17-EVITE

EVITE - EValuation et généralisatIon du disposiTif d’Expérimentation citoyenne familles eau défi

Identité de l’équipe :

Sandrine Gombert-Courvoisier (UMR 5319 PASSAGES), Sarah-Jane Krieger (UMR 5319 PASSAGES), Marie-Line Félonneau (EA 4139 Laboratoire de psychologie), Julia Barrault (LyRE SUEZ), Florian Delerue (EA 4592 Géoressources et Environnement), Elsa Causse (EA 7352 CHROME), Céline Domenc (Cap Sciences)

Projets en rapport avec la transition écologique :

  • Projet REGARD (2015-2019) - REduction et Gestion des micropolluAnts sur la métRopole borDelaise. Financement Agence Française de la Biodiversité – Agence de l’Eau Adour-Garonne. Participants : S. Gombert-Courvoisier, S.J. Krieger, M.L. Félonneau, J. Barrault, F. Delerue, C. Domenc, E. Causse.
    • Mots-clés : Caractérisation de la source domestique de micropolluants, appréhension des perceptions des citoyens et de leur appropriation des enjeux relatifs à la qualité des milieux aquatiques, accompagnement aux changements de pratiques.
  • Projet Inove.com (2013-2016) - Identité, NOrme, Vulnérabilité, pour une approche Ecologique de la COnsommation durable des MEnages. Financement MEDDE dans le cadre de l’appel à projets MOVIDA. Participants : S. Gombert-Courvoisier, M.L. Félonneau, F. Delerue, E. Causse.
    • Mots-clés : Identification de perturbateurs de changements de comportements de consommation, caractérisation des impacts sur la qualité de vie (écologiques, économiques et psychologiques), identification des leviers d’action pour atténuer le sentiment de déclassement social des classes moyennes.
  • Projet PRAIRIE (2017-2019) – Programme de Recherche pour une Approche Intégrative de la Réduction de l’Impact Environnemental. Financement ADEME (AAP TEES). Participants : M.L. Félonneau, E. Causse.
    • Mots-clés : Réduction de l’impact environnemental des ménages en développant une approche intégrative qui articule réduction des déchets et réduction des dépenses énergétiques des foyers. Confrontation des modèles théoriques sur les déterminants psychosociaux des comportements écologiques et méthodologies complémentaires (approche expérimentale et approche qualitative sur le terrain en lien avec des partenaires locaux).

Problématique de la proposition :

Les micropolluants sont des composés chimiques susceptibles d’avoir une action toxique sur les organismes vivants d’un milieu donné à des concentrations très faibles. À l’heure actuelle, du fait de leur diversité et de leurs multiples sources d’origine anthropique, ces substances représentent un enjeu environnemental majeur pour les milieux aquatiques. Cet enjeu est d’autant plus prégnant au niveau des grandes agglomérations où ces composés se retrouvent en quantités importantes dans les eaux usées et les eaux pluviales, puis dans les milieux aquatiques, lorsqu’ils ne sont pas éliminés par les stations de traitement des eaux usées. Les pratiques domestiques représentent une source d’émission particulièrement importante de micropolluants liée à l’usage de produits de consommation courante (hygiène du corps, cosmétiques, médicaments, produits d’entretien, produits de traitement des animaux domestiques, etc). Les améliorations techniques des dispositifs de traitement des eaux usées ne pouvant pas solutionner à elles seules et à un coût raisonnable l’enjeu lié aux micropolluants, l’implication des citoyens, par des changements de pratiques, devient une nécessité pour réduire les émissions et les risques environnementaux et sanitaires associés.

Parmi les dispositifs d’accompagnement mis en oeuvre par les collectivités et les associations, les enjeux liés aux déchets, à l’énergie et à l’eau sont particulièrement investis. Citons par exemple l’opération « Foyers Témoins Déchets » (prévention des déchets) ou encore les défis « Familles à Energie Positive » (diminution des consommations d’énergie et d’eau). Les outils mobilisés dans ces démarches associent souvent : 1) une participation volontaire des ménages (recrutement par annonce présentant le défi ou au sein de réseaux associatifs), 2) un accompagnement de groupe ou individualisé, 3) un suivi des consommations ou des rejets (relevés de compteurs, pesées de déchets) participant à la prise de conscience et la montée en compétence, 4) un engagement à changer une ou plusieurs pratiques (signature d’une charte d’engagement), et 5) des défis ou des challenges associés à la participation et à l’effort d’investissement (comparaison des consommations énergétiques entre groupes ou en fonction du temps). Ces dispositifs ont permis de montrer une réduction des consommations ou des déchets au sein des ménages participants.

