol. 13), p. 258-265 En ligne : www.cairn.info/revue-natures-sciences-societes-2005-3-page-258.htm. Baron C., A. Bonnassieux. 2013. « Gouvernance hybride, participation et accès à l'eau potable Le cas des associations d'usagers de l'eau (AUE) au Burkina Faso », Annales de géographie 2013/5 (n° 693), pp. 525- 548. Barreteau O., A. Richard-Ferroudji, P. Garin. 2008. « Des outils et méthodes en appui à la gestion de l'eau par bassin versant », La Houille Blanche, Société Hydrotechnique de France, 2008, pp. 48 - 55. Beuret J.-E., Pennanguer S., Tartarin F. 2006. « D'une scène à l'autre, la concertation comme itinéraire. », Natures Sciences Sociétés 1/2006 (Vol. 14), pp. 30-42 En ligne : www.cairn.info/revue-natures-sciences-societes-2006-1-page-30.htm. Berger M., C. Julien. 2014. « Persona non grata. Au seuil de la participation. », Participations 2/2014 (N° 9) , pp. 5-36. En ligne : www.cairn.info/revue-participations-2014-2-page-5.htm. Berry K.A. & E. Mollard. 2010. « Introduction : social participation in water governance and management ». In : Berry K.A. (ed.), Mollard Eric (ed.). Social participation in water gouvernance and management : critical and global perspectives. Londres (GBR) ; Sterling : Earthscan, 2010, p. 20-28. Bied-Charreton M. et al. 2006. « La gouvernance des ressources en eau dans les pays en développement : enjeux nationaux et globaux », Mondes en développement 2006/3 (no 135), p. 39-62. Blondiaux L., Y. 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  • 1Programme de recherche, initié par GEOLAB UMR 6042 (UBP Clermont-Ferrand et l’Université de Limoges), la Fondation Partenariale de l’Université de Limoges, et la SHEM (Société d’Hydroélectricité du Midi).
  • 2Réseaux d’Etude et de Recherche en Sciences sociales sur l’Eau à Paris 8 et à Paris Ouest (association) rattachés aux laboratoires LADYSS UMR 7533 et LAVUE UMR 7218