14-TRECQ : TRansition Ecologique et Changements de pratiQues

TRECQ : TRansition Ecologique et Changements de pratiQues

Coordination : Clarisse Cazals (ETBX Irstea) et Sylvie Ferrari (GREThA Université de Bordeaux) clarisse.cazals@irstea.fr0608023850 50, Avenue de Verdun, Gazinet F-33612 Cestas Cedex sylvie.ferrari@u-bordeaux.fr 0556842969 Avenue Leon Duguit, 33600 Pessac

Équipe de recherche

Notre collectif de chercheurs a construit un projet de recherche, « Ecological transition and changing practices » (ECOTRAC) soumis à l’appel à projets du LabEx COTE de l’Université de Bordeaux Clarisse Cazals économiste dans l’unité ETBX d’Irstea Bordeaux développe une approche patrimoniale de la transition en privilégiant les filières et les territoires en transition. Cette orientation conduit à questionner la bioéconomie qui est souvent présentée comme la voie permettant de satisfaire les objectifs d’une économie soutenable.

Questions de recherche

La transition écologique, vaste projet politique marqué par différents dispositifs institutionnels, occasionne dans les sphères scientifiques et techniques une réappropriation de la question des dynamiques de changement mais ces approches tendent à avoir une dimension normative en se focalisant sur la recherche d’un dominant design favorisant l’émergence d’un système sociotechnique soutenable. Privilégiant l’analyse de dynamiques institutionnelles, elles ne sont guère outillées pour intégrer le rôle des expérimentations « à bas bruit » dans la transition écologique et énergétique. Or, celle-ci s’incarne aussi dans des initiatives locales, prenant acte de constats d’experts de plus en plus catastrophistes quant à l’état de la planète et en nombre croissant depuis 2008, en partie en réaction à la crise financière mondiale. Quelle est la portée de telles expérimentations ? En quoi traduisent-elles une « transition à visée sociétale » ? Quelles sont leurs limites, soit parce qu’elles ne disposent pas en l’état des capacités d’empowerment requises (conscience critique ; capacité d’agir « avec » et « sur ») pour s’engager dans une logique bottom up, soit en l’absence de relais en termes de politiques publiques ?

Nous analysons la transition écologique en tant que processus sociétal, au-delà de la seule transition énergétique et des innovations techniques, deux entrées souvent privilégiées dans ce domaine de recherche. Plus précisément, à partir de deux études de cas -la reconversion du site industriel de Lacq (64) et l’usage des pesticides dans deux filières agricoles (viticulture et maïsiculture) de Nouvelle Aquitaine - nous analyserons les rapports entre, d’une part, des changements qui invoquent la transition écologique ou énergétique et, d’autre part, les pratiques démocratiques, les capacités d’action qu’elles supposent mais aussi les inégalités environnementales qu’elles induisent. Quelle est la portée démocratique des politiques publiques climat-énergie et des instruments de concertation mis en place par l’État et par un opérateur industriel privé (cas d’étude n°1) ? Quant aux objectifs de réduction d’usage des pesticides attendus dans le cadre de la transition agro-écologique, n’induisentils pas des inégalités environnementales entre travailleurs agricoles, et quelles conclusions en termes de recherche-action ? (cas d’étude n°2)

Travaux prévus et méthodologie

Etude de cas n°1 : Stockage de CO2 sur le site du Lacq, émergence d’une symbiose territoriale ?

Depuis 2013, Lacq, le plus grand gisement gazier de France métropolitaine, a été fermé et Total, la compagnie exploitante, a cessé son activité de production. Le site est requalifié comme site-pilote pour le stockage souterrain de CO2. Cette reconversion s’inscrit dans une histoire industrielle propre à ce territoire, qui n’est pas neutre dans l’émergence actuelle d’un cluster de la chimie. Concrètement, elle s’appuie sur les filières existantes puisqu’il s’agit de récupérer le CO2 industriel produit localement, tout en inscrivant la région comme pionnière en matière de transition énergétique et technologique. Cette réaffectation du site s’inscrit en effet parmi les objectifs de la transition où les solutions de réduction des émissions de CO2 dans l’atmosphère jouent un rôle majeur.

Transition écologique et processus de décision démocratique

L’analyse des caractéristiques du projet de reconversion à l’aide d’une série d’indicateurs théoriques d’un nouveau modèle de relations sociopolitiques dans le domaine de l’énergie est proposée. Cette perspective vise à questionner l’effectivité des changements de pratiques engagés sur des projets labellisés « transition énergétique », afin de croiser les postulats théoriques de participation publique, de délibération, de transparence et de gouvernance inclusive avec les réalités de projets soutenus par des acteurs aux intérêts souvent contradictoires. La problématique de la recherche s’inscrit ici dans l’analyse des usages instrumentaux des dispositifs participatifs, mais aussi dans les formes de contournement mises en oeuvre par les publics mobilisés. Il s’agit d’analyser la portée démocratique à la fois des politiques publiques climat-énergie qui s’incarnent dans ce type de projet de capture et stockage du CO2, et des instruments de concertation mis en place par l’Etat (enquête publique) et par l’opérateur (Total).