Cependant, ces démarches se heurtent à trois défis majeurs. Le premier est lié au recrutement des ménages volontaires. A l’heure des réseaux sociaux, de l’hyper-information, et de l’accélération des rythmes de vie, il devient difficile pour les citoyens de s’investir dans une nouvelle activité et d’y consacrer du temps et de l’énergie. Ainsi, les personnes mobilisées dans ces démarches, qualifiées de « plus convaincues », sont celles qui adhèrent à la définition scientifique et gestionnaire du problème environnemental. Dans tous les cas, ces personnes sont peu représentatives de la population dans son ensemble. Comment alors passer d’expérimentations impliquant quelques personnes (quelques dizaines à plusieurs centaines) localisées sur un territoire donné, à un mouvement collectif de fond participant à la transition écologique ? Le deuxième défi est lié au caractère durable du changement. Ces dispositifs d’accompagnement des citoyens se déroulent généralement sur un temps court (quelques mois) ne pouvant aborder que de manière superficielle les modalités du changement. Comment évaluer à moyen terme les effets de ces démarches sur la durabilité du changement ? Par quel(s) types(s) d’indicateurs et à quelle échelle spatiale ? Dans quelle mesure ces expériences particulières contribuent-elles à en nourrir de nouvelles dans d’autres contextes ? Le troisième défi concerne la capacité de ces dispositifs à fédérer, autour d’un projet commun, des citoyens n’y associant pas les mêmes valeurs : valeurs éthiques relatives au devenir de la planète, valeurs altruistes relatives à un « mieux-vivre » collectif ou encore valeurs politiques associées à une participation citoyenne à la proposition d’alternatives locales au modèle dominant. Cela interroge la nécessité de passer d’un paradigme d’acceptabilité sociale des changements impulsés par les décisionnaires et les gestionnaires à un paradigme d’appropriation des enjeux écologiques actuels.

Si les enjeux écologiques liés à la production de déchets et aux consommations d’eau et d’énergie sont relativement bien identifiés par les citoyens, l’appropriation des enjeux liés aux micropolluants est plus complexe. D’abord, du fait de leur invisibilité et de leur imperceptibilité, ce qui les rend impossibles à mesurer chez soi, à la différence des déchets domestiques produits (via les quantités produites) ou de l’eau consommée (via les relevés au compteur ou les factures). Ensuite, du fait de leur diversité (des milliers de composés différents peuvent être présents dans de très nombreux produits de consommation courante). Enfin, du fait de l’incertitude des scientifiques à l’égard des risques encourus pour l’environnement et la santé (qui dépendent des doses, des types d’effets, des synergies entre composés, de leur rémanence dans l’environnement, etc.). Comment les chercheurs et les acteurs publics peuvent-ils accompagner les citoyens vers plus de « capabilités » pour se réapproprier leur relation à la nature et à leur territoire et mieux comprendre ces enjeux complexes ?

Méthodologie et terrain d’enquête

Dans le cadre du projet REGARD, une expérimentation de participation citoyenne sur la problématique des micropolluants est en cours sur la Métropole Bordelaise. L’expérimentation « Familles Eau défi » vise à observer les pratiques réelles des ménages (diversité des produits, fréquence des pratiques, quantités utilisées), et les accompagner vers des changements de pratiques. L’objectif de cette expérimentation est, in fine, de préconiser des leviers d’action à l’échelle du ménage pour réduire les émissions domestiques de micropolluants. L’expérimentation s’est organisée en 4 phases échelonnées sur 6 mois : 1) recrutement de ménages volontaires au travers de réseaux diversifiés : administratifs, professionnels et associatifs ; 2) réalisation d’entretiens en vis-à-vis auprès des ménages ayant confirmé leur intérêt pour l’expérimentation ; 3) démarrage de l’expérimentation caractérisée par un suivi journalier de la fréquence des pratiques quotidiennes ciblées et de la quantité de produits utilisés, avant et après une procédure d’engagement sur les changements à réaliser au sein des ménages ; 4) réalisation de Focus Group avec les participants ayant mené l’expérimentation pour évaluer la mise en oeuvre des changements.

Type de résultat escompté

L’expérimentation « Familles Eau Défi » prendra fin en décembre 2017, au bout de 6 mois de participation citoyenne. Les résultats de cette expérimentation devraient nous permettre d’émettre des hypothèses quant aux mécanismes sous-jacents du changement de pratiques (cf analyse des entretiens), de conclure sur les changements les plus plébiscités en termes de produits ou de pratiques (substitution d’un produit par un autre ou d’un produit par une action mécanique, réduction des doses utilisées, réduction de la fréquence des pratiques) et d’en mesurer l’impact en termes de quantités consommées et rejetées dans les eaux usées via les pesées de produits et des analyses chimiques réalisées dans les eaux usées domestiques de certains ménages. Cependant, la poursuite de ces travaux semble nécessaire pour évaluer la durabilité des changements initiés et identifier les conditions nécessaires à leur généralisation. Ce deuxième volet à cette expérimentation pour la transition écologique aurait pour objectif d’apporter des réponses aux questions suivantes :

  • Comment généraliser les observations dans le cadre de cette expérimentation citoyenne à la population en général ? Comment déployer cet accompagnement au changement ?
  • Les ménages participant à cette expérimentation poursuivront-ils leurs changements de pratiques après 6 mois ? un an ? Cette participation citoyenne leur permettra-t-elle de s’engager sur d’autres types d’initiatives liées à d’autres champs d’investigation ?
  • Quel(s) types(s) d’indicateurs peuvent nous permettre d’évaluer ce dispositif d’accompagnement ? Un essaimage des initiatives de même type sur le territoire ? Une réduction des micropolluants (lesquels ?) dans les eaux usées ? Une diminution de l’impact (de quel type ? sur quelle espèce ?) sur le milieu aquatique ? Un « mieux-être » ou une « valorisation sociale » des ménages ayant participé à l’expérimentation ?