La représentation politique en question

Colloque à Sciences Po Bordeaux
4-5 avril 2013

salle Copernic

Le colloque « La représentation politique en question » organisé par le Centre Émile Durkheim et le CRPS-CESSP a pour objectif d’appréhender les modalités contemporaines de la représentation politique et leurs effets sur la construction des groupes sociaux. Indépendamment des qualificatifs qui lui sont attribués, l’apparition d’une nouvelle ingéniérie démocratique semble indiquer une mutation profonde du lien représentatif : la représentation ne reposerait plus sur la délégation des représentés à leur représentant. C’est cette hypothèse que ce colloque se propose de mettre à l’épreuve à travers deux axes de questionnement. Le premier porte sur les acteurs et les pratiques de la représentation politique, le second sur la représentation et la construction des groupes sociaux.

Sciences Po Bordeaux 11 allée Ausone
33607 Pessac
Renseignements : alicemazeaud@yahoo.fr
entrée libre dans la limite des places disponibles  

Programme

Jeudi 5 avril

9h15- 9h30, Introduction, Alice Mazeaud (CEJEP – Université de La Rochelle

9h30-11H30 : La « représentativité » des gouvernants (1) Discutant : Daniel Gaxie (CESSP-CRPS, Université de Paris 1)
  • Sébastien Michon, Valentin Behr (SAGE - Sciences Po Strasbourg), Quels profils pour quels postes ? La prise en compte de l’impératif de « représentativité » dans le recrutement des membres de gouvernement.
  • Stéphanie Dechezelles, Maurice Olive (CHERPA – Sciences Po Aix), Trames locales, couleurs nationales. L’usage de l’écharpe tricolore dans les mobilisations d’élus.
  • Cécile Vigour (Centre Émile Durkheim – Sciences Po Bordeaux), La représentation parlementaire : confrontations des perceptions et des pratiques des députés et des citoyens français.
11h45-13h15 : La « représentativité » des gouvernants (2) Discutant : Loïc Blondiaux (CESSP-CRPS - Université de Paris 1)
  • Pierre-Emmanuel Guigo (Centre d’histoire de Sciences Po), La République du mâle : la représentation du genre dominant en politique à l’épreuve d’une crise de la virilité.
  • Christian Le Bart (CRAPE - Sciences Po Rennes), Exemplarité et expressivité des représentants
14h30 – 17h30 : Que font les élus et leurs collaborateurs ? Discutante : Marion Paoletti (Centre Émile Durkheim – Université Montesquieu, Bordeaux IV
  • Rémi Lefebvre (CERAPS - Université Lille 2), L’emploi du temps, fenêtre sur le travail de représentant. La construction de l’agenda des élus cumulants.
  • Laurent Godmer (EEP - Paris Est Marne La Vallée), Guillaume Marrel (LBNC–Avignon), Que font (vraiment) les professionnels de la politique ? L’agenda électronique d’une élue régionale et les transformations de la représentation politique.
  • Willy Beauvallet (SAGE - Sciences Po Strasbourg), Le travail politique et parlementaire des élus comme production collective et concurrentielle. Le cas des députés de l’Assemblée nationale.
  • Julien Fretel (CURAPP – Université de Picardie), Julien Meimon, Jeux de lumière en miroir. Les stratégies politiques des auxiliaires d’élus pour faire connaître « leur » député.

vendredi 5 avril

  9h-12h : Les conditions sociales de la représentation Discutante : Myriam Aït-Aoudia (Centre Émile Durkheim – Sciences Po Bordeaux)
  • Julian Mischi (INRA-Département des sciences sociales, Dijon), Saisir la représentation municipale dans l’espace social local. Les élus d’un bourg industriel au 20e siècle.
  • Cyrille Rougier (GRESCO – Universités de Limoges et de Poitiers), La représentation politique en échec. Retour sur les conditions de possibilité d’un usage politique des associations “populaires”.
  • Camille Floderer (CHERPA – Sciences Po Aix), Regards sur les logiques d’intermédiation de la « demande sociale ». Perspectives costariciennes.
  • Federico Tarragoni (CSPRP- Université Paris 7), Populisme et représentation : les paradoxes de la politique du peuple au Venezuela d’Hugo Chavez.
13h30 – 16h30 : La représentation des groupes sociaux Discutant : Philippe Aldrin (CHERPA – Sciences Po Aix)
  • Hélène Michel (SAGE - Sciences Po Strasbourg), Comment représenter le patronat européen ? Les présidents d’une fédération européenne en quête d’européanité.
  • Elise Roullaud (LER - Lyon et TRIANGLE – Sciences Po Lyon), Construction et conditions sociales d’une représentation agricole européenne : le cas de la Coordination paysanne européenne.
  • Julie Testi (CERAPS-Université de Lille 2), Romain Vila (TRIANGLE – Uinversité de Lyon 2) et Julie Le Mazier (CESSP-CRPS - Université de Paris 1), Représenter les étudiants : une lutte concurrentielle pour la reconnaissance ?
  • Martin Baloge (CESSP-CRPS - Université de Paris 1), La représentation des intérêts fiscaux. Mobilisations et défense des groupes sociaux par les parlementaires en France et en Allemagne.
16h30 Conclusion : Delphine Dulong (CESSP-CRPS - Université de Paris 1), Antoine Roger (Centre Émile Durkheim - Sciences Po Bordeaux)

Organisation :

Delphine Dulong (CESSP-CRPS-Université Paris 1) Alice Mazeaud (CEJEP/Université de La Rochelle) Antoine Roger (Centre Émile Durkheim-Sciences Po Bordeaux)  

Comité scientifique

Myriam Aït-Aoudia (Centre Émile Durkheim-Sciences Po Bordeaux) ; Philippe Aldrin (CHERPA-Sciences Po Aix) ; Loic Blondiaux (CESSP-CRPS-Université Paris 1) ; Daniel Gaxie (CESSP-CRPS-Université Paris 1) ; Bernard Lacroix (GAP-Université Paris X Nanterre) ; Patrick Lehingue (CURAPP-Université de Picardie) ; Remi Lefebvre (CERAPS/Université Lille 2) ; Hélène Michel (SAGE-Sciences Po Strasbourg) ; Julian Mischi (INRA-Dijon) ; Yann Raison du Cleuziou (Centre Émile Durkheim-Université Montesquieu Bordeaux IV) Marion Paoletti (Centre Émile Durkheim-Université Montesquieu Bordeaux IV).

Argumentaire de l'appel à communications

Participation du public, sondages, interaction directe des citoyens et des élus sur les plateaux de télévision, chat en ligne, primaires partisanes… Autant d’outils souvent mobilisés comme des réponses à une « crise de la représentation » qui traduiraient l’avènement d’un « nouvel esprit de la démocratie ». Indépendamment des qualificatifs attribués à ces formes de gouvernement démocratique (« démocratie continue », « démocratie du public », « démocratie d’opinion », « démocratie de proximité »), l’existence de cet ensemble de pratiques, plus ou moins formalisées, de monopolisation et d’entretien de la représentation souligne que les modalités électorales et parlementaires de la délégation du pouvoir de représentation ne suffisent plus. En ce sens, cette nouvelle ingénierie de la représentation semble indiquer une mutation profonde du lien représentatif : la représentation ne reposerait plus sur la délégation des représentés à leur représentant.  C’est cette hypothèse que ce colloque se propose de mettre à l’épreuve.

