Biennale de la démocratie 2013

Biennale de la Démocratie 2013 : un rendez-vous citoyen

Du 10 au 14 avril prochains s’est déroulé à Turin la troisième édition de Biennale de la démocratie. Après le succès des deux premières éditions – une participation très élevée : cinquante mille citoyens, surtout des jeunes, ont participé aux rencontres de la deuxième édition articulée autour de 150 rendez-vous avec 200 intervenants –, la Biennale avait cette année comme fil directeur la tension entre l'utopique et le possible, thème auquel diverses personnalités faisant autorité dans le débat national et international ont apporté leur réflexion. La Biennale organise également des rencontres pour mobiliser activement les citoyens dans des ateliers et des occasions d’échange. Elle est également présente à travers des modules de formation, dans les lycées et les universités pour aller vers les jeunes et leur proposer des ateliers disponibles également en ligne.

Le Gis Démocratie et Participation à la Biennale

Le Gis a suivi et a rendu compte sur son site de la précédente édition de la Biennale à travers des chroniques détaillant diverses manifestations.

Cette année, le Gis était présent à la Biennale à travers la co-organisation d’une table ronde, samedi 13 avril à 21 h, au Théâtre Gobetti :

« Grands Ouvrages : contester, participer, décider »
Conversation autour des mobilisations citoyennes contre les infrastructures en Europe. Comment impliquer les citoyens avant la décision ?

Photos : Giovanni Allegretti. Les intervenants, de gauche à droite : Loïc Blondiaux, Luigi Bobbio, Iolando Romano, Ilaria Casillo et Jean-Michel Fourniau.

En ouverture de la table ronde, Iolando Romano (Avventura Urbana) mentionnait le contenu du rapport rendu la veille au président de la République italienne par les dix Sages qu’il avait nommés fin mars pour sortir son pays de l’impasse politique dans laquelle il est plongé depuis les élections législatives du 24 février, celles-ci n’ayant pas dégagé de majorité. Une première commission de Sages traitait des réformes institutionnelles urgentes, une seconde des mesures pour faire repartir l’économie. Parmi les six conclusions de la première commission, la première porte sur les « droits des citoyens et la participation démocratique », et propose notamment la création d’un débat public sur les grands aménagements, faisant référence au modèle français institué par la loi de démocratie de proximité de 2002. L’idée de créer un débat public en amont des décisions sur les grands projets chemine en Italie depuis plus d’un an. Le débat revêtait donc une grande actualité, le théâtre Gobetti était plein et l'assistance attentive.

En partant des contestations des grands projets d’aménagement, celles qui ont conduit en France à instaurer le débat public, et des conflits plus récents sur la ligne à grande vitesse Turin-Lyon en Italie, sur l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes en France, sur réaménagement de la gare de Stuttgart en Allemagne, la table ronde a exploré la façon dont les mobilisations citoyennes contre les projets d’infrastructures se produisent et sont gérées par les autorités publiques. Ces conflits interrogent les processus d’élaboration des grands projets d’aménagement, leur orientation vers le développement durable, l’efficacité sur la longue durée des dispositifs participatifs déjà existants, comme le débat public en France, ou l’absence de démarches institutionnalisées de concertation, comme en Italie. Loïc Blondiaux a rappelé les caractéristiques du débat public français, et Jean-Michel Fourniau précisé certains de ses effets dans la durée, différenciés selon les secteurs d’action publique considérés. Ilaria Casillo a proposé une comparaisons entre les modes de gestion des conflits cités mettant en perspective les relations entre les citoyens ordinaires et les autorités publiques dans les concertations, les débats publics et les référendums comme celui sur la gare de Stuttgart. Luigi Bobbio, en rappelant le cas du débat public sur le contournement autoroutier de Gênes a mis en avant les différences entre le processus de débat qui permet de faire progressivement le tour des arguments, et le référendum qui vise à trancher une décision. Iolanda Romano pouvait alors lancer le débat avec la salle en insistant sur l’importance pour dépasser les conflits d’une confrontation médiée par un tiers.

Des représentants du mouvement No Tav, la forte opposition à la ligne à grande vitesse Turin-Lyon en Italie, se sont exprimés dans la discussion, notamment pour faire connaître les résultats de la rencontre tenue fin mars au Forum social de Tunis et l’adoption d’une Charte contre les Grands Projets Inutiles Imposés (les « éléphants blancs »). Beaucoup de questions ont porté sur l’expérience française du débat public. La discussion a fait ressortir à partir de témoignages sur de multiples projets que le débat public ne pouvait être la seule solution face à la conflictualité inhérente aux projets d’aménagement, notamment quand se sont de petits projets. L’expérimentation démocratique doit être la plus ouverte possible pour permettre l’expression des citoyens, mais l’existence d’un tiers garant pour organiser le débat apparaît toujours être une condition nécessaire pour pousser l'exploration des différentes dimensions des controverses. Et la création d’une autorité indépendante, une opportunité pour promouvoir l'expérimentation démocratique et la logique de la confrontation publique ouverte sur l’opportunité des décisions.