Pour des espaces maritimes équitables

Atelier LittOcean

Pour des espaces maritimes équitables : les énergies marines renouvelables, illusion ou réalité

Le 24/03/2016 de 09h30 à 17h30

à la Fondation Charles Léopold Mayer 38 rue Saint Sabin 75011 Paris

Avec ce séminaire, le Think tank Littocean propose autour de trois tables rondes qui viseront successivement à déterminer les clés de leur émergence par une vision stratégique partagée,  d’apprécier les « capabilités » institutionnelles requises pour soutenir leur développement  et d’échanger sur  les leviers et les verrous en s’appuyant sur des dynamiques locales, catalyseurs indispensables à leur essor.

Il ne s’agit point d’un énième colloque sur les énergies mais dans une perspective de recherche-action d’identifier les chemins d’innovation possibles (innovations incrémentale ou de rupture),  les acteurs et les communautés  locales susceptibles d’exploiter ces nouvelles énergies, cela  dans l’objectif de renforcer leur « capabilités » tant pratiques que réflexives et de lever les obstacles à leur émergence afin que leur expérience puisse avoir valeur d’exemplarité.

 

L’activité économique repose toujours sur la consommation d’importantes quantités d’énergies. La croissance de l’activité économique est également toujours reconnue comme nécessaire à l’enrichissement des nations et à l’amélioration des conditions de vie des populations. La disponibilité des ressources conventionnelles décroît nécessitant l’exploitation de ressources non-conventionnelles comme les gaz de schiste. Dans ce contexte, toute nouvelle source importante d’énergie peut potentiellement bouleverser les marchés de l’énergie et les relations géopolitiques mondiales.

Les énergies marines renouvelables sont de plus en plus souvent mises en avant comme un nouvel El Dorado au regard de leur disponibilité intarissable pour répondre à nos besoins énergétiques. Les différentes technologies EMR, correspondant à diverses formes d’énergie marine (vent, vagues et houle, chaleur, courants, énergie osmotique), permettent l’accès au plus important capteur d’énergie solaire du monde : l’océan. Pour peu qu’on sache convertir cette énergie généralement produite sous forme électrique afin de la stocker voire de la distribuer, les EMR ont le potentiel de concurrencer sur leur terrain les énergies fossiles (hydrocarbures ou nucléaire), y compris dans les domaines où les combustibles liquides et solides sont irremplaçables. Des verrous technologiques sont en passe d’être levés. La recherche et les développements vers des systèmes opérationnels nécessitent des investissements lourds en capitaux, à l’image d’un secteur énergétique très intense en capital, en investissements initiaux.

A l’heure où la viabilité technique est avérée, que leur intérêt économique commence à poindre par rapport à d’autres sources, il est essentiel que cette future route vers l’or bleu nous soit tracée en évitant les impaires de l’exploitation de l’or noir qui a totalement bouleversé l’ordre mondial tout en retirant aux populations le bénéfice direct de cette ressource.

S’appuyant sur un bien commun, l’action des pouvoirs publics est essentielle pour enclencher ces investissements : en simplifiant les cadres réglementaires permettant le déploiement des technologies, en promouvant des innovations ou en soutenant des centres d’essais. Ce peut être aussi en offrant un cadre financier favorable, notamment au travers des tarifs ou primes garanties ou encore en créant et en inventant de nouveaux dispositifs institutionnels de développement des EMR comme une planification stratégique en réponse aux besoins des territoires,

Avec des moyens d’exploitation autant capitalistes, il convient de s’interroger sur la manière d’exploitation des EMR dans une approche équitable mais également souhaitée par chaque communauté littorale. Alors que de nombreux Etats se sont lancés dans le développement des EMR, l’intérêt national de France est inversement proportionnel aux potentiels pour des différentes filières au regard  de  la superficie des espaces maritimes ou de leur distribution sur les 5 mers ou océans.

Programme

1) Table Ronde n° 1 (10h00-12h30) - La nécessaire construction d’une vision et d’une stratégie partagée

Mis en avant de plus en plus avec les énergies renouvelables terrestres comme une réponse à la réduction des gaz à effet de serre, le développement des EMR est promu comme un élément contribuant à une transition énergétique. Au delà de cette alternative technique et dès lors qu’elle est économiquement viable, il est essentiel de les inscrire comme une réponse à une vision des usages et exploitations des espaces maritimes et littoraux.

L’analyse du passé permet de mettre en évidence certaines évolutions techniques qui sont à l’origine de révolutions industrielles qui ont totalement changé le monde par des nouvelles réponses industrielles (énergie mécanique de l’hydraulique au moyen âge pour la métallurgie, énergie mécanique du moteur à explosion (remplacement de l’animal – locomotion), énergie électrique (éclairage, miniaturisation, portabilité, …). L’histoire montre que le succès d’une transition énergétique repose sur l’appoint représenté par les énergies naturelles dans la   croissance et l’augmentation de l’efficacité énergétique. Ce succès repose aussi sur la reconnaissance du groupe social porteur du changement et la mise en œuvre des conditions permettant de favoriser et d’accompagner son action créatrice.  Ces évolutions technologiques ont au fil du temps conduit à une amélioration de notre confort, une meilleure satisfaction de nos différents besoins voire elles ont créé de nouveaux besoins et marchés.  L’analyse du passé sera convoquée pour comprendre les chemins de l’innovation et le rôle que les ressources naturelles ont joué dans la transition énergétique, ses conséquences environnementales, économiques et sociales.

Cette rétrospective devrait nous éclairer sur le futur des énergies de demain dans un contexte différent et plus spécifiquement sur le statut des EMR dans la définition d’une croissance soutenable et non plus illimitée et linéaire. Elle devrait aussi nous aider à comprendre les facteurs de blocage en France, qui au contraire de certains pays maritimes, a bien dû mal à penser et à construire son devenir et à changer de sentier de développement technique en promouvant les énergies naturelles au lieu des conventionnelles.

Les EMR n’offrent pas certes pas une nouvelle avancée mais comme toutes les énergies renouvelables, une alternative pour répondre à nos besoins et soutenir une croissance adaptée à l’intentionnalité de transition écologique et de sobriété énergétique. Ainsi, il est nécessaire par une approche prospective d’apprécier l’ensemble des tenants et aboutissants des EMR pour apprécier leur apport dans la définition d’une vision de notre avenir et du chemin pour y arriver.

Intervenants :

  • M. Mathieu ARNOUX, professeur Université Paris-Diderot et directeur d’étude à l’EHESS ;
  • M. Thierry GAUDIN, prospectiviste ;
  • M. Jean BALLANDRAS, secrétaire général chez AKUO Energy.

2) Table Ronde n° 2 (14h-16h) - La capabilité institutionnelle

Le développement des EMR ne connaît pas le même essor suivant les Etats. Des Etats tels que le Danemark dont la taille est équivalente à la fois en superficie et en population est équivalent à certaines régions littorales françaises (Bretagne (à vérifier)) ont  mis en place les moyens humains et financiers pour promouvoir les EMR non seulement pour répondre à leur besoins énergétiques mais aussi prendre des parts de marchés à l’export à la fois de l’énergie mais aussi des savoir-faire technologiques.

On relève ainsi que les EMR se développent dès lors que la volonté politique et les moyens administratifs sont au rendez-vous (cf. Danemark, UK, Allemagne).

Face aux potentiels nationaux qui sont évidents, quels sont les obstacles ou les difficultés  au développement des EMR  au niveau institutionnel, de la gouvernance? Comment soutenir et renforcer les « capabilités» des acteurs et des collectivités locales dans une approche équitable afin d’apparaître sur la scène locale et nationale comme des opérateurs légitimes au même titre que les grands groupes énergétiques ? Comment construire leur autonomie et développer leur agir ?

Intervenants :

  • M. Antoine-Tristar MOCILNIKAR, MEDDE
  • M. Alain NADAÏ, responsable du groupe SHS, CIRED

3) Table Ronde n° 3 (16h-17h30) - Les gisements dynamiques

Avec le contexte ou cadre de développement national peu dynamique porté par l’Etat, les EMR deviennent de plus en plus un sujet d’intérêt déconcentré et partagé du régional au local.

Les régions (Bretagne, Nord Pas de Calais, Pays de la Loire, Languedoc Roussillon, …) se saisissent du sujet et investiguent leur potentiels et leur prise en compte dans leur mix énergétique.

Des stratégies régionales voire à l’échelle de territoire (Pays) s’échafaudent pour le développement des EMR que ce soit par le soutien à l’innovation (démonstrateur), la création d’infrastructures de soutien (Port, …). Elles constituent une composante potentiellement engageante  pour ces régions dans leur stratégie de territoire (Glaz-Economie en Bretagne).  Des énoncés discursifs à valeur identitaire et symbolique sont convoqués par exemple, le GLAZ (en vieux breton bleu-vert,) qui invite à une démarche créatrice et innovante. Le GLAZ a une forte valeur sémiologique, il renvoie à un groupe musical breton conciliant musique traditionnelle et rock et donc à la capacité créatrice et d’innovation propre au monde breton.

A l’échelle locale, des territoires développent des capacités d’exploitation énergétiques (Pompe à chaleur à eau de mer par ex à la Seyne sur Mer). Partant de ces expériences territoriales, nous montrerons comment elles participent à la construction d’un commun et s’inscrivent dans un projet stratégique et systémique qui peuvent avoir valeur de démonstration aux échelles nationales voir globales.

Ces dynamiques bouleversent le modèle national et offrent des perspectives de développement différenciées pour les territoires qui leur offriraient des futurs différents mais choisis (réduction des conflits – planification).

Echanges et débats avec la salle -  animation par Christophe Le Visage, expert EMR chez Stratégies Mer et Littoral SAS.