Ce que vous ne pourrez pas détruire
Ce que vous ne pourrez pas détruire
En novembre 2016, nous avions à l’invitation de la bibliothèque du Taslu, érigé de symboliques « barricades de mots et de livres » et un abécédaire pour marquer la solidarité du monde des livres, des lettres et des savoirs à la ZAD de Notre-Dame-des-Landes. «La ZAD, écrivions-nous alors, n’est pas une "zone de non droit": c’est un monde d’auto-organisation, de création de communs hors de la marchandise, d’échange de savoirs et d’agriculture paysanne, de féminisme et de solidarité avec les migrant·e·s, un monde où se déploient de nouvelles façons d’habiter le territoire et de se soucier du vivant. C’est un puissant terreau qui fertilise les imaginaires politiques, un lieu auquel nous sommes puissamment attaché·e·s, une richesse que nous sommes résolus à défendre».
L’abandon du projet d’aéroport a confirmé, s’il en était besoin, la justesse de cette lutte. Mais depuis lundi, et alors qu’un dialogue était possible, une opération quasi-militaire est venue détruire des lieux de vie, des troupeaux, des fermes collectives, et blesser des habitants là où une douzaine d’enfants sont nés ces dernières années. Cette semaine sanglante ne peut nous laisser indifférent·e·s.
Ce que les milliers de soldats et le gouvernement ont cherché ici à éradiquer, c’est la singularité d’un lieu. C’est la beauté d’un bocage habité qu’on a voulu bétonner. Ce sont des mares et des tritons que des experts de la «compensation» entendaient déplacer ailleurs. C’est la poésie d’un habitat léger construit à des milliers de mains. C’est une joie de vivre (et parfois de s’engueuler) sans acheter ni déléguer. Bref c’est la récalcitrance d’un territoire-commune aux logiques d’aménagement infrastructurelles comme de valorisation financière.
Ce que Macron, Hulot et Collomb ont cherché à annihiler sous les bulldozers, c’est l’idée même qu’il puisse être possible d’habiter quelque part en France et de travailler la terre en dehors des cadres et des normes de l’agriculture productiviste, de l’endettement au Crédit Agricole et de la propriété privée.
Ce que ce gouvernement a voulu faire disparaître dans le fracas des grenades, ce sont les traces d’une victoire porteuse d’espoir. C’est l’écologie d’un laboratoire des nouveaux mondes. C’est la possibilité d’une brèche.
Cela fait maintenant plusieurs années que les traces de l’Université de Vincennes ouverte en 1968, de ses fulgurances d’intelligence et ses alternatives pédagogiques, ont été rasées dans le bois de Vincennes, comme pour éradiquer jusqu’au souvenir même d’avoir osé vouloir changer le monde et partager les savoirs. Nous ne pouvons laisser une éradication similaire s’opérer à Notre-Dame-des-Landes.
Après les barricades de mots nous, « intellectuel·le·s », joignons le geste à la parole. Ayant rejoint la ZAD, nous appelons nos collègues, et toutes les personnes indignées par ce déferlement de violence, à se joindre aux barricades de corps qui pourraient de nouveau faire face aux bulldozers, à prêter main forte aux cantines et aux chantiers qui déjà reconstruisent. Dès maintenant ainsi que dimanche à la manifestation de réoccupation.
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