L’économie des concertations

L'économie des concertations à l’heure du rééquipement controversé des territoires

Thèse soutenue par Guy-El-Karim BERTHOME à l'Université de Liège, Faculté des Sciences, Département des Sciences et Gestion de l’Environnement, le 6 juin 2011. Directeurs de thèse : Marc MORMONT et Alban THOMAS  

Contexte

Le domaine de la gestion des déchets est marqué par la raréfaction des sites de traitement disponibles, du fait notamment de la contestation (par les associations et les riverains) du bien-fondé des nouveaux projets. Pour lutter contre cette pénurie d’exutoires annoncée, les acteurs locaux sont confrontés à la nécessité de rééquiper leur territoire, c'est-à-dire de décider soit de nouveaux équipements matériels, soit de nouvelles règles de gestion.

Dans ce contexte, des processus de concertation sont mis en place, et il est important de s’interroger sur le rôle que jouent ces processus dans le rééquipement des territoires.

Pourquoi ce projet de recherche ?

Cette thèse se penche sur les concertations organisées dans des territoires qui cherchent à prendre une décision sur les modalités de leur ré-équipement. La thèse se positionne sur la question de l’efficacité des processus de concertation. La question centrale de la thèse est : quels sont les facteurs qui ont le plus d’influence sur les effets de la concertation ?

Cette question des conditions de réussite d’une concertation territoriale n’est pas nouvelle : de nombreux chercheurs se sont penchés sur les différents facteurs qui expliquent les effets d’une concertation. D’une manière générale, ceux-ci peuvent être regroupés en 4 grandes familles :

  • les préférences des groupes présents sur le territoire (leur degré de désaccord sur les questions de fond),
  • les rapports de force entre ces groupes,
  • les modalités de concertation empruntées (i.e. la façon dont la discussion est organisée), et
  • la situation de gestion dans laquelle se trouve le territoire.

Cette situation de gestion (équipements présents, perspectives d’équipements projections sur les gisements, travers et legs de la gestion passée, structuration politique préalable à la concertation, insertion des parties prenantes dans le débat, bagage et disponibilité du ou des décideurs centraux, espaces de confrontation induits) détermine le niveau de pression au rééquipement auquel le territoire est soumis.

Cependant, si elles contribuent à mettre en lumière l’action de tel ou tel facteur en l’étudiant en détail, les recherches passées ne peuvent décrire le poids relatif de chaque facteur. L’intérêt de cette thèse est donc de modéliser les situations de concertation afin de pouvoir précisément décrire la façon dont ces facteurs interagissent et leur impact comparé sur les effets des processus de concertation.

Déroulement de la recherche

Le travail a suivi sur trois axes :

  • Une revue de littérature, en particulier pour mieux comprendre ce que l’on peut qualifier « d’apport » des concertations territoriales, et repérer les composantes descriptives et analytiques les plus pertinentes ;
  • L’étude détaillée de 3 cas de concertation territoriale pour en retirer les données qui permettent de saisir et quantifier les composantes de chaque cas ;
  • La traduction de ces composantes dans un modèle de jeu permettant de modéliser les effets des différentes composantes de la concertation sur le résultat final de cette dernière.

Résultats clés

En ce qui concerne les facteurs qui influent sur le résultat d’une concertation, le résultat général de la thèse peut être présenté comme suit :

Influence de la situation de gestion > Préférences des groupes > Rapports de force entre les groupes > Modalités de concertation empruntées  

La situation de gestion dans laquelle se trouve le territoire lorsque celui-ci s’engage dans la concertation est le facteur qui a le poids le plus important.

Il s’agit bien sûr d’un résultat tiré de l’observation de 3 cas. Il ne s’agit pas en soi d’un guide pour l’intervention, qui préconiserait d’intervenir en priorité sur le facteur identifié comme le plus important. Selon les situations, certains facteurs sont plus facilement modifiables que d’autres : le résultat exposé ici ne préjuge pas de la possibilité pour les acteurs de jouer sur l’un ou l’autre de ces facteurs dans une situation spécifique.

# On peut identifier un effet de complémentarité entre ces facteurs. Notamment, lorsque la pression au rééquipement liée à la situation de gestion est forte, les autres facteurs sur lesquelles peut porter l’intervention publique sont généralement plus productifs, ou moins contre-productifs.

# La question de « comment » conduire une concertation a été particulièrement mis en avant ces dernières années comme un facteur décisif de réussite des concertations. Les résultats de ce travail viennent relativiser très fortement le poids des modalités du débat sur ses effets. Cependant, à court terme, et à l’échelle des territoires, les modalités de concertation sont des composantes plus facilement modifiables que la situation de gestion, et elles constituent donc malgré tout des leviers notables de performance.

Application et valorisation

Cette thèse ouvre des pistes intéressantes pour l’action publique dans le domaine des déchets.

Tout d’abord, cette thèse montre que dans tous les contextes de concertation, pour arriver à une décision dans le domaine des déchets, des leviers de performance existent et peuvent s’avérer productifs. Il n’y a donc pas de conditions territoriales face auxquelles la concertation décisive est impuissante à appuyer la construction de solutions. Même si on ne peut pas attendre autant de déblocages d’une concertation placée dans des conditions globalement favorables et d’une concertation placée dans des conditions globalement défavorables, un saut dans les performances est toujours possible. Il demeure donc une marge de progression dans la mise en oeuvre les concertations.

En effet si, au total, c’est la situation de gestion d’un territoire qui est le facteur le plus impactant, alors ce n’est pas tant la question du « comment » conduire une concertation qui prime, mais celle de « quand » la lancer. En d’autres termes : il faut être attentif au niveau de pression au rééquipement auquel est soumis un territoire pour pouvoir comprendre quelles sont les marges de manoeuvre de la concertation.

Ce résultat conduit à répondre à la question de l’intérêt des concertations en fonction des identités et des trajectoires des territoires. Et il ouvre finalement sur une nouvelle question, à savoir : quel enchaînement d’actions préalables conduit un territoire à se trouver dans une configuration favorable lorsque la concertation décisive va s’enclencher ? ———————————————— CONTACTS
  • Guy-El-Karim BERTHOME : karim.berthome@agroparistech.fr
  • Responsable ADEME Marianne BLOQUEL : marianne.bloquel@ademe.fr
———————————————— La présente synthèse a été établie à partir du rapport de recherche et reste fidèle au contenu remis. Les points de vue exprimés sont ceux des chercheurs.
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