Transition écologique et bioéconomie du carbone

Ce volet examine les rapports entre Transition écologique et bioéconomie du carbone. À partir des activités développées autour du carbone, une approche systémique du territoire sera développée à l’aide d’une analyse énergétique du territoire sur la base d’un modèle bioéconomique (flux matière et énergie). Afin de comprendre comment la logique territoriale s’articule avec la logique des systèmes socio-techniques, une analyse à l’aide d’une approche multi-niveaux (niche-régime) peut ici être utile. Il sera également possible d’étudier les différents paramètres intra-organisationnels (individuels et collectifs) et extraorganisationnels (parties prenantes) qui influencent les motivations et les prises de décision stratégiques des acteurs sur le territoire. Cette approche bioéconomique sera croisée avec une analyse en termes de patrimoines productifs collectifs qui permettra de comprendre les modalités de la conversion du site du Lacq. On cherchera à répondre aux questions suivantes : quels sont les impacts des stratégies portées par les acteurs privés et publics à différentes échelles en termes de transition écologique et notamment vis-à-vis du stockage du carbone ? Considérant que la bioéconomie ne constitue pas une pratique de la transition unifiée mais plutôt un compromis entre un projet politique, une voie de changement technologique et un changement de paradigme économique, quelles sont les caractéristiques (problématisation économique et environnementale, produits …) du ou des compromis dominant du cluster chimique de Lacq ?

Etude de cas n°2 : La santé, vecteur de changement de pratiques relatives aux pesticides ?

Dans un contexte paradoxal d’actions publiques récurrentes visant à réduire l’usage des pesticides, mais contredites par l’augmentation continue des ventes, nous nous intéresserons à l’utilisation de ces produits par les travailleurs agricoles. Ces utilisations suscitent actuellement des débats techniques quant aux alternatives possibles et leur expérimentation. La principale raison avancée par les travaux de sociologie et de science politique pour expliquer le difficile changement de pratiques en matière d’utilisation des pesticides tiendrait à la difficile reconnaissance de ces maux par les travailleurs agricoles. Trois principaux processus entraveraient cette reconnaissance :
  1. les incertitudes des connaissances épidémiologiques dans ce domaine, qui produisent des « politiques de l’ignorance » ;
  2. une individualisation de la gestion du risque, liée à une injonction croissante à une responsabilité individuelle ;
  3. La difficulté des travailleurs agricoles à se reconnaître victimes, processus qui exige un transfert de responsabilité qui rend possible processus de mobilisation. Notre questionnement sera le suivant : quelles sont les capacités des travailleurs agricoles à dire leurs problèmes de santé et à réfléchir collectivement leurs pratiques relatives à l’utilisation des produits phytosanitaires ?

Transition écologique et inégalités environnementales

L’hypothèse sociologique de départ est que l’exposition des utilisateurs peut être lue comme une inégalité environnementale. Le travail d’élaboration de nouvelles techniques, et en particulier des « bonnes pratiques », est socialement organisé : le pouvoir d’initiative est inégalement réparti au détriment des travailleurs considérés comme de simples exécutants. Nous faisons l’hypothèse que les capacités des travailleurs agricoles à exprimer leurs problèmes de santé et à réfléchir collectivement leurs pratiques relatives à l’utilisation des produits phytosanitaires sont inégalement réparties selon le statut social de la personne (salarié ou agriculteur) ; les débats techniques à propos des pratiques alternatives aux pesticides de synthèse, variables en fonction de la production (viticulture, maïsiculture ; et plus largement, les rapports de domination à l’oeuvre au sein de la filière, à l’échelle du territoire et des politiques agricoles.

Transition écologique et recherche-action

En ergotoxicologie, les risques liés à l’usage des pesticides vont être caractérisés conjointement grâce à une approche objective et une approche subjective. La méthodologie mise en oeuvre repose sur une démarche de recherche-intervention conduite en pluridisciplinarité et en partenariat avec les différents acteurs concernés. Cette démarche est basée sur un processus de construction sociale avec les différentes personnes ou partenaires, des immersions et observations participantes, des observations globales de l’activité, des observations détaillées de l’activité. Nous invitons la diversité des acteurs à contribuer à la recherche et à la production des traces brutes de l’exposition et de l’activité pour les mettre ensuite en discussion. Les objectifs poursuivis dans cette approche en ergotoxicologie visent à renforcer la sécurité et la santé au travail en viticulture via la mise en place d’un dispositif qui permette aux travailleurs de la viticulture (exploitants comme salariés) et à leur entourage/parenté de développer leur capacité de détection des situations d’exposition aux pesticides.