Les foules et la démocratie

  

 

Mil neuf cent

Revue d'histoire intellectuelle

n°28 - 2011
Les foules et la démocratie

 

 

 

 

Présentation du numéro

Notre époque est bien celle du retour des foules. L’affaiblissement des divers systèmes de représentation et des corps intermédiaires (suffrages, partis, syndicats) accompagne le lent déclin des médias de masse (presse, radio, télévision). Les foules sont désormais au cœur des réseaux et du numérique comme en atteste la multiplicité de ses apparitions et de ses visages : foules éclair (flash mobs) qualifiant les rassemblements express d’individus reliés par des terminaux mobiles, foules intelligentes (smart crowds) désignant l’ensemble des utilisateurs connectés aux capacités décuplées par la mise en réseau sur Internet, approvisionnement par la foule (crowd sourcing) illustrant la capacité à mobiliser les ressources immenses d’intelligences assemblées virtuellement et qu’il est désormais possible (et gratuit) d’exploiter. Mais ces foules virtuelles, distantes, lointaines sont aussi capables de se réunir brusquement, répondant à un appel venu de nulle part. Et l’on est bien obligé de constater que ces foules convoquées par personne, pour des motifs allant du festif (apéro géant) au délictuel (affrontement entre bandes) n’ont en définitive rien de très contemporain.
Aussi est-il utile de revenir sur la « naissance » des foules entre xixe et xxe siècle. Tout au long du xixe, les apparitions des foules sont tout aussi fugitives que spectaculaires. Le souvenir de certains épisodes révolutionnaires en France est vif : l’assassinat du gouverneur de la Bastille, le martyr de la princesse de Lamballe, les hordes des septembriseurs. 1792 est certes dans toutes les mémoires et 1871 bien plus encore.
Comment poser la question des foules en démocratie ? Le suffrage universel, la concentration urbaine des populations, la naissance de modalités nouvelles de mobilisation (coopératives, syndicats, ­grèves) tendent à faire exploser le cadre de ce qui était jusqu’alors une question unidimensionnelle d’ordre public.

Vincent Rubio dans son article illustre bien la manière dont la foule devient en quelque sorte l’objet sociologique premier. Le caractère tour à tour incontournable et insaisissable de la foule aiguise la curiosité des savants. La sociologie naissante se voit devancée et bientôt dominée par celui qui détiendra le monopole du savoir sur la foule : Gustave Le Bon.

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