Des « vrais gens » aux « followers »

Appel à contributions pour le
numéro 6 de la revue Politiques de Communication

Des « vrais gens » aux « followers »
La parole publique à l’heure du numérique

dossier coordonné par Aurélie Olivesi et Nicolas Hubé

 

Les médias de référence ont, bien avant le numérique, aménagé une place particulière à la parole des gens « ordinaires » dans leur discours : courrier des lecteurs dans la presse d’abord, micro-trottoirs à la télévision et dans la presse populaire à partir de la fin des années 1980, questions du public ou émissions de libre-antenne à la radio. Dès lors l’émergence des dispositifs numériques (commentaires d’articles, appels à témoignages dans les journaux, live-tweets, SMS diffusés en ligne) et leur intégration dans les processus d’information constituent-ils un bouleversement dans les statuts, places et rôles des différents locuteurs médiatiques (journalistes,  politiques, « citoyens », « profanes », « experts »), ou un prolongement des dispositifs « traditionnels » ?

La question de la parole des gens « ordinaires » dans les médias a été jusqu’à présent largement abordée par le recours à la notion de « profane ». Cependant, ces nouveaux régimes numériques entraînent à la fois une multiplication du nombre de locuteurs et une diversité de leur engagement énonciatif. On assiste notamment à l’émergence de leaders d’opinion ou de stratégies militantes dans l’usage de ces dispositifs (invitations à « pourrir les commentaires »). Réciproquement, les médias généralistes intègrent dans leur version Internet des commentaires, tweets ou blogs, qui sont eux-mêmes commentés et peuvent susciter des articles. Les pratiques professionnelles convergent enfin par le biais de l’utilisation par les journalistes, locuteurs habituellement « autorisés », de médias participatifs comme Facebook ou Twitter ou par l’ouverture de médias « pure players » qui proposent une information produite par des profanes et des professionnels sans apparente distinction.

Nous nous intéresserons ici principalement au cas de l’expression politique. En effet, ces dispositifs entrent largement en résonnance avec ceux mis en place dans le cadre de la « démocratie participative ». Ils semblent redéfinir les frontières de l’espace public et du politique dans les médias et apporter leur contribution à ce « nouvel esprit de la démocratie », appelé par les spécialistes de la participation.

Si ces questions ont été traitées de manière dispersée, nous souhaitons les aborder avec une approche comparative et pluridisciplinaire (sociologie, histoire, sciences du langage, science politique, sciences de l’information et de la communication), et selon diverses méthodologies de recherche (analyse de contenu, analyse sémiologique, observations, traitement statistique de données, entretiens…) en nous attachant principalement à la question de la présence de ces « paroles ordinaires » dans les médias et à leur instrumentalisation. Il s’agit de penser ces transformations de la mise en visibilité du commentaire politique dans la continuité du on- et du offline. Quels sont les processus de légitimation politique mis en œuvre ?

Les contributions attendues s’articulent selon deux axes :

- le premier axe s’interrogera sur le passage des dispositifs « anciens » aux dispositifs « récents ». S’agit-il d’une continuation des dispositifs traditionnels ou du constat de leur épuisement ? Les contributions portant sur les nouvelles articulations – mais également sur les permanences – entre les différents pôles que sont les « citoyens », l’opinion publique, les journalistes, les politiques, les experts suscités par l’émergence des médias numériques seront bienvenues. Dans quelle mesure ce public-actif (ayant lui-même largement une pratique médiatique plurielle multi-écrans et multi-supports) est-il à la fois une contrainte pour les producteurs d’informations ou de commentaires et une ressource, d’une part pour ces mêmes médias qui peuvent en faire une « marque » de fabrique, un trait distinctif dans l’espace médiatique concurrentiel ? Il importe alors de se poser la question des effets-retours de cette parole sur les producteurs d’informations. On s’interrogera sur l’usage des dispositifs participatifs par les acteurs traditionnels de la politique dans les médias : personnalités politiques, journalistes. Nous apporterons une attention particulière aux usages qui sont faits de cette présence par les différentes catégories d’acteurs, et aux discours qui sont produits.

- Le deuxième axe s’interrogera plus précisément sur l’identité des locuteurs « citoyens ». En effet les régimes d’identité numérique (anonymat, pseudonymat) soulèvent la question des rapports entre représentation de soi et expression de l’opinion. Ces participants sont-ils aussi distincts de leurs pairs offline qu’on les présente ? Dans quelle mesure la complexité de l’objet du politique ne pèse-t-elle pas dans les mêmes proportions sur la parole en ligne qu’elle ne le fait hors-ligne ? Comment l’expression « citoyenne » dans les médias est-elle, du fait de l’apparente neutralité des régimes d’identités permis par le numérique, utilisée par des militants à des fins partisanes ? Point aveugle de ces travaux, nous accueillerons avec intérêt les recherches permettant de mieux comprendre les profils des « citoyens » – ou de ceux qui se présentent comme tels – ainsi mobilisés.

Les propositions d’articles doivent être envoyées aux adresses mail des coordinateurs du dossier : Aurelie Olivesi et Nicolas Hubé avant lundi 16 juin 2014 (date limite).

La proposition devra comporter : Nom, prénom, coordonnées, université et laboratoire de rattachement, le titre de la communication ainsi qu’un résumé (maximum 600 mots).

La proposition doit être rédigée en Times New Roman, taille 12, interlignage double. Le document aura pour titre le nom de l’auteur. Réponse aux auteurs le 1er octobre 2014.

Les articles seront attendus pour le lundi 2 mars 2015.