En effet, plus de 30 ans après les travaux de Pierre Bourdieu sur la délégation, il reste beaucoup à comprendre des mécanismes de la représentation politique, surtout si on ne la pense pas à travers le seul prisme étroit de la représentation élective mais bien comme un univers concurrentiel pour la représentation de groupes sociaux dans lequel s’affrontent, ou coopèrent, des acteurs aux ressources et aux intérêts variés. En outre, il faut aussi s’interroger sur la façon dont l’évolution du champ scientifique (en particulier des sciences sociales) contribue à redéfinir les formes légitimes de la représentation des groupes sociaux, et partant, à construire ces transformations de la démocratie.

Afin de comprendre ce que signifie la représentation politique aujourd’hui, on peut dégager deux principaux axes de réflexion.

1er axe : Les représentants au travail. Acteurs et pratiques de la représentation politique

Un premier axe de réflexion vise à dresser un bilan des acteurs et des pratiques de la représentation politique aujourd’hui. En effet, en raison de la multiplication des échelles de représentation, de la tendance à la professionnalisation du travail de collaboration des élus ou encore de l’apparition de nouveaux acteurs aux côtés des entreprises partisanes il semble nécessaire de s’interroger de nouveau sur qui sont les représentants et sur ce qu’ils font, pour rendre compte de ce que « représenter » veut dire.

Dans cet axe de réflexion, des communications qui permettront de faire le point sur la dimension oligarchique de la représentation à travers études sur la sociologie des élus locaux, nationaux, européens et de leurs collaborateurs sont attendues ainsi que des communications qui viseront à ré-encastrer le travail des élus dans des univers professionnels pour mettre à jour les pratiques liées au travail de représentation politique au sein et à côté des partis. Il s’agirait ici de réfléchir au travail politique de représentation : quels acteurs ? (militants, think tank, institut de sondage, consultant etc.), quelles pratiques ? (participation, sondages, « tenir les murs et serrer les mains » etc.). Dans cette perspective, les analyses socio-historiques sont particulièrement bienvenues.

2ème axe : Représentation et construction des groupes sociaux.

Un second axe de réflexion vise à étudier la compétition permanente pour la reconnaissance des capacités à parler au nom des différents collectifs mobilisés ou mobilisables  dans la lutte pour la construction de l'intérêt général et donc aussi sur la construction des groupes sociaux. On sait que « le groupe se fait à travers son porte-parole », que les organismes publics produisent des « classifications » (sans-papiers, classes moyennes, les consommateurs) qui informent le monde social et peuvent devenir des supports de l’action collective et que plus largement, les groupes ne sont pas extérieurs aux organismes publics mais qu’ils sont autant des contributeurs de l'action publique que des produits de celle-ci. Néanmoins, il reste beaucoup à comprendre du « façonnage organisationnel » des publics, des intérêts, des groupes sociaux, des comportements. En effet, l’exemple du PCF et de la classe ouvrière démontre à lui seul comment la représentation politique contribue à informer le social et réciproquement. Par ailleurs, il s’agit de s’interroger sur la façon dont les jeux d’échelles contribuent à transformer les modalités d’accès à la représentation politique des groupes sociaux.

Aussi dans ce deuxième axe, trois entrées nous semblent particulièrement heuristiques. La première vise à analyser comment les représentants se représentent leurs publics, leurs comportements et leurs opinions. Recours à des indicateurs, porte-parole de l’opinion, instrument participatif, soutiens partisans ou associatifs... la liste des modes opératoires et des savoir-faire mobilisables par les gouvernants pour représenter les besoins, les attentes, les comportements des publics apparait infinie, et surtout mal connue. La seconde prend pour objet la construction des groupes sociaux. En quoi le travail de représentation informe-t-il le social ? Existe-il des possibles non-advenus d’un travail de représentation qui aurait échoué à produire des groupes sociaux ? Enfin, la troisième questionne les conditions d’accès à la représentation. Comment les groupes accèdent-ils à la représentation politique ? Quelles ressources mobilisent-ils? A quelles échelles (local, UE, national) ? Quels sont les effets de ce jeu d’échelles sur la représentation